La littérature comme moyen de légitimer le communisme (I)

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Essayer de comprendre le pouvoir communiste en Tchécoslovaquie nous conduit à nous intéresser aux arts, et notamment à la façon dont les communistes ont utilisé la littérature pour essayer de légitimer leur prise du pouvoir. C’est à un tel sujet que s’intéresse Catherine Servant, fine connaisseuse de la littérature tchèque, qui anime un séminaire au Cefres : cette historienne s’intéresse en particulier à l’instrumentalisation du mouvement littéraire du XIXème siècle de la « Renaissance Nationale ». Catherine Servant présente à Radio Prague son projet de recherche.

« Ce qui m’intéresse beaucoup est de voir comment on se tourne vers le passé pour légitimer certaines démarches culturelles et certaines démarches de politiques culturelles dans les rangs communistes, après 1945 et de manière plus autoritaire et radicale après février 1948. »

Par vos travaux, et notamment un séminaire que vous dirigez au Centre français de recherche en sciences sociales, vous étudiez comment les communistes ont utilisé le mouvement littéraire de la « Renaissance nationale », à l’origine un mouvement littéraire du XIXème siècle qui prône une certaine unité nationale, un rassemblement national. Les communistes se sont présentés comme successeurs de ce mouvement…

« Il faut préciser que ce ne sont pas tous les communistes : après 1945, surtout pour ne pas effrayer la population, les communistes ont besoin d’une légitimation, d’éveiller un sentiment de continuité par rapport au passé, et non pas de se présenter comme des artisans de la rupture et d’une modernité si radicale qu’elle priverait les tchèques de leur passé. Du coup, on utilise certains acteurs de la politique culturelle tchécoslovaque, et au premier chef Zdeněk Nejedlý, pour construire et assurer ce sentiment de continuité. Zdeněk Nejedlý et quelques autres ne représentent qu’une aile du pouvoir communiste, et même avant 1948 du parti communiste, mais cela est très important, dans la mesure où cela a un pouvoir fédérateur de revenir aux valeurs du XIXème siècle, et tout spécialement à la ‘Renaissance nationale’. Il n’y a pas eu que cette référence, il y a eu aussi la référence au hussitisme, qui était très importante. D’un côté, Nejedlý surtout essaye de produire ce sentiment de continuité en mettant en avant certaines qualités, selon lui, de la Renaissance nationale, mouvement de la première moitié du XIXème siècle : le progressisme des éveilleurs nationaux, le caractère populaire de la culture de la Renaissance nationale, qui sont des valeurs qui sont remises en avant après 1945, en tant que grand modèle, en tant que grandes références ».

Ce sont les mêmes valeurs qui sont utilisées dans le hussitisme ?

Zdeněk Nejedlý,  photo: CTK
« Absolument. Il y a une notion en plus dans le hussitisme, c’est l’aspect guerrier. La religion est évidemment gommée, mais l’aspect combattant est mis en avant. Nejedlý arrive à des affirmations comme ‘les communistes sont les nouveaux hussites des temps modernes’, il se qualifie lui-même de ‘dernier des hussites’. C’est une référence très importante et qui a été déjà traitée d’un point de vue historiographique par certains historiens contemporains. En revanche, le retour au XIXème siècle est un peu moins traité ; et ce qui m’intéresse, ce n’est pas seulement Zdeněk Nejedlý mais toute la valorisation et toute la promotion dont bénéficie cette culture du XIXème siècle. »

Vous retrouverez la suite de cet entretien avec Catherine Servant sur l’utilisation de la littérature aux débuts du régime communisme dans une prochaine émission de Radio Prague.