La pauvreté à l’heure de la prospérité
La pauvreté en Tchéquie et sa perception par la société : tel est le premier sujet traité dans cette nouvelle revue de presse de la semaine écoulée. Nous porterons ensuite un regard sur le centenaire de la mort de l’avant-dernier empereur d’Autriche et roi de Bohême François-Joseph 1er et sur les ressemblances entre son époque et celle du dernier président tchécoslovaque de l’ère communiste, Gustáv Husák. La primaire présidentielle de la droite et du centre en France vue par les éditorialistes tchèques, la République tchèque destination privilégiée du « tourisme pour les interruptions de grossesse » ou encore l’installation d’œuvres d’art modernes dans l’espace public à Prague : tels sont les autres sujets que nous avons également retenus.
« Il est vrai que les gens touchés par la pauvreté sont souvent les propres responsables de leur situation. Cela n’enlève rien au fait qu’un Etat européen moderne ne peut pas se satisfaire d’un tel constat, et ce d’autant moins lorsqu’il s’agit de familles avec des enfants. Selon la bonne tradition européenne, il faut chercher les causes de la misère chronique afin de l’éliminer, car c’est là un phénomène qui est préjudiciable à l’ensemble de la société. »
Un des grands problèmes spécifiquement tchèques que le texte mentionne est l’aversion qu’entretiennent beaucoup de Tchèques pour les pauvres et leur manque de volonté de les aider. Cette mentalité se manifeste par un rejet de tout ce qui est différent. Et les gens très pauvres qui dérangent le confort de la société civile sont effectivement « différents ». En conclusion, l’auteur du texte note :
« Bien sûr, l’Etat n’est pas une organisation caritative. Mais il est dans son propre intérêt de mettre en valeur des politiques actives pour permettre aux gens d’échapper au piège de la pauvreté et de développer les talents d’enfants qui risquent de suivre le modèle de leurs parents et de sombrer dans la résignation et l’indifférence. »
Ce que François- Joseph 1er et Gustáv Husák ont en commun
Il existe plusieurs traits communs entre François-Joseph Ier, empereur d’Autriche-Hongrie de 1848 à 1916, et le dernier président communiste tchécoslovaque, Gustáv Husák. Cette idée de prime abord étonnante était développée dans un texte publié samedi dernier dans le supplément Orientace du quotidien Lidové noviny, et ce à l’occasion du centenaire de la mort du monarque austro-hongrois, le 21 novembre 1916. Les nostalgies qui se rattachent aujourd’hui à ces deux grandes figures de l’histoire tchèque sont un des signes les plus marquants de leur présence dans la société. En témoigne par exemple le fait qu’un monument dédié à François-Joseph Ier, le premier du genre en République tchèque, a été dévoilé dans la petite commune de Pohled, dans la région de Vysočina, l’été dernier. Le texte sorti de la plume de l’historien Petr Zídek indique également :« Dans une large mesure, l’avant-dernier empereur autrichien n’est désormais plus considéré comme un tyran, mais comme un monarque bonasse sous le règne duquel la société tchèque s’est épanouie. Son époque est perçue avec une grande nostalgie, ce dont témoigne aussi le musée qui a été inauguré cette année à Terezín et qui présente des centaines d’objets soutenant le culte impérial sans y ajouter le moindre commentaire critique. »
Petr Zídek, selon qui cette nostalgie de la monarchie se nourrirait des mêmes sources sentimentales que celle de l’époque dite de normalisation incarnée par Gustáv Husák, président tchécoslovque de 1969 à 1989, explique :« La nostalgie avec laquelle beaucoup de gens considèrent l’ancienne monarchie austro-hongroise est probablement plus compréhensible que le regard nostalgique que certains portent sur l’ancien régime communiste. De toute façon, les deux nostalgies sont soutenues par l’illusion selon laquelle il s’agissait d’époques de certitudes durant lesquelles les gens n’étaient pas contraints de se soucier de la politique, car celle-ci était entre les mains d’un souverain prédestiné. »
Pour l’historien Zídek, ces nostalgies seraient le fruit de l’infantilité de la société tchèque ; une société qui ne s’est pas encore habituée à gérer elle-même ses affaires et préfère déléguer cette responsabilité dérangeante à quelqu’un d’autre.
La primaire de la droite en France vue d’un œil tchèque
Les médias tchèques ont consacré une assez grande attention au premier tour de la primaire présidentielle de la droite et du centre en France. Le quotidien Hospodářské noviny, par exemple, a noté :« Cette primaire constitue une grande expérimentation politique, car c’est la première fois que le candidat à l’élection présidentielle n’est pas choisi par le congrès du parti, une situation qui permettrait de faire en sorte que les accords tactiques de différentes ailes et de fonctionnaires influents joueraient un grand rôle. Avec la participation de près de quatre millions d’électeurs, le premier tour peut être jugé étonnamment réussi. Cette participation, qui a dépassé les attentes, a été en effet beaucoup plus élevée que celle à la primaire organisée pour la première fois par les socialistes il y a quelques années de cela. »
L’auteur du texte met en relief également la participation de nombreux sympathisants de gauche venus « avec un seul but : empêcher le retour de l’ancien président Nicolas Sarkozy ».
Le site echo24.cz écrit pour sa part à ce propos :
« Les primaires des partis qui précèdent l’élection présidentielle en France ne constituent pas un événement aussi suivi que celles qui se déroulent aux Etats-Unis. Cette fois cependant, la situation chez les Républicains en France est différente, car le vainqueur sera (probablement) le seul à pouvoir empêcher, ne serait-ce que théoriquement parlant, l’ascension de Marine le Pen au Palais de l’Elysée. »
La Tchéquie et le tourisme des interruptions de grossesse
La Tchéquie en tant que « destination touristique » pour les interruptions de grossesse est un sujet qui a été développé dans une des dernières éditions de l’hebdomadaire Týden. Le phénomène concerne notamment les jeunes Polonaises, car la législation en la matière en Pologne est beaucoup stricte qu’elle ne l’est en Tchéquie. Passible d’abord, dans la première moitié du XXe siècle, de peines pouvant allant jusqu’à cinq ans de prison, l’interruption de grossesse dans l’ancienne Tchécoslovaquie a été légalisée en 1957. Le magazine précise à ce sujet :« Le porte-parole du ministère de la Santé confirme que les femmes polonaises se confient à des cliniques tchèques pour interrompre leur grossesse. Bien entendu, aucune statistique ne fait état de leur nombre, car ces interventions se déroulent le plus souvent dans des cliniques privées. Les plus recherchées sont les cliniques situées dans les régions limitrophes. »
Comme le souligne le magasine, ce genre de tourisme est une question délicate dont personne n’a envie de parler ouvertement ou publiquement. En vertu de la loi entrée en vigueur en 1986, seules les ressortissantes étrangères possédant un permis de séjour de longue durée sur le territoire tchèque peuvent subir cette intervention. Toutefois, une analyse juridique ministérielle qui se référe au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, élargit cette possibilité légale à l’ensemble des femmes des pays membres de l’Union européenne.
Embellir l’espace public de Prague d’œuvres d’art de qualité
Les rues de Prague seront désormais décorées d’œuvres d’art de qualité. Cette information est rapportée par le quotidien Deník, qui précise :« Ces vingt-cinq dernières années, la municipalité de Prague n’a installé que quatre œuvres d’art dans les espaces urbains publics, parmi lesquelles aucune ne constituait une véritable nouveauté. La situation devrait changer suite à la décision de débloquer plusieurs dizaines de millions de couronnes pour mettre en valeur des œuvres d’art modernes et de qualité dans la capitale. »
Le journal rappelle que, faute de telles œuvres, les Pragois ne savent même pas ce à quoi l’art moderne dans l’espace public ressemble aujourd’hui. Ainsi, à l’évocation du mot statue, la plupart des gens voient une figure placée sur un socle, une idée qui est pourtant désormais dépassée. La décision d’installer des œuvres d’art de qualité qui vont à contre-courant des tendances du XIXe siècle, traduit donc également la volonté d’améliorer la formation artistique des Pragois.