La littérature tchèque - un ailleurs, une altérité qui intriguent
C’est le roman Maličkost (Bagatelle) de Markéta Baňková, ouvrage mariant la littérature et la science, qui a remporté le prix Le Livre tchèque 2016. L’ambition de l’organisateur principal de cette distinction littéraire Martin Daneš étant de faire connaître la littérature tchèque sur le plan international, plusieurs éditeurs étrangers ont été invités pour assister à la cérémonie de remise du prix. Parmi ceux qui ont assisté le 12 mai à la cérémonie dans le cadre de la foire Le Monde du Livre à Prague, il y avait aussi Myriam Caron Belzile du Canada et Mohamed Rachid Chraïbi du Maroc qui ont répondu aux questions de Radio Prague.
Myriam Belzile : Nous avons la chance d’avoir un lectorat curieux
Myriam Caron Belzile est éditrice et adjointe à la direction des éditions Québec Amérique. Elle a d’abord présenté sa maison d’édition :« Les éditions Québec Amérique existent depuis 1974. Elles ont été fondées par M. Jacques Fortin. C’est une des plus grandes maisons indépendantes au Québec avec un catalogue généraliste s’adressant à la fois à la jeunesse, au grand public et éditant aussi des encyclopédies et des dictionnaires ainsi que des applications. »
Pourquoi êtes-vous venue ? Vous et votre maison d’éditions, vous intéressez-vous à la littérature tchèque ?
« Absolument, Québec Amérique est une maison d’éditions ouverte sur le monde et nous produisons chaque année plusieurs traductions généralement provenant du Canada anglais. Mais depuis quelques années je suis observatrice des prix littéraires et des livres tchèques par curiosité, pour voir ce qui se fait dans la littérature nationale. C’est évidemment une autre culture qui repose sur un petit bassin de population qui a une identité propre au milieu d’un grand bassin culturel, un peu comme ce qu’on vit au Québec en tant que francophones en Amérique. Evidemment on subodore qu’il y des affinités possibles, des atomes crochus et en même temps évidemment il y a un exotisme, un ailleurs, une altérité qui intriguent et que j’aimerais pouvoir proposer à nos lecteurs. »Avez-vous déjà publié un ouvrage tchèque ou d’Europe centrale, par exemple ?
« Oui, mais ça fait déjà plusieurs années, le nom m’échappe actuellement. Dans les dernières années, comme je vous disais, on était vraiment tourné vers la littérature canadienne de langue anglaise, et c’est pourquoi je m’intéresse aux prix littéraires tchèques et aux différents prix d’Europe parce que c’est ce que va nous ouvrir de nouvelles portes. Nous n’avons aucun locuteur tchèque ou serbe, nous n’avons qu’une locutrice germanophone au sein de notre équipe, mais très peu de lecteurs qui peuvent avoir accès à la production internationale. C’est pourquoi l’intervention de M. Martin Daneš est d’une grande importance. C’est un médiateur culturel qui m’a permis d’avoir accès à vos livres à travers le prix Le livre tchèque. Ces activités subventionnées en partie par votre ministère de la Culture nous ouvrent l’accès à des extraits de livres traduits en français. Cela nous permet de jeter un premier coup d’œil, de découvrir le style, le temps d’avoir une idée si peut-être ça pourrait convenir à notre catalogue et ensuite le gagnant du prix voit un chapitre de son œuvre traduit en français ce qui, encore une fois, nous permet d’avoir accès à plus de contenu, de le faire découvrir à notre comité de lecture. Alors j’ai bon espoir que la gagnante de cette année aura la faveur de notre comité. »
D’après ce que vous avez vu et savez déjà, avez-vous l’impression que ces textes et ces livres pourront intéresser les lecteurs canadiens ?
« Je crois que oui, entre autres le texte de Bagatelle (Maličkost) dont je ne peux pas malheureusement prononcer le titre en tchèque et qui aborde les sujets qui transcendent les frontières, qui transcendent les identités nationales et qui parlent beaucoup de l’humanité dans notre époque, l’humanité qui cherche à définir son essence, et bon, je crois que cette quête est universelle et internationale. Cela étant dit, je crois que l’exotisme de la proposition, si l’on veut, comme j’y ai fait la référence tout à l’heure, va également contribuer à la curiosité et à l’intérêt des lecteurs québécois. On a la chance d’avoir un lectorat très curieux et très ouvert et je pense qu’avec une proposition aussi originale qu’est la gagnante de cette année, on peut arriver à piquer la curiosité et à faire découvrir la littérature tchèque à de nombreux lecteurs. »Mohamed Rachid Chraïbi : J’aimerais faire traduire en tchèque un livre d’Omar Mounir
La maison d’édition marocaine Marsam était représentée à la cérémonie par Mme Zineb Abderrazik Chraïbi et M. Mohamed Rachid Chraïbi. Ce dernier a d’abord évoqué l’éventail des activités de sa maison :
« Nous sommes cofondateurs de la maison d’éditions Marsam, qui est en même temps une galerie d’art et un atelier d’édition d’art graphique et d’estampe. Sur le plan des éditions nous sommes généralistes. Nous éditons le livre de jeunesse, le roman, la nouvelle, la poésie. Je dirais même que nous sommes des spécialistes de la poésie au Maroc. Et nous faisons aussi le beau livre, les essais, les traductions, etc. Voilà ce que nous sommes en tant qu’éditeurs. »Comment se fait-il que vous êtes aujourd’hui à Prague et que vous vous intéressez à la littérature tchèque ?
« Les organisateurs (du prix Le Livre tchèque) ont dû remarquer notre assiduité et le travail que nous faisons et ils ont eu la gentillesse de nous inviter en tant qu’observateurs. Nous voulons les remercier parce que c’est un grand honneur que nous soyons là pour le prix littéraire Le Livre tchèque. »
Editez-vous aussi de la littérature tchèque ?
« Nous avons prévu qu’il y ait au moins un échange. Je souhaiterais qu’on puisse éditer au Maroc, soit en français, soit en arabe, au moins un livre tchèque de grand nom et qu’on édite ici un prix littéraire marocain. »
Quel auteur marocain proposeriez-vous aux éditeurs tchèques ?
« Je proposerais un de mes auteurs qui est installé à Prague, M. Omar Mounir. J’ai édité avec lui une dizaine d’ouvrages. Depuis que nous avons commencé, nous sommes au dixième ouvrage, après des romans, essais, romans historiques, la liste est assez longue, voilà. Ce serait quand même une excellente chose qu’un auteur marocain ayant résidé à Prague soit traduit en tchèque. Et si je pouvais choisir, j’aimerais bien faire traduire au Maroc en français ou en arabe l’ouvrage de la dame qui vient de remporter le prix Le Livre tchèque (‘Bagatelle’ de Markéta Baňková). Nous aurions un échange de bon procédé. Je pense que le fait que nous soyons invités comme observateurs à ce prix pourrait devenir le début d’une dynamique pour promouvoir cet échange entre le Maroc et la Tchéquie. Je pense que ça serait une bonne chose. Simplement, il faut laisser les choses mûrir. »Avez-vous déjà à l’esprit une œuvre concrète d’Omar Mounir que vous aimeriez faire traduire en tchèque ?
« La première que j’ai publiée parce qu’elle relate le Maroc des années de l’indépendance – ‘S’en sortir ou mourir’. C’est l’histoire de deux enfants, dont chacun a suivi un chemin différent. L’auteur nous amène dans un Maroc où il y avait une communauté juive et une communauté musulmane qui vivaient ensemble. Et tout cela est raconté dans ce roman. C’est le premier livre d’Omar Mounir que j’ai publié. Et encore un dernier mot. Le responsable culturel tchèque au Maroc est assez proche de nous. C’est peut-être lui qui a soutenu notre candidature et nous aurons des projets à réaliser ensemble dans le cadre de notre galerie. »Ajoutons que l’écrivain Omar Mounir est notre ancien collègue. Journaliste de la section française de Radio Prague pendant de longues années, il se consacre aujourd’hui entièrement à la littérature. Un de ses livres a déjà été traduit en tchèque. L’ouvrage intitulé « Madame Paris Prague », biographie romancée de l’ancienne journaliste de Radio Prague Jarmila Baxová, a été publié d’abord aux éditions Cheminements en France puis, traduit en tchèque par Magdalena Segertová - Hrozínková, aux éditions Mladá fronta. Il y a quelques jours, Český rozhlas, la radio publique tchèque, a présenté une série de lectures de ce roman en cinq parties.