« La pieuvre » hante les conseillers municipaux
Lorsque, en mars dernier, l'appel d'offres pour la construction d'une nouvelle Bibliothèque nationale à Prague a été remporté par l'architecte tchèque Jan Kaplicky et son studio britannique Futur Systemes, on pouvait s'attendre à ce que son projet « futuriste » sème la controverse. Aujourd'hui, les conseillers municipaux vont jusqu'à mettre en doute l'installation de la bibliothèque, surnommée « la pieuvre », sur l'esplanade de Letna. Certaines voix s'élèvent pour parler de scandale.
On ne saurait imaginer qu'une chose pareille se trouve près du Château de Prague. L'édification de la bibliothèque porterait préjudice à son panorama », affirme le conseiller municipal David Vondrazka, exprimant l'avis unanime de l'ODS, Parti civique démocrate, qui possède une nette majorité au sein du conseil municipal. Pour le maire de Prague, Pavel Bem, « le projet de Kaplicky représente une architecture particulièrement intéressante ». Il considère pourtant que son implantation dans la réserve historique de Prague serait « malheureuse ». La décision définitive au sujet de la réalisation de la Bibliothèque nationale sera rendue en début d'année prochaine. Ce qui est d'ores et déjà acquis, c'est que le conseil municipal de Prague dispose d'un outil de taille pour empêcher son édification à Letna : ne pas vendre à la Bibliothèque nationale le terrain choisi pour la construction de son nouveau bâtiment.
L'architecte Jan Kaplicky, déplore, lui, l'aspect politique de l'affaire. Dans l'édition de ce vendredi du quotidien Lidove noviny, il parle même « de combat politique » et déclare « qu'il s'agit là d'une honte de retentissement international ». Et de s'interroger pourquoi le football devrait finalement l'emporter, allusion à l'intention d'édifier à Letna un nouveau stade national... L'architecte Petr Bilek, membre du jury international qui a plébiscité le projet de Kaplicky, estime qu'un débat public à ce sujet fait défaut :
« Ce qui manque et ce qui est nécessaire, c'est que l'architecte Kaplicky arrive à vendre son projet au public. Il faudrait mener une discussion, présenter des arguments, expliquer aux gens les avantages et les atouts de la bibliothèque. »
Le directeur de la Bibliothèque nationale, Vlastimil Jezek, admet la possibilité d'une modification du projet de Jan Kaplicky, concernant notamment la hauteur de l'édifice, en dépit du fait que ce dernier refuse une telle éventualité. Sinon, une autre localité serait ciblée.
« Depuis le début, il existe des alternatives pour installer la bibliothèque ailleurs. Mais je crois et j'espère que Letna n'est pas perdue. C'est un excellent endroit pour ce projet. J'étaye mon argumentation non seulement de ma propre opinion, mais aussi de l'avis d'experts qui étaient membres du jury international d'architecture et de l'avis de beaucoup d'autres spécialistes. »La « pieuvre » oppose aussi, une énième fois d'ailleurs, l'ancien et l'actuel président tchèque. Si Vaclav Havel en est un fervent partisan - d'après lui elle est « raffinée et jolie » - Vaclav Klaus s'est récemment déclaré « prêt à empêcher cette construction de son propre corps, comme les adversaires de la centrale nucléaire de Temelin ».