Un voyage dans le temps pour le président allemand, venu à Prague en train
C’est toujours une visite très symbolique et importante dès lors qu’il s’agit d’un haut représentant du grand pays voisin, le président allemand, arrive, ce mercredi, en République tchèque, où il effectuera une visite de trois jours. Une visite chargée de symboles, puisque non seulement Frank-Walter Steinmeier effectuera le trajet entre Berlin et Prague en train, mais il sera aussi le premier président allemand à honorer la mémoire des parachutistes tchécoslovaques auteurs de l’attentat contre le dignitaire nazi Reinhard Heydrich en 1942.
Si la réconciliation a été longue et difficile, les relations entre les deux voisins se sont considérablement améliorées depuis la signature, il y a près de vingt-cinq ans, de la Déclaration tchéco-allemande par les chefs de gouvernement des deux pays. Qu’elles soient d’ordre politique, économique ou encore culturelle, ces relations ne sont désormais plus que rarement assombries par des différends.
Et comme il l’a déclaré dans un entretien publié par le quotidien Právo ce mercredi, c’est d’abord cela que Frank-Walter Steinmeier vient mettre en avant à Prague. C’est aussi ce que souligne Tomáš Jelínek, président du Fonds tchéco-allemand de l’avenir, tout en rappelant que rien n’est cependant jamais tout à fait acquis :
« Les relations restent effectivement très bonnes et cette visite le confirme. Néanmoins, la crise du coronavirus avec toutes ses restrictions et la fermeture des frontières, d’abord par les Tchèques l’année dernière puis davantage par les Allemands lors de la deuxième vague, a montré que certains stéréotypes sommeillaient dans les populations des deux pays et a entraîné un retour de certaines craintes. Il convient donc de veiller à ce que ces relations restent les meilleures possible, et par exemple le Fonds tchéco-allemand de l’avenir met en œuvre différents programmes pour que les gens puissent se rencontrer et coopérer. »
« Et pour ce qui est des relations au plus haut niveau, entre dirigeants politiques, je pense qu’elles aussi sont de très bonne qualité, et c’est la base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour envisager et construire l’avenir. »
Des deux côtés de la frontière longue de plus de 800 kilomètres, nombreuses ont été les entreprises à profiter de l’amélioration progressive de ce dialogue. On estime ainsi actuellement à 50 000 le nombre de travailleurs pendulaires, et contrairement à une idée reçue - même s’ils sont bien évidemment plus nombreux -, il ne s’agit pas uniquement de Tchèques employés en Allemagne parce qu’ils y sont mieux payés. Les Allemands sont, eux aussi, bien présents en République tchèque.
Sauvé de la faillite par le groupe Volkswagen en 1991, le constructeur automobile Škoda, dont le site de production a été maintenu à Mladá Boleslav (Bohême centrale) et qui reste le deuxième plus important employeur en République tchèque (un peu plus de 31 000 employés), est bien évidemment un des exemples les plus marquants de ce renouveau durable devenu indépendant des aléas politiques.
Les Tchèques, dont l’économie au cœur de l’Europe est très dépendante des exportations vers le marché allemand, sont aussi de plus en plus nombreux à se mettre à l’allemand : cette année, ils sont plus de 350 000 à étudier la langue de Goethe.
Mais la meilleure preuve de cette proximité toujours plus grande est peut-être bien le choix qu’a fait Frank-Walter Steinmeier d’effectuer le déplacement entre Berlin et Prague en train. Quatre heures et vingt minutes de voyage (pour près de 400 kilomètres) qui, toujours selon Tomáš Jelínek, devaient permettre au président allemand de faire passer divers messages :
« Je vois plusieurs symboles : tout d’abord, Frank-Walter Steinmeier est un partisan de la lutte contre le réchauffement climatique. Le choix du train comme moyen de transport écologique est donc un geste très clair de sa part. Mais je pense que le président allemand veut aussi promouvoir la liaison ferroviaire entre Berlin et Prague, et pas seulement parce qu’elle est magnifique. Toute personne qui a déjà voyagé en train de Prague à Dresde en longeant l’Elbe sait de quoi je parle... Mais il s’agit aussi de souligner l’importance de la modernisation prévue de cette ligne qui est appelée à être exploitée davantage encore à l’avenir. »
« Enfin, Frank-Walter Steinmeier a prévu de rencontrer dans le train des gens qui vivent des deux côtés de la frontière et pour lesquels passer d’un pays à l’autre est une réalité quotidienne. Je pense notamment aux travailleurs pendulaires dont la vie a été fortement compliquée par la crise du coronavirus et les restrictions. Je pense que le président entend montrer à ces gens combien ils sont importants pour les deux pays et qu’on ne les oublie pas. »
En matière de transports, le développement de la ligne stratégique entre Prague et Berlin n’est toutefois pas le seul envisagé. Comme le rapportait, mardi, le quotidien économique Hospodářské noviny, le Land de la Saxe envisage ainsi de rétablir une liaison ferroviaire avec le nord-ouest de la Bohême qui passerait par les monts Métallifères. Ouverte en 1885 et existante jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale dans une région des Sudètes peuplée alors très majoritairement par une population germanophone, cette ligne, qui reliait la ville minière de Most du côté de la Bohême à celle de Freiberg du côté allemand de la frontière, avait ensuite été détruite par l’Armée rouge.
Ce mercredi, avant de monter dans le train à Berlin, le président allemand a d’ailleurs reconnu que cette visite en République tchèque – sa première depuis quatre ans – était aussi un peu « un voyage dans le passé », précisément en raison de l’histoire souvent très douloureuse entre les deux peuples.
Mais parce que cette visite doit donc aussi être un voyage dans le présent et vers le futur, Frank-Walter Steinmeier sera le premier chef de l’Etat allemand depuis la fin de la guerre à se rendre dans la crypte de l’église Saints-Cyrille-et-Méthode à Prague, là où les parachutistes tchèques et slovaques auteurs de l’attentat contre Reinhard Heydrich, gouverneur du Protectorat de Bohême-Moravie, ont été tués par les soldats nazis en 1942. Et, indéniablement, ce sera là un autre symbole fort d’une visite très attendue.