Vers la fin de l'hégémonie de l'ODS à droite

Martin Kuba et Miroslava Němcová, photo: CTK

L’hégémonie à droite du parti ODS depuis le début des années 1990 semble en passe de s’achever. Tandis que le gouvernement de Jiří Rusnok doit démissionner mardi et que les députés devraient voter la dissolution de la Chambre basse du Parlement en fin de semaine, les élections législatives anticipées qui seraient alors organisées en octobre pourraient tourner à la déconfiture pour la formation créée par Václav Klaus. Aussi, l’ancien président a été rappelé à la rescousse par quelques cadres du parti civique-démocrate, mais l’intéressé n’a pas l’intention de signer son retour en politique, en tous cas pour l’instant.

Depuis l’avènement de la République tchèque en 1993, le parti civique-démocrate, prônant les valeurs d’une droite conservatrice et libérale, a été au gouvernement durant treize années et a toujours été l’une des deux plus importantes formations politiques, avec les sociaux-démocrates, à la Chambre des députés. Celle-ci devrait voter sa dissolution vendredi, ouvrant la voix à l’organisation d’élections législatives anticipées, des élections qu’a tout à craindre un parti ODS en perte de vitesse.

Le gouvernement de Petr Nečas a été l’un des plus impopulaires du pays, menant une stricte politique d’austérité dans un contexte de récession économique et d’augmentation du chômage. Les scandales de corruption à répétition sont devenus une véritable marque de fabrique d’un parti dont le candidat à la présidentielle de janvier 2013, Premyšl Sobotka, a réussi l’exploit de terminer avant-dernier en rassemblant seulement 2,46% des voix.

Václav Klaus et Miloš Zeman,  photo: CTK
Malgré un ancrage toujours important au niveau local, l’ODS devrait perdre son leadership national à droite au profit du parti conservateur TOP 09. Pour la formation civique-démocrate, il s’agit de limiter la casse et certains ont donc proposé à une figure majeure de la politique tchèque de ces dernières décennies de revenir en politique pour remettre de l’ordre à droite. Cet homme providentiel, c’est Václav Klaus, lequel s’est exprimé publiquement samedi alors qu’il participait au traditionnel pèlerinage sur le plus haut sommet tchèque, le mont Sněžka au nord-est de la Bohême, qui culmine à 1602 mètres. Il en a d’ailleurs profité pour partager une bonne bière avec son meilleur ennemi de toujours, son successeur à la tête de l’Etat, Miloš Zeman. Václav Klaus a clairement exclu de s’engager pour la campagne des législatives :

« A un certain moment, j’ai cru qu’il y avait de l’espoir. Mais quand j’ai vu les dernières décisions et prises de positions de l’ODS ces dernières heures et ces derniers jours, que ce soit l’expulsion de certains membres du parti ou les propos de certains représentants ODS, et notamment de Miroslava Němcová, j’ai compris, ici dans les monts des Géants, quand je suis arrivé hier, que mon engagement au sein de cette formation n’était pour le moment pas d’actualité. »

Martin Kuba et Miroslava Němcová,  photo: CTK
Car les élus et militants ODS ne s’entendent pas forcément sur un éventuel retour de Klaus. Ainsi, Miroslava Němcová, qui préside actuellement la Chambre des députés et qui était pressentie pour succéder à Petr Nečas à la tête du gouvernement, a accueilli avec réserve ce possible soutien. Celle qui, avec Martin Kuba, est pour l’heure la principale figure de ce parti à la dérive précisait qu’il n’avait jamais été question du fait que Václav Klaus s’immisce dans la direction de ce parti ODS, qu’il avait lui-même fondé en 1991 sur les ruines du Forum civique. Miroslava Němcová, qui aurait, selon ses propres dires, volontiers accepté de collaborer avec lui, regrette cependant les propos de Václas Klaus, lequel appelle à des « changements fondamentaux », « des changements de personnes et de comportements ». On l’écoute :

« Cela m’embête ce qu’il a dit […]. D’un autre côté, je suis certain que même sans ce soutien, l’ODS va se mettre en route pour les élections et que nous allons maîtriser la situation. »

Miroslava Němcová défend également l’éviction de l’ODS des deux députés qui avaient décidé de ne pas participer au vote de confiance du gouvernement Rusnok, alors que la consigne du parti était de voter non. Vice-président de l’ODS, Jiří Pospíšil comprends le point de vue de Václav Klaus mais appelle à la mobilisation de l’électorat de droite en agitant le chiffon rouge à la mode, celui de la menace Miloš Zeman :

Jiří Pospíšil,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Monsieur le Président a raison de dire que l’ODS est vraiment en crise. Il est normal et utile de le reconnaître. Par ailleurs, je me dis que tous les gens qui jugent que la droite est importante en politique et qui font ce même constat de crise avant les élections devraient essayer de venir en aide à l’ODS. Si ce parti est mis genoux à terre, nous risquons de voir la gauche, menée par Miloš Zeman, disposer du contrôle absolu de ce pays. »

Václav Klaus, qui compare bien souvent l’Union européenne à l’Union soviétique et qui conteste la véracité du réchauffement climatique, est une figure assez clivante du paysage politique tchèque mais il bénéficie toutefois toujours d’une certaine aura à droite, et particulièrement à l’ODS. Celui-ci devra se passer de lui lors de prochains mois qui s’annoncent difficiles.