La magie du chiffre 8 dans l’histoire tchèque ?
Dans l’histoire tchèque, on trouve beaucoup de dates s’attachant aux grands moments ou à d’importants tournants historiques qui finissent par le chiffre 8. Un concours de circonstances, pourrait-on objecter. Or les dates et les anniversaires se terminant par un huit sont réellement plus nombreux que d’autres numéros, et cela non seulement dans le courant du XXe siècle lorsque la Tchécoslovaquie est née, en 1918, lorsqu’elle a vécu la mobilisation et l’annexion des régions limitrophes, en 1938, puis le putsch communiste de 1948 et l’occupation par les armées du pacte de Varsovie, en 1968. Retour, dans cette page d’histoire, sur des dates se terminant par un huit que d’aucuns considèrent comme fatales ou fatidiques…
Au seuil de l’an qui se termine par le chiffre 8, le président Vaclav Klaus a, lui-aussi, évoqué, dans son discours du Jour de l’An, des dates positives et moins positives de l’histoire tchèque finissant par le huit, en souhaitant que l’année 2008 soit de celles qui sont bonnes :
« Je souhaiterais à nous tous que l’année 2008 devienne l’année de notre activité dans les sphères personnelle et publique, dans la vie privée et dans la politique, parce que, disons le à haute voix, malgré un nombre non négligeable de problèmes individuels et politiques, nous vivons aujourd’hui probablement la meilleure période de l’histoire de notre pays. »
A s’en référer à l’historien Petr Cornej, des dates importantes finissant par le chiffre 8 se comptent par dizaines, mais elles n’ont pas toujours marqué des périodes heureuses:
« L’histoire tchèque connaît une quarantaine de dates finissant par un 8: à commencer par l’année 1108 qui fut celle de l’assassinat des Vrsovec, famille concurrentielle de la future dynastie régnante des Premyslides, et terminé par 1998, lorsque les hockeyeurs tchèques ont décroché la médaille d’or aux Jeux olympiques de Nagano… » L’une des premières dates de toute importance finissant par le chiffre 8 : l’an 1158 qui est celui du couronnement du premier roi de Bohême, Vladislav II des Premyslides, mais, selon l’historien Cornej, on en trouve d’autres :« Les 8 fatidiques sont vraiment nombreux : 1278 - la bataille de Marchfeld près de Vienne et la mort du roi Premysl Otakar II. »
Un roi surnommé d’or et de fer sous lequel l’Etat tchèque a atteint son apogée, s’étendant loin au sud jusqu’à l’Adriatique. Abandonné par une partie de la noblesse tchèque, Premysl Otakar II trouve la mort dans la bataille de Marchfeld, perdant l’espoir d’obtenir la couronne impériale à laquelle il aspira. Son différend justement avec l’autre candidat au trône impérial, Rodolphe 1er de Habsbourg, lui coûta la vie.
Cinquante ans plus tard, en 1328, le roi de Bohême Jean de Luxembourg a entrepris une croisade en Lituanie et en Prusse …
En 1348, son fils, Charles IV, roi de Bohême et empereur germanique, a fondé la Nouvelle-Ville pragoise, suivant le modèle de la ville sainte, Jérusalem. La même année a été fondé le château de Karlstejn, destiné à garder le trésor du royaume et les joyaux de la couronne, et c’est aussi en 1348 que Charles IV dote Prague d’une université qui est la première en Europe centrale…
Trente ans plus tard, le souverain de génie, Charles IV, meurt, en 1378…
Vient le XVe siècle et avec lui, deux dates importantes finissant par un 8: l’an 1448, lorsque Georges de Podebrady, fils du seigneur morave de Kunstat, prend d'assaut Prague dominé alors par le parti catholique. Il devient gouverneur du pays régnant à la place du roi mineur Ladislav et lorsque celui-ci meurt, Georges est élu, en 1458, roi de Bohême. Son nom restera lié à un projet dépassant son temps: celui de la création d'une union pacifique paneuropéenne des pays souverains égaux en droit, ayant le statut d'une charte pacifique universelle…
Au XVIIe siècle, c’est l’an 1618, date de la défenestration pragoise au Château de Prague qui marque le début de la Guerre de Trente ans laquelle prend fin, sur le sol pragois, en 1648, raconte l’historien Cornej, en passant au XIXe siècle : 1818, date de la fondation du Musée patriotique qui fut le précurseur du Musée national, 1848, année révolutionnaire de lutte pour l’autonomie qui culmine par l’abolition des corvées, et ce n’est pas tout encore :
« 1868, année des émeutes et de lutte pour le droit à un Etat et l’année où la première pierre du Théâtre national a été posée… »
Une date cruciale dans l’histoire tchèque, 1918, la date de la création d’un Etat indépendant après 300 ans de coexistence au sein de l’empire austro-hongrois. Cet événement comme s’il avait présagé une pléiade de dates finissant par le chiffre 8 qui ont eu une influence décisive sur l’évolution du pays dans le courant du XXe siècle: 1918, 1938, 1948, 1968, dit l’historien Oldrich Tuma. Pour lui, il ne fait pas de doute que la fréquence des 8 va au-delà de la marge de probabilité statistique:« Dans une certaine mesure, le régime communiste a succombé à la magie des chiffres, en renforçant, dans les années 1978 et 1988, les mesures de sécurité, par crainte que des anniversaires finissant par le 8 ne donnent pas lieu à des protestations, que quelque chose ne se produise. Car, franchement, quand on regarde en arrière, on s’aperçoit qu’une fois tous les 20 ans ou une fois par génération, un tournant se produit dans le climat politique ou social du pays. Il n’y a pas lieu d’avoir peur, mais d’autre part, on ne peut pas être sûr que la vie continuera à un rythme toujours aussi calme, à l’avenir. »
Et c’est sur ces propos que nous terminons, aujourd’hui, pour revenir à des dates finissant par le chiffre 8 qui ont marqué le cours du XXe siècle dans une de nos prochaines rubriques historiques.