La prostitution juvénile
« La République tchèque au quotidien », c'est une chronique vous présentant les problèmes de chaque jour en Tchéquie. Je suis heureux de constater que même de petites informations anodines, diffusées dans le cadre de cette chronique, attirent l'attention. Par exemple, nous avons parlé, il n'y a pas longtemps, de la communauté musulmane, en République tchèque. Je m'étais félicité d'avoir trouvé un boucher musulman, dans mon quartier, car j'adore les merguez. Réaction immédiate d'une internaute, me demandant où ce boucher se trouve. Sans faire de réclame, c'est la rue Borivojova, dans le quartier de Zizkov, Prague 3. Attention, il est fermé le vendredi après-midi, jour de la prière ! Et bon appétit à tous les intéressés !
Passons aux choses sérieuses, avec un fléau qui devient de plus en plus alarmant : la prostitution juvénile. Elle concerne, en effet, des enfants de plus en plus jeunes. Ce problème touche, en premier lieu, la capitale Prague, bien qu'il ne soit pas absent dans d'autres régions. Selon le rapport de l'Association « Projet chance » qui s'occupe d'une manière intensive de cette problématique, des enfants de huit ans, déjà, vivent de la prostitution, dans les rues de Prague ! Laszlo Sümegh, du Centre municipal de services sociaux affirme : « Bien que la situation devienne alarmante, personne ne veut en entendre parler. La police s'en fiche » ! Des mots durs à l'égard des forces de l'ordre.
La gare centrale de Prague, qui porte le nom du grand politicien Wilson... Attendant un train, ou quelqu'un qui arrive par le train, dans la « salle des pas perdus », on ne peut ne pas remarquer le nombre d'adolescents et d'enfants, qui n'ont pas l'air de faire la même chose que vous. Ils déambulent, sans se presser, abordant, çà et là les passants. En y regardant de plus près, ce que j'ai eu l'occasion et le temps de pratiquer, en attendant mon épouse qui prend le train une fois toutes les deux semaines, j'ai remarqué que ces jeunes abordent, plus spécialement, les personnes qui pourraient être des étrangers, ou les gens plus âgés. Toujours le même rituel : la main tendue, avec un air soucieux et pressé. Pourtant, quand ils reçoivent, éventuellement, quelques pièces de monnaies, sous prétexte de n'avoir pas assez d'argent pour prendre le train, ils ne se dirigent pas vers les quais, mais le plus souvent vers le parc et les centres de rafraîchissement...
Cette sorte de mendicité n'est, pourtant pas, leur principal moyen de subsistance. Le rapport de l'Association « Projet chance » fait état de plus de 500 jeunes clients, prostitués, qui viennent chercher de l'aide à l'association ! Aussi bien des garçons que des filles, les plus jeunes ayant 7-8 ans. Laszlo Sümegh, fondateur de cette association est pessimiste : « Ce n'est que la partie apparente de l'iceberg. Ces jeunes prostitués sont beaucoup plus nombreux ! En réalité, il y en a des milliers » !
Les jeunes prostitués, on les retrouve surtout à la gare centrale, au stade de natation, ou la piscine de Podoli, les parcs de la capitale, ou les clubs pour hommes du quartier de Zizkov. Certains policiers ne sont pas persuadés de la montée de la prostitution juvénile, d'autres, comme le directeur des services de police de Prague 3, Jiri Neuwirth, affirment : « Il est possible que des enfants gagnent, ainsi, de l'argent pour s'acheter de la drogue. Certains aspects de la loi rendent très difliciles, aussi bien la prévention que les enquêtes. Il s'agit, par exemple, de la loi sur la proctection des données personnelles. Un médecin ne peut donc fournir des informations sur l'état de santé de ses patients juvéniles. Ce sont les parents qui sont responsables » Il faut dire que la grande majorité des petits et petites prostitués sont des « enfants de la rue », orphelins, abandonnés ou en fuite. Le rapport de l'association « Projet chance » indique aussi que ces enfants n'ont pas d'assurance maladie, on ne les voit donc pas dans les cabinets des médecins. Selon le directeur de la police de Prague 1, Jiri Sellner, le fautif est l'état des lois : « Le problème fondamental réside dans le fait que la prostitution, en Tchéquie, n'est pas un acte criminel, ni même un délit ». Il ajoute qu'il n'a pas encore rencontré de cas d'enfants de moins de quinze ans.
Il suffit de se promener dans le centre de Prague, autour de l'esplanade de Letna, que longe un grand boulevard, près de la place de la Paix, dans les environs du Théâtre national, même, pour trouver des adolescents et des enfants qui ne sont pas venus ici pour s'amuser... Le directeur du Centre municipal des services sociaux, Miroslav Lucka, est catégorique : « La police peut parfaitement intervenir, quand des services sexuels sont fournis par des mineurs » !
Il faut pourtant constater que la protitution juvénile n'est pas la même, dans les grandes agglomérations, surtout la capitale Prague, que celle des grandes voies de communication, aux alentours de la frontière avec l'Allemagne, par exemple. Dans ce dernier cas, la prostitution peut être plus facilement dédectuée et poursuivie. En effet, elle est contrôlée par des proxénètes. Mais qu'est-ce qui conduit ces jeunes à vendre leurs corps ? Des problèmes dans la famille, des fuites des foyers de jeunes, des maisons de correction, des agressions sexuelles... Le tout enrichi, encore, par l'accoutumance rapide à la drogue. Et pour se procurer de la drogue, il faut de l'argent... Ce circuit infernal d'où il n'y a que deux sorties, selon les spécialistes : l'arrestation par la police et le chemin vers une maison de correction avec, naturellement, la tentation de fuir le milieu carcéral. La réinsertion dans la société, la famille. C'est pour cette seconde possiblité qu'oeuvrent plusieures associations en Tchéquie. Une tâche des plus difficiles pour l'un de ceux qu'on appelle les « streetworkers », de nos jours, des personnes qui aident, d'une manière bénévole, les S.D.I, ou sans-abri, les gens en détresse... les jeunes prostitués de la gare centrale de Prague qui pouvaient gagner jusqu'à 20 000 couronnes en une journée, dans les années quatre-vingt-dix, mais qui se prostituent pour une baguette de pain, aujourd'hui. Triste destin, et il est bon que les associations tirent le signal d'alarme, pour réveiller l'opinion publique et les autorités. Les médias en parlent beaucoup, appelant à des solutions, car c'est un problème qui concerne toute la société, avec tous les dangers qu'il représente !