Il y a 70 ans débutait le procès de Milada Horáková
Le 31 mai 1950, soit il y a de cela 70 ans, débutait l’un des procès les plus emblématiques de la période de la répression stalinienne en Tchécoslovaquie. Avant de s’attaquer quelques temps après à ses propres membres, le régime communiste lance, sous l’influence de conseillers soviétiques, des procès « pour l’exemple » contre de potentiels opposants, issus notamment des rangs des partis démocrates de l’entre-deux-guerres. Parmi eux, la juriste, députée et militante féministe Milada Horáková.
Il est environ 8h ce matin du 31 mai quand commence le procès de Milada Horáková et de douze autres personnes, dont également le journaliste Záviš Kalandra, membre du parti communiste dans les années 1930, mais exclu pour trotskisme et sa critique des procès de Moscou. Nous sommes en 1950, deux ans après le Coup de Prague qui a vu l’accession au pouvoir du parti communiste. La députée démocrate a été arrêtée en septembre 1949. Sa fille Jana Kanská, âgée de 16 ans à l’époque s’était souvenue il y a trois ans du jour où sa mère a été arrêtée :
« Quand je suis rentrée de l’école, les policiers étaient là et ils m’ont séparée de mon père. Moi, j’étais envoyée dans ma chambre et lui, il devait rester dans le bureau qui donnait sur le jardin. Notre femme de ménage, Maruška, qui était une belle femme, a joué un certain rôle dans cette histoire : elle s’est mise à discuter avec les policiers dans l’antichambre et pendant ce temps-là, mon père s’est échappé par le jardin. Il a voulu avertir ma mère qui était au travail, mais il ne savait pas qu’elle avait déjà été arrêtée dans la matinée, dans son bureau. »Lorsque Milada Horáková se présente face à ses juges, c’est une femme qui a déjà enduré les tortures de la gestapo pendant la guerre pour ses activités de résistance, puis la déportation à Terezín et en Allemagne. Depuis son arrestation, elle et ses co-accusés vivent sous la pression psychologique et physique d’interrogatoires musclés qui n’ont rien à envier aux méthodes de l’occupant nazi. Et pourtant, elle ne cède en rien face à ses accusateurs, leur refusant le plaisir de jouer le jeu d’un procès monté de toutes pièces, comme le rappelle l’historien Oldřich Tůma de l’Institut d’histoire contemporaine de l’Académie des Sciences :
« Certains des accusés, comme Milada Horáková ou Záviš Kalandra, se sont quand même défendus et ont parlé de telle façon à ce qu’il soit clair qu’il s’agissait d’aveux forcés ou de textes appris par cœur. Donc de ce point de vue-là, ce procès n’a pas du tout eu l’effet escompté à l’origine par le régime. »
Tout dans ce procès tient de l’extraordinaire, tant par la personnalité de l’accusée principale que par la campagne de propagande qui l’accompagne : autant de réquisitoires issus du « peuple », tels que ces milliers de lettres de citoyens ordinaires attaquant les treize personnes accusées de complot visant à renverser le régime en place. Si en Tchécoslovaquie, on demande la peine capitale, à l’étranger, des personnalités telles qu’Albert Einstein, Winston Churchill, Eleanor Roosevelt se mobilisent pour demander la grâce présidentielle une fois le verdict rendu.En vain : Milada Horáková est exécutée le 27 juin 1950 aux première heures du jour. L'urne contenant ses cendres n'a jamais été remise à sa famille et a disparu. Ce qui reste aujourd’hui de la militante démocrate et féministe, dont le grand modèle était une autre femme d’exception, Františka Plamínková, condamnée à mort par les nazis, c’est l’image d’une personnalité qui n’a pas cédé à la violence d’Etat et qui jusqu’à la fin a vécu selon les valeurs et les idéaux qu’elle avait défendus, comme le relève l’historien Oldřich Tůma :
« C’est le respect et la dévotion aux traditions démocratiques de la Première république tchécoslovaque qui lui ont conféré cette force spirituelle pendant cet épisode tragique de sa vie. »
A l’occasion de ce 70e anniversaire, le Musée de la mémoire du XXe siècle proposera au cours du mois de juin des débats sur ces événements et sur la réhabilitation des victimes de ces procès politiques après 1989, mis en ligne sur son site internet https://www.muzeum20stoleti.cz/.