La périphérie de Prague, entre cités-dortoirs et villages de campagne

dalejske_udoli_domy2.jpg
0:00
/
0:00

On connaît la Prague gothique ou baroque du pont Charles ou du Château, mais beaucoup moins la Prague plus moderne de la périphérie. Entre grands ensembles d'habitation et petits villages préservés, c'est pourtant là que vit plus de la moitié de la population de la capitale tchèque. Tantôt bucolique, tantôt bétonnée, partez à la découverte de la Prague des Pragois, loin des hordes touristiques de la Vieille ville, pour découvrir le quotidien des habitants de la perle de la Vltava.

Pour se rendre en périphérie, rien ne vaut le métro, dont les lignes B et C se prolongent assez loin en direction des limites administratives de la capitale. Vous pouvez par exemple descendre aux stations Opatov ou Stodulky pour avoir un rapide aperçu de la vie en banlieue. Toute la périphérie est extrêmement bien desservie par des transports en commun modernisés, qui restent assez bon marché et d'une ponctualité rare. A la sortie de chaque station, des autobus permettent de rejoindre les bourgs plus isolés. Cette efficacité, qui ferait rêver plus d'un banlieusard français, explique sûrement l'engorgement encore réduit même aux heures de pointe des autoroutes qui mènent vers le centre de Prague.

Lors de votre trajet, faites comme les Tchèques et prenez de la lecture : il vous faudra entre 20 et 25 minutes à partir du centre pour rejoindre les stations de fin de ligne, et encore quelques dizaines de minutes de bus si vous voulez vous aventurer plus loin. Un petit tour dans le métro, le matin, vous permettra de vous faire une idée de la variété de la presse quotidienne tchèque. On y croise bien évidemment des fidèles lecteurs de Lidové Noviny, l'équivalent tchèque du Monde, mais en majorité des accros aux tabloïds à la britannique dont le meilleur représentant - qui est aussi le quotidien tchèque le plus vendu - se nomme Blesk. Pour neuf couronnes, vous serez informés aussi bien des dernières nouvelles du gouvernement tchèque que des péripéties des candidats de la télé-réalité, dont les photos assez dénudées s'étalent presque tous les jours à la une... Enfin, les quotidiens gratuits aussi ont le vent en poupe auprès des voyageurs avec l'édition pragoise de Metro. Et si votre niveau de tchèque vous le permet, vous pourrez apprécier quelques extraits de poésies affichés dans les rames...

Ce qui surprend certainement le plus les touristes étrangers en débarquant en périphérie, ce sont les dizaines de barres d'immeubles souvent grisâtres, et, sans transition, les champs, les arbres et dans le fond, les petits villages avec leurs clochers. On s'imagine souvent en descendant au terminus tomber dans une banlieue densément peuplée avec des rues et des bâtiments à perte de vue, mais il n'en est rien : à Prague la campagne est aux portes de la ville ! Quelques chiffres tout d'abord permettent de mieux comprendre ce phénomène : la ville de Prague et ses 1.2 millions d'âmes couvre 496 kilomètres carrés, ce qui équivaut à peu près à la superficie de Paris intra-muros et de deux départements de la petite couronne. La ville de Paris avec ses 2.1 millions d'habitants ne représente en fait qu'un cinquième de la superficie totale de Prague ! La pression démographique est donc tout à fait différente. Il est donc assez courant, dans les quartiers de Chodov ou de Seberov par exemple, de voir un petit chemin de campagne porter la plaque rouge des rues de Prague, au même titre que de grandes avenues comme Vinohradska ou Narodní trida.

A côté des petites maisons entourées par des jardins et des potagers, comme une ceinture grise enserrant la ville, se trouvent donc les villes satellites de Prague ou cités-dortoirs. A proximité des stations de métro, ces villes dans la ville hébergent plus de 40% des Pragois. Les grands ensembles ont été édifiés au milieu des champs pour la plupart entre les années 1960 et le début des années 1980. Pour ce faire, de nombreux petits villages ont été purement et simplement rayés de la carte. Les habitants des hameaux pragois qui ont été épargnés par ces destructions conservent encore aujourd'hui une forte identité villageoise et s'appellent entre eux les « starousedlíci » ou « vieux implantés ». Répondant à une logique de construction de masse pour faire face à la pénurie de logement, tous les bâtiments ont été édifiés sur le même modèle, avec des panneaux préfabriqués, d'où leur surnom de « panelaky ». A l'intérieur aussi, les appartements sont standardisés : en général, ce sont des trois pièces avec cuisine et salle de bain, tous équipés avec les mêmes meubles et les mêmes papiers peints et linos, ou presque...

Les panelaky sont aujourd'hui en cours de rénovation : certains ont été repeints avec des couleurs plus gaies, d'autres encore ont été réaménagés avec des toits pointus pour casser la monotonie ambiante. Mais la tâche est rude pour remettre à neuf ce gigantesque parc de logements ! Pour vous rendre compte de ce qu'est une ville satellite comme on en fait plus, vous pouvez aller voir Jizní Mesto, ou la Ville du Sud, située comme son nom l'indique au sud-est de la métropole, près de la station de métro Haje. C'est la plus grande cité de ce genre à Prague avec ses 80 000 habitants. Ce qui frappe, c'est le peu de dégradations qu'ont subi les immeubles, contrairement par exemple aux cités de la banlieue parisienne : quelques tags il est vrai, mais pas de vitres cassées ou d'immondices dans les rues, seul le manque d'entretien des immeubles se fait parfois sentir. L'autre grande différence avec ce que l'on peut connaître en France est que l'on se sent parfaitement en sécurité dans ces cités où règne une ambiance presque familiale, entre ville et campagne.

Ces cités construites pour les classes moyennes devaient, selon les projets ambitieux des dirigeants de l'époque, posséder tous les services publics dont la population pouvait rêver : parcs, écoles, cinémas, centres commerciaux, etc, dont la plupart n'ont jamais été construits faute d'argent. Il reste donc entre les immeubles de nombreux terrains vagues, où poussent les herbes folles, dont certains ont été transformés en parkings. Pour les habitants des cités, que ce soit pour le travail ou pour les loisirs, la seule solution pendant de nombreuses années était donc de se rendre au centre-ville. Cela est en train de changer aujourd'hui. De plus en plus d'entreprises étrangères ont choisi d'implanter leur siège en périphérie, les chantiers se multiplient donc un peu partout et les grues envahissent le ciel pragois. Les centres commerciaux géants ont également poussé comme des champignons ces dernières années le long des grands axes de communication. Avec leurs hypermarchés ouverts sept jours sur sept, leurs centaines de boutiques et leurs cinémas géants, ils ne diffèrent en rien de ceux que l'on peut trouver dans toutes les banlieues d'Europe et d'ailleurs.

Poussons notre visite un peu plus loin : lorsqu'on quitte la ville de Prague proprement dite pour les communes limitrophes, on se sent déjà à la campagne ! Cela est extrêmement appréciable lorsqu'on veut prendre un bon bol d'air pur en fin de journée ou le week-end, pour faire comme les Pragois, qui ne manquent pas une occasion de partir dans leur maison de campagne... Je vous conseille par exemple de faire un tour à Pruhonice, au sud-est de Prague, tout près de l'autoroute qui mène à Brno. Situé à une petite demie-heure du centre de Prague par le bus et le métro, Pruhonice est en fait un petit village où il fait bon vivre avec ses pavillons coquets et ses étangs où barbotent des canards. Les nouveaux riches ne s'y sont pas trompés, et les villas en construction y sont légion. Le village mérite aussi une visite pour son magnifique parc botanique de 250 hectares, qui entoure le château des Sylva-Tarouca, une merveille dans le style historiciste de la fin du XIXème siècle. Vous pourrez croiser au fil des quarante kilomètres de sentier les familles pragoises au grand complet venues promener leur chien ou donner à manger aux canards. C'est pourquoi lors de votre prochain séjour à Prague, n'oubliez surtout pas de faire un petit tour en banlieue...

10
50.000957500000
14.550931000000
default
50.000957500000
14.550931000000
Auteur: Emmanuelle Jammet-Decaix
lancer la lecture