La Petite renarde rusée dans un champ de tournesols

C’est une véritable invasion d’opéras tchèques qui déferle ces jours-ci sur Paris. Tandis que samedi 11 octobre a eu lieu au Palais Garnier la première de la Fiancée vendue de Bedřich Smetana, pour ce lundi 13 octobre a été fixée la date de la première à l’Opéra Bastille de La Petite renarde rusée de Leoš Janáček. A la veille de cette représentation Radio Prague s’est entretenu avec André Engel, le metteur en scène de cet opéra qui confronte le monde des animaux avec celui des hommes.

C’est pour la deuxième fois que vous mettez en scène la Petite renarde rusée de Leoš Janáček. Pourquoi justement cet opéra?

« De façon générale, tous compositeurs confondus, c’est un de mes opéras préférés. »

Où avez-vous trouvé les sources d’inspiration pour cette mise en scène?

Les sources d’inspiration sont trouvées dans la musique avant tout, et un peu dans le livret, encore que nous avons souhaité à nous éloigner de la description que Janáček fait lui-même de son décor, c’est à dire de ce petit vallon bruissant d’animaux quelque part dans la forêt, pour faire une autre proposition de décors qui change de la convention et des habitudes. »

Dans quelle mesure vous inspirez-vous de la musique ? Etes-vous de ces metteurs en scène qui se nourrissent de la musique?

« Totalement. »

Respectez-vous la musique ou gardez-vous au contraire une certaine liberté par rapport à la partition de l’opéra?

« Non, je me réfère constamment à la musique et les idées que je peux avoir, mes idées et celles de mes collaborateurs, ne viennent que de l’écoute de la musique. Je dis écoute dans la mesure où je ne suis pas musicien. C'est-à-dire, je ne suis même pas capable de lire une partition. Donc, la façon dont je prends connaissance d’une oeuvre musicale, c’est d’écouter les enregistrements, plusieurs, tous si possible. Et c’est à partir de là que je réfléchis et que je peux penser à telle ou telle solution et cela prend d’habitude énormément de temps. Je veux dire que pour préparer un opéra, mes collègues et moi, nous mettons au moins entre douze et dix-huit mois.»

Pouvez-vous définir les traits principaux, les piliers sur lesquels repose votre conception?

« Oui, il y en a un qui est d’ordre dramaturgique et qui, à mon avis, est inscrit dans l’oeuvre, dans la musique et dans le livret. Il y a chez Janáček, de même que chez Rudolf Těsnohlídek (auteur du roman sur lequel est basé cet opéra), l’envie, la volonté, le désir d’inventer un espace de rencontre, une rencontre poétique entre le monde animal et le monde humain. On ne peux pas s’empêcher de penser en lisant l’œuvre, ou en se reportant tout simplement à l’histoire de l’humanité, que l’homme a fait une intervention brutale dans la nature. Et cette brutalité, nous en avons rendu compte à travers le décor. Le monde est un immense champ de tournesols, à l’infini, traversé violemment, comme une espèce de blessure, par une espèce de voie ferrée. C’est dans ce ‘no man’s land’ étroit entre la voie ferrée qui est l’expression même de l’intervention humaine dans la nature, et les champs qui l’entourent qu’a lieu cette zone de rencontre. »

La suite de cet entretien sera présentée le samedi 18 octobre dans la rubrique «Rencontres littraires».