La pisciculture en République tchèque
La République tchèque, surtout la Bohême du sud, est connue comme une région d'étangs. Naturellement, qui dit étangs, dit aussi poissons. Dans la production des carpes, par exemple, la Tchéquie se classe seconde en Europe, derrière la Pologne. En ce qui concerne les exportations, elle est la première. Les étangs tchèques ne sont pourtant pas, uniquement, le domicile des carpes. Bien d'autres poissons y vivent. Lesquels ? C'est le sujet de cette chronique consacrée à la vie de chaque jour des habitants d'un petit pays au coeur de l'Europe.
Pour l'analphabète que je suis en matière de pêche, les étangs, les ruisseaux, les rivières, abritent seulement des carpes, des truites, des goujons, peut-être des écrevisses. Pour les spécialistes, par exemple, de l'Institut de recherche de la pisciculture et de l'hydrobiologie en République tchèque, la population des eaux tchèques est beaucoup plus variée. Il y a quelque temps, le quotidien économique, Hospodarske noviny, avait publié une interview des plus intéressantes avec son directeur Jan Kouril. Ce dernier expliquait, aussi, les méthodes de la pisciculture tchèque, ses résultats, ce qui vivait actuellement, ce qui avait disparu des eaux de la Tchéquie. Je me suis inspiré de ses idées pour vous parler de la « poissecaille » de Bohême, Moravie et Silésie...
Quels sont les poissons qui vivent dans les eaux tchèques ? Voici les données de l'Association des pêcheurs de la République tchèque. Les quantités sont exprimées en tonnes. La carpe : 13 884 ; la truite et l'omble : 732 ; la tanche 202 ; le lavaret et autres poissons de la même espèce : 46 ; les herbivores, l'amour et le tolstolobik : 140 ; les carnivores, le brochet, la sandre, le silure et la perche : 151 ; les autres comme le carassin et le gardon : 264. En tout, il vivait 15 815 tonnes de poissons divers dans les eaux tchèques, en l'an 2000. En raison des inondations catastrophiques d'août 2002, on ne dispose pas de données plus récentes. Vous avez certainement remarqué, parmi les noms des poissons que j'ai cités que certains ne présente pas une consonance très de chez nous, Européens. Il s'agit du Tolstolobik et de l'amour. Ces deux espèces ont été introduites en Tchéquie, dans les années soixante. Aujourd'hui, les pisciculteurs tentent d'acclimater des poissons comme la carpe d'Amérique du Nord, qui porte le nom de carpe Buffalo, le petit silure africain ou la tilapie du Nil.
Naturellement, tous les poissons ne sont pas destinés à la consommation. Certains sont implantés dans les eaux tchèques à des fins, disons, médicales. Ces dernières années, les pisciculteurs tchèques sont de plus en plus confrontés au problème d'un parasite qui se loge dans l'oeil des poissons. On a trouvé un remède qui pourrait être très efficace. Il ne s'agit pas d'un médicament, mais d'un prédateur, d'un poisson, l'amour noir. Il est arrivé de Hongrie, mais il est originaire de l'Asie du sud-est. En matière de nourriture, c'est un herbivore, mais très spécial. En effet, à sa deuxième année de vie, il ne mange que des limaces d'eau, et autres mollusques. Et c'est justement les mollusques que recherche le parasite en question pendant une phase de sa vie. Si l'amour noir consommait les mollusques en grand nombre, le parasite pourrait disparaître des étangs tchèques. Il n'est pas dangereux pour l'homme, ne causant que d'éventuelles infections de l'épiderme, mais il crée de graves dommages à la population des poissons.
Il y a d'autres raisons, aussi, à l'implantation de nouvelles espèces dans les étangs tchèques. Si la carpe, par exemple, se nourrit d'un peu de tout, elle boude les plantes aquatiques, les herbes diverses. Cela conduit au surpeuplement de ces plantes et à l'asphyxie des espaces d'eau. Il faudrait donc élever des poissons qui consommeraient ces plantes. Pour cela on a décidé de l'implantation de tels poissons en Tchéquie, comme par exemple, l'amour blanc. Cela fait déjà un demi-siècle qu'il vit en Europe. Il est donc un peu comme chez lui. Il présente un petit inconvénient : il ne se reproduit pas naturellement. Qu'à cela ne tienne, on emploie la méthode artificielle. Il est élevé dans les étangs et ensuite lâché dans les grands lacs de barrage. C'est un gros mangeur et il consomme non seulement les plantes aquatiques, mais on peut aussi le nourrir avec des plantes terrestres, de l'herbe ou de la luzerne hachées. Il peut être dangereux, car il est capable de liquider toutes les plantes d'un étang où vivrait un trop grand nombre de ces poissons.
Nous avons parlé des poissons, disons, les plus courants, dans les eaux tchèques. Il en existe un qui vivait dans les rivières tchèques, mais qui a disparu, vers la fin du vingtième siècle : le saumon. Les pisciculteurs tchèques ont tenté de le faire revenir, les eaux étant devenues plus propres, au cours des dix dernières années. On a lâché des bébés saumons de Suède, dans les eaux de l'Elbe, il y a cinq ans. Comme on le sait, le saumon vit en mer, mais revient se reproduire là, où il est né. L'expérience a porté ses fruits, à la grande joie des pêcheurs tchèques. A la fin de l'année 2002, on a capturé les premiers saumons dans l'Elbe ! Il y a cinq ans, ils avaient descendu son cours pour la mer. Ils n'ont pas oublié et sont revenus sur leur lieu de naissance !Un dernier habitant des cours d'eau tchèques : l'écrevisse ! Vers la fin du siècle dernier, elle avait presque disparu des rivières et ruisseaux. Heureusement grâce à des soins intensifs, mais aussi à la pureté de l'eau, l'écrevisse s'était conservée dans certaines localités. Les pêcheurs et les spécialistes l'ont implantée dans certaines régions et l'écrevisse redevient, peu à peu, courante sur tout le territoire. Un problème, l'écrevisse d'Amérique. Elle est plus résistante et c'est avec elle que, dans certaines localités, on avait essayé de remplacer l'écrevisse européenne. Elles n'ont pas fait bon ménage, car le crustacé américain est très agressif et il a décimé progressivement son collègue tchèque. En plus, il est porteur de la peste des écrevisses, n'en souffrant pas, mais contaminant les autres espèces. Les pisciculteurs tchèques s'efforcent, aujourd'hui, d'arrêter la reproduction de l'Américaine au profit de la Tchèque. Les perspectives sont le développement de la population des écrevisses et l'exportation vers les pays européens, surtout la France et la Scandinavie. Le marché tchèque ne sera pas oublié naturellement. Encore un poisson qui a disparu de Tchéquie : l'anguille, qu'on trouve pourtant en Slovaquie voisine. Un nouveau défi pour l'Institut de pisciculture et d'hydrobiologie tchèque.