L’incarcération de l’ancienne procureure Ludmila Brožová-Polednová

Presque 60 ans se sont écoulés entre le crime et le châtiment. En 1950 la juriste et femme politique Milada Horáková, accusée de haute trahison, est condamnée à mort et exécutée malgré un fort mouvement de solidarité internationale en sa faveur. Parmi les juristes responsables de cet assassinat judiciaire, il y aussi la jeune procureure Ludmila Brožová-Polednová. Elle ne sera jugée pour ce crime qu’un demi-siècle plus tard au moment où la rigueur de la justice sera atténuée par le grand âge et le mauvais état de santé de l’accusée qui n’entrera en prison que le 19 mars 2009.

Milada Horáková a été victime d’un procès manipulé pendant lequel ont été utilisées les pires méthodes de la «justice» stalinienne. 12 autres personnes sont condamnées avec elle dont trois condamnées à mort. Aujourd’hui Ludmila Brožová-Polednová se défend en affirmant d’avoir sincèrement cru à la culpabilité de l’accusée. En septembre 2008 elle a été condamnée à six ans de détention mais, vu son âge, il n’est pas sûr qu’elle purgera sa peine. C’est la procureure générale Renáta Vesecká qui a déposé une demande en grâce pour elle, demande qui allait cependant être rejetée par le Président de la République. Ainsi l’ancienne procureure entre, le jeudi 19 mars, dans la prison de Plzeň d’où elle part presque aussitôt pour subir des examens médicaux dans la prison de Pankrác à Prague. Selon l’attachée de presse du Service pénitentiaire tchèque Markéta Prunéřová ce n’est pas le dernier arrêt de son périple:

« Elle sera transférée dans l’établissement pénitentiaire de Světlá na Sázavou si la commission médicale centrale constate qu’elle est capable de purger sa peine. Elle n’y sera transférée qu’après les examens médicaux qui pourront prendre quelques jours et même quelques semaines. »

La directrice de la prison de Světlá nad Sázavou Kamila Menclová constate que Ludmila Brožová-Polednová sera la plus vieille détenue de son établissement:

«Nous sommes un établissement pénitentiaire pour femmes qui abrite entre autres une section pour les détenues durablement incapables de travailler. Nous sommes donc prêts à recevoir des femmes souffrant de handicaps de divers genres et à mobilité réduite. (…) Madame Polednová sera placée parmi d’autres femmes handicapées. Elle partagera le dortoir avec probablement une ou deux femmes, et son régime carcéral dépendra de son état de santé.»

Il dépend donc de l’avis des médecins si la détenue finira dans une de ces cellules avec salle de bain de la prison de Světlá que nous avons pu voir à la télévision et qui ressemblent plutôt à une chambre d’hôtel de basse catégorie. Le châtiment vient trop tard, mais vient quand même. La victoire de la justice n’est que partielle. La presse rappelle à cette occasion que Ludmila Brožová-Polednová n’a pas été la seule à être responsable des crimes de la justice arbitraire et que d’autres magistrats coupables réussissent à échapper à la justice jusqu’à présent. C’est par exemple le cas du procureur Karel Vaš (93 ans) responsable de l’assassinat judiciaire du général Heliodor Píka, qui vit aujourd’hui dans une maison de retraite.