La RDA et la Tchécoslovaquie : différences et ressemblances

La RDA et la Tchécoslovaquie sont, à la fin des années 40 les deux pays les plus industrialisés du bloc de l’Est. A ce titre, ils se disputeront un temps le rôle de vitrine du camp soviétique auprès de l’opinion occidentale. Jusqu’aux années 50, c’est Prague qui prend le leadership dans ce domaine. Ses industries d’armement, qui avaient été utilisées par les nazis pendant la guerre, étaient en grande partie encore en état opérationnel. Et puis Prague avait peu souffert des bombardements.

En fait, la RDA, créée en 1949 par la volonté de Moscou, est encore grevée par le paiement des réparations imposées par l’URSS au titre de pays vainqueur. Au début des années 60, la Tchécoslovaquie connaît une crise économique et la construction du mur à Berlin en août 1961, recentre l’attention internationale autour de la capitale est-allemande. Désormais, c’est là que l’Ouest et l’Est se font directement face. Berlin prend alors sur Prague le relais dans ce rôle de vitrine du camp communiste.

Des archives d’époque montrent qu’au début, le mur n’est pas achevé partout en même temps. On peut encore voir des Berlinois de l’Ouest parler de part et d’autre d’un bloc de béton avec une connaissance ou un parent.

La construction du mur à Berlin en août 1961
Par ailleurs, même quand la dernière génération du mur est construite, l’ouest utilise régulièrement une propagande touchant directement Berlin-Est : camions avec haut-parleurs accolés contre le mur et diffusant des vidéo occidentales. Sur les photos, on voit les Berlinois de l’Est regroupés et écoutant, et les soldats (VOPO), nerveux mais impuissants.

Rien de tel en Tchécoslovaquie, ou aucun contact direct n’est possible entre ouest et est. Encore une fois, impensable à Prague, le contact avec l’ouest ne peut être qu’indirect (par radio free europe par exemple).

Gorbatchev et Honecker
En Tchécoslovaquie et en RDA, beaucoup plus qu’en Hongrie et en Pologne, le régime est absolument imperméable à la politique de Perestroïka, initiée en 1985 par Gorbatchev. Honecker et Husák se refusent à voir la réalité en face : l’effritement du bloc de l’Est, le fait que Moscou même ne fasse rien pour y mettre un terme. Lors des manifestations de 1989, Gorbatchev fait savoir à Honecker, qui en fait la demande, qu’il n’enverra aucun tank contre les manifestants.

Il faut dire que, dans les années 80, une chappe de plomb particulièrement lourde pèse sur les deux pays. En Tchécoslovaquie, la politique de normalisation en fait l’un des meilleurs élèves du bloc, tandis que la RDA, qui compte le plus d’agents de la police à l’intérieur du bloc, est dirigé par une équipe néo-stalinienne.

D’ailleurs, la Révolution tchécoslovaque n’a pas été de velours pour tous. Avant l’effondrement final, la police s’était quand même livrée à des actes d’une grande violence à l’encontre des manifestants.

De même en RDA, on sait qu’Honecker préconisait la violence après que des manifestations réunissant 100 000 personnes à Leipzig aient eu lieu suite à la commémoration du 40ème anniversaire de la RDA. On y avait entendu des slogans tels que "Liberté !"

En RDA et en Tchécoslovaquie, c’est vers la fin octobre que les choses commencent à bouger. Un retard par rapport aux voisins polonais et hongrois, où la poigne du régime est moins serrée. En Hongrie, c’est dès le 11 février 1989 que le régime autorise le multipartisme. En Pologne, dès avril, les accords de la table ronde entre le régime et Solidarność mettent en marche la démocratisation des institutions.

Théorie des dominos élaborée par les Etats-Unis au début de la guerre froide, la chute d’un pays dans l’escarcelle communiste entraîne, par effet de chaîne, les pays voisins. Le phénomène est le même en 1989 mais cette fois-ci dans le sens inverse. L’ouverture de la frontière de la Hongrie avec l’Autriche, le 13 septembre 1989, a entraîné un exode massif d’est-allemands et fait de Prague une étape inévitable sur cette route de la liberté.

Photo: CTK
On a vu des photos de ces réfugiés, proches voisins, attendant de pouvoir passer en Hongrie, dans les rues de Prague, assistés par les Pragois, qui les fournissent en vivres et couvertures. L’expérience a aussi donné un coup de fouet au moment d’opposition au régime qui couve depuis un certain temps en Tchécoslovaquie.

Une tradition qui remonte aux années 30 : des opposants sociaux-démocrates au nazisme s’étaient réfugiés à Prague et y avaient fondé le SOPADE, un centre d’enquête sur les mouvements d’opposition à Hitler.

Le 3 octobre, retour des souvenirs de guerre froide, en passe pourtant d’être bien datés : pour éviter l’hémorragie des exilés volontaires, la RDA ferme sa frontière avec la Tchécoslovaquie. Des affrontements de la population ont lieu avec la police à Berlin et Leipzig.

La chute du mur
Le 9 novembre, chute du mur. En Tchécoslovaquie, le régime s’accroche décidément jusqu’au bout et il faudra attendre le 25 novembre, après les manifestations de masse à Prague, pour que le régime soit renversé. Moins du fait d’un discours progressif et avec les opposants que parce que les dirigeants sont acculés par les événements et dos au mur.

Le Berlin-Est d’aujourd’hui rappelle la Prague d’il y a une dizaine d’années (mouvements alternatifs, punks, squats…). Il se bat pour conserver des valeurs, hier anti-communiste, aujourd’hui anti-ultralibéralisme (le squat de Köpi est à cet égard emblématique). Outre l’Ostalgie, c’est la nostalgie du Berlin des années 90, créatif… que les Berlinois ont le plus. Ils essaient de conserver cette énergie. Une différence avec Prague ?