La musique du Roi Soleil illumine l’hiver pragois
Ces jeudi et vendredi, dans la salle du Rudolfinum à Prague, le Collegium 1704 fera revivre la musique de la cour des rois de France. Sous la baguette de Václav Luks et le temps de deux concerts intitulés « Les festivités de Versailles », Collegium 1704, un ensemble tchèque spécialisé dans l’interprétation de la musique baroque, présentera une partie de l’œuvre de Jean-Baptiste Lully, Jean-Philippe Rameau, et Jean-Joseph de Mondonville, trois compositeurs qui ont marqué cette période glorieuse de l’histoire de France. Tous deux invités comme solistes, le ténor Cyril Auvity et la basse Benoît Arnould ont expliqué au micro de Radio Prague le thème de ces deux concerts pragois :
Dans quelle mesure le thème des festivités à Versailles peut-il intéresser et plaire à un public étranger comme le public tchèque ?
Benoît Arnould : « A l’instant où on entend cette musique, on ne peut s'empêcher de penser à Versailles, car c'est extrêmement fastueux. Il y a un son extrêmement français dans la manière de faire, dans l'ornementation, la musique, et les percussions. D'autant plus que, par exemple, le Te Deum de Lully qui sera joué dans le concert a été une œuvre majeure en France. Concrètement, elle a été jouée des centaines de fois et a eu un grand succès à l'époque. Ce n’est pas anodin. Je pense aussi que c'est pour cette raison que ce concert a de grandes chances de plaire au public tchèque. »
Cyril Auvity : « Et puis il y a également un aspect 'curiosité’. Il faut admettre que ce qui est connu dans un pays ne l'est pas forcément dans un autre, mais la curiosité guide les gens. Je pense qu'un nom comme Lully résonne. Même si on n'a pas forcément entendu sa musique, elle rappelle le Roi Soleil, et donc, dans l'inconscient collectif, c'est quelque chose qui attire. »
Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville n'est pas un contemporain de Louis XIV. Pourquoi rentre-t-il donc dans ce thème ?
Benoît Arnould : « Il est effectivement un peu plus tardif. On se situe au tout début du XVIIIe siècle, la musique de Mondonville s'approche donc un peu plus d'une musique ramiste (de Rameau) que de Lully, qui, lui, est encore dans l'ancienne tradition. »Cyril Auvity : « C'est intéressant, car ces deux parties offrent deux types de musique française baroque. La première partie avec Lully est une musique baroque très dansante, avec ses rythmes enlevés, tandis que la deuxième partie est beaucoup plus rhétorique avec Rameau, qui écrit beaucoup d'ornementations très illustratives du texte. Mondonville et Rameau ont donc une autre manière d'écrire. On a deux aspects totalement différents de la musique baroque française. »
La musique française de l'époque baroque a-t-elle influencé les musiques européennes en général ?
Benoît Arnould : « Oui, c'est évident. La musique française a clairement été influente ne serait-ce qu'au niveau des danses et de la structure. La musique allemande du XVIIe siècle a elle aussi été très influencée – certes, on le dit souvent, par la musique italienne puisque les compositeurs allemands partaient en Italie pour faire leurs études - mais aussi par contagion par la musique française. A partir du XVIIe siècle, la musique commençait vraiment à voyager partout. Donc, la musique française a clairement eu une influence très forte. Même au niveau des effectifs d'orchestration, sur l'orchestration moderne et plus tardive, la musique française a vraiment apporté quelque chose. »
Quel est votre compositeur préféré entre Lully, Rameau et Mondonville? Lequel aimez-vous le plus interpréter?
Cyril Auvity : « Personnellement, j'adore Lully pour ses tragédies lyriques, pour ses opéras. Je trouve que c'est vraiment fantastique parce qu'il y a plein de mélanges à deux danses, des airs de cour, des chœurs fantastiques, des grandes chaconnes ou des passacailles à la fin de ses œuvres. Lully est aussi un compositeur très proche du texte, de la phrase, du langage, et c’est très touchant. Après, j'ai un faible aussi pour Mondonville, car c'est un compositeur assez peu connu pour nous, Français contemporains. Et il avait des trouvailles harmoniques, il a écrit des œuvres absolument magnifiques, donc c'est chouette de pouvoir l’interpréter.»Benoît Arnould : « On va dire aucun, dans le sens où je les aime tous, j'ai une sorte d'amour pour ces compositeurs. Si vous voulez, je peux trouver dans chaque pièce une caractéristique qui m'intéresse ou qui me plaît, je n’ai donc pas vraiment de choix arrêté. En termes vocaux, ce sont deux mondes qui sont à la fois très différents et très intéressants à explorer quels qu'ils soient. »