La « procureur ouvrière » condamnée à huit ans de prison
L'unique verdict lié au fameux procès qui avait condamné en 1950 Milada Horakova, juriste et politicienne, à la peine capitale, a été prononcé dix-huit ans après la chute du régime communiste et 57 ans après son exécution. Jeudi, l'un des acteurs du procès, la procureur Ludmila Polednova-Brozova, 86 ans, a été condamnée à huit ans de prison, pour co-responsabilité d'un « meurtre judiciaire ».
« Sa jeunesse ne peut excuser son comportement », déclare la fille de Milada Horakova, Jana Kanska, qui vit aujourd'hui aux Etats-Unis, à l'adresse de la « procureur ouvrière Lida», dont le rôle pendant le procès consistait à porter un jugement moral sur sa mère et à soutenir bien sûr le cruel verdict. Tâche dont celle-ci s'est acquittée - les archives sonores en témoignent - avec une grande ferveur. Ecoutons-la.
« Tandis que l'ouvrière Herainova de l'usine de filature de Beroun augmentait le rendement des métiers automatiques afin de contribuer à l'édification de la République, l'accusée Horakova organisait des groupes ennemis clandestins pour la destruction de notre République ».
Le même engouement, Brozova en avait fait preuve déjà lors de deux autres précédents « procès monstres » qui ont donné lieu à la proposition de quatorze peines de mort, dont une a été exécutée. Selon Petr Braun, président du Tribunal municipal de Prague, cela prouve que la procureur qui, aujourd'hui, déclare n'avoir aucun regret ou aucun remord, n'a été à l'époque ni inexpérimentée, ni juvénilement naïve, comme l'affirmaient les avocats de l'accusée. Et il précise.
« Tout le monde sait que la procureur Brozova, compte tenu de son âge, ne passera ne serait-ce qu'une seconde, dans la prison. Sa condamnation a surtout une dimension morale ».
Malgré cette « satisfaction », un brin d'amertume subsiste pourtant, notamment auprès des anciens prisonniers politiques. Pour eux, la justice n'a été rendue que très partiellement et trop tard. Impunis sont restés effectivement tous les autres principaux acteurs et initiateurs du procès de Milada Horakova - au cours duquel quatre peines de mort ont été prononcées - ainsi que des dizaines d'autres procès des années cinquante, montés dans l'ancienne Tchécoslovaquie sous la baguette et selon les scénarios des « conseillers » soviétiques, car ils ne sont plus de ce monde... Un manque de volonté politique, trop de velours à l'égard des protagonistes de l'ancien régime ? Aux historiens de répondre un jour à ces questions pertinentes que beaucoup se posent.