La photographie artistique française et la question de l’intime au Musée Kampa de Prague

Valérie Belin, 'Michael Jackson #1', 2003

Le musée Kampa accueille jusqu’au 20 janvier 2009 une exposition intitulée Intim/ita, ou la question de l’intime dans la photographie contemporaine. Isabelle de Montfumat, qui avait déjà organisé à Paris une exposition sur le peintre tchèque Karel Malich, est commissaire de cette exposition pragoise :

« J’ai le plaisir de présenter 27 œuvres parmi 650 œuvres de la collection Neuflize Vie/ABN AMRO sur le thème du regard de l’intime et de l’intimité. Vous allez pouvoir, dans ces 3 salles successives, voir tout d’abord les œuvres un peu emblématiques des artistes français tels que Sophie Calle ou Annette Messager qui, sans a priori, explorent le corps ou l’intimité de manière presque familière, ou avec Gilles Saussier, qui est un jeune artiste français qui monte de plus en plus. On va poursuivre, tel un cabinet de curiosités où se confrontent et se mêlent la photographie moderne et contemporaine, avec des portraits pris à l’insu comme celui de Fabien Mara qui prend Yves St-Laurent à son insu, ou tout simplement celle de Michel Foucault avec Martine Frank qui elle, d’une certaine manière, « portraitise » Michel Foucault, ce grand écrivain. Dans ce cabinet de curiosités, j’ai souhaité vraiment mêler ces deux aspects de la photographie parce qu’il me semblait intéressant de voir comment la photographie moderne dite plus classique interpellait la photographie contemporaine dite plus étrange, et comment cela s’interpénétrait pour poursuivre vers un rapport à la fois stigmatisé et un rapport plus fictionnel sur la photographie contemporaine, avec cette idée de la manière dont on appréhende l’ère des médias et la façon dont l’artiste, plus exactement, reçoit ce rapport entre cette fiction des médias et ce rapport à la réalité photographique. On peut voir aussi comment la photographie est interprétée ; soit de manière architecturale, sans humanité presque mais dans un rapport très intime où on a l’impression d’être presque chez soi, ou avec ce visage stigmatisé de Valérie Belin, qui nous rappelle combien nous sommes à la fois dans cette ère très proche d’un être qui a compté beaucoup dans l’actualité des médias pendant des années et qui est, étrangement, à la fois intime et impersonnel. »

Vous faites référence à la photo de Michael Jackson – qui n’est pas Michael Jackson. Pourquoi cette photo a-t-elle été choisie comme affiche de l’exposition ?

Valérie Belin,  'Michael Jackson #1',  2003

« Je pense tout simplement pour peut-être un peu provoquer une réaction, pour dire au public tchèque que finalement la photographie contemporaine était aussi un art, était un façon de s’imposer comme art en tant que tel. Et pour quelques voyages que j’ai pu faire à travers le monde, je peux très bien comprendre combien la photographie est difficilement acceptée dans l’art en tant que tel. Je crois que c’est une réalité aujourd’hui que la photographie devienne véritablement un art en tant que tel et c’est ce que j’ai souhaité montrer ici à travers cette collection. »

Vous avez beaucoup travaillé sur des artistes tchèques. Ce sont ici des artistes français qui sont exposés, mais connaissez-vous des artistes tchèques qui auraient pu entrer dans le cadre de cette exposition ?

« C’est un peu la question que je me pose. Bien sur, Josef Koudelka pourrait tout à fait entrer dans ce cadre. Ou même Kolář, d’une certaine manière, aurait pu entrer dans ce type de manifestation avec ce rapport intime à la fois à l’art contemporain et à la photographie. Ce sont les deux grandes figures auxquelles je pense instinctivement. »