La République tchèque, bonne ou mauvaise élève dans le traitement des déchets?

Photo: Commission européenne

Dans un rapport Eurostat de mars 2011, la République tchèque est classée parmi les mauvais élèves de l’Union européenne dans le domaine du recyclage des déchets municipaux, se retrouvant ainsi en queue de peloton avec la Roumanie et la Slovaquie. Que cachent ces chiffres, et quels sont les enjeux du traitement des déchets municipaux en République tchèque ? Quelques réponses d’Ivo Kropáček, de l’organisation écologique Hnutí Duha – Mouvement arc-en-ciel.

Ivo Kropáček travaille pour le Mouvement Arc-en-ciel, une des principales ONG engagées dans les questions environnementales en République tchèque. Membre de l’association internationale Friends of the Earth, l’organisation tchèque s’investit dans tous les secteurs où la problématique écologique est importante : les transports, l’agriculture, les forêts, le réchauffement climatique, les énergies renouvelables etc. L’organisation a par exemple contribué au renouveau des marchés fermiers en République tchèque – un renouveau qui pourrait s’expliquer en partie par la fibre écologique des Tchèques, assez importante selon Ivo Kropáček :

« La problématique écologique est perçue dans le public, selon les enquêtes, comme plutôt importante. Les Tchèques, par exemple, font particulièrement confiance au discours des organisations écologiques. Nous traversons maintenant une crise économique. Par conséquent, les thèmes environnementaux sont un peu mis de côté mais en même temps, il y a une grande partie de la population qui y reste très sensible. »

Photo: Commission européenne
Ivo Kropáček est responsable du secteur des déchets dans l’ONG, et il a bien sûr connaissance des chiffres diffusés par l’organisation statistique européenne – des chiffres qui ne reflètent pas forcément la réalité :

« Les statistiques d’Eurostat sont des statistiques envoyées par l’Office tchèque des statistiques. Elles sont différentes de celles du ministère de l’Environnement, qui s’occupe de la question de déchets. Il y a toutes sortes de moyens de fabriquer ces statistiques. Par exemple, on ne compte que les déchets dont le volume est assez important, et le reste est plus ou moins évalué ou deviné. Ainsi, si un petit entrepreneur produit très peu de déchets, personne ne le sait parce que ces statistiques ne sont pas connues. On ne compte qu’à partir de plusieurs dizaines de tonnes. Donc ces petits producteurs pourraient infléchir de façon singulière ces statistiques. Nous ne savons pas non plus dans quelle mesure croire les chiffres du ministère de l’Environnement, qui sont très variés et qui opère à un nouveau recomptage, aussi bien pour la production de déchets que pour le recyclage. Actuellement, je ne sais pas si je dois me hasarder à dire où se situe la République tchèque. »

Photo: Commission européenne
Le récent rapport d’Eurostat fait donc état de quelques données comparatives sur le traitement des déchets en Europe. La République tchèque est ainsi la mieux placée en ce qui concerne la production des déchets, avec « seulement » 316 kilos de déchets municipaux générés par personne et par an, mais, d’après les explications d’Ivo Kropáček, ces chiffres sont peut-être sous-évalués. Par contre, les Tchèques arriveraient bons derniers quand il s’agirait de recycler ces déchets, puisque seulement 2% de ces déchets sont retransformés ; d’après Eurostat, 2% sont aussi compostés, alors que 83 % des déchets municipaux tchèques seraient mis en décharge. Pour Ivo Kropáček, la réalité est probablement plus équilibrée :

« Les dernières données, avant qu’elles ne soient recomptées, indiquaient ce qui paraîtrait plus logique, c’est-à-dire que la République tchèque se trouve plutôt quelque part au milieu, dans la moyenne. D’après ces chiffres, nous recyclons environ 20% de déchets municipaux, alors que l’Allemagne ou l’Autriche en recyclent près de 50%, et la Belgique près de 70%. A l’évidence, nous avons du retard à rattraper et à nous améliorer. »

Comment améliorer la situation ? Quels sont les axes à privilégier pour le développement d’un traitement plus écologique des déchets ? C’est ce à quoi répond Ivo Kropáček :

« L’Union européenne a établi une hiérarchie dans le traitement des déchets, qui est : en premier lieu, la prévention dans la production des déchets, en deuxième lieu, leur réutilisation, suivie du recyclage, puis encore l’utilisation énergétique. Enfin, en dernière position, c’est le stockage, en décharge. Nous essayons de faire en sorte que cette hiérarchie réponde à des intérêts économiques, pour qu’il ne soit plus intéressant financièrement d’amener les déchets en décharge. Actuellement, c’est comme cela que ça marche et c’est la raison pour laquelle la République tchèque met en décharge 80% de ses déchets municipaux. Donc ce que nous voulons, c’est que cela change d’un point de vue économique, et pour cela, il faut changer la loi sur les déchets. »

Une nouvelle loi sur les déchets est en effet en préparation, depuis près de cinq années maintenant, nous confie Ivo Kropáček, qui sort justement d’une réunion au ministère de l’Environnement. Cette loi pourrait entrer en vigueur en 2014. Ces huit ans de négociations pour préparer une loi reflète bien les enjeux et les intérêts économiques énormes qui se cachent derrière cette question, notamment pour toute cette industrie du traitement des déchets – décharges, sociétés d’incinération des déchets – mais aussi pour les collectivités qui sont responsables devant les citoyens des coûts provoqués par les collectes, les tris et le traitement en général des déchets. Hnutí Duha essaie donc d’influer sur des décisions qui auront un effet parfois irréversible. Ivo Kropáček :

« Une de nos requêtes pour la loi sur les déchets est que les citoyens aient la possibilité de trier les déchets bio, soit les déchets issus de la cuisine et des jardins, qui peuvent être compostés. Or aujourd’hui, la population tchèque a très peu de possibilité de mettre ses déchets bio en compost. Il y a aussi une grande tentative de construire avec les ressources financières européennes un incinérateur communal de déchets, ce qui est certainement mieux, dans la hiérarchie de traitement des déchets, que de les stocker. En même temps, les instruments économiques que le ministère de l’Environnement prépare actuellement, font seulement en sorte que brûler les ordures coûte la même chose ou légèrement moins que de les stocker. Donc les brûler au lieu de les stocker. Or nous pensons que c’est un mauvais chemin, parce qu’il est possible que dans dix ans, on estime qu’il vaut mieux les recycler que les brûler. Dix ans plus tard, on pensera qu’il vaut mieux de la prévention. Et on rejettera des infrastructures qui sont très chères. »

La prévention contre la production de déchets ménagers, en haut de la hiérarchie de l’Union européenne pour le traitement des déchets, ne semble pourtant pas très présente en République tchèque malgré une sensibilité évidente des Tchèques pour le respect de la nature. Ivo Kropáček :

Photo: Archives de ČRo7
« On entend peu parler de prévention alors que chaque Etat de l’UE doit préparer un plan de prévention pour l’année 2013. J’estime qu’il devrait y avoir un objectif important de limitation de la production de déchets. Comme je l’ai dit, la Belgique, qui recycle à 70% des ordures communales, produit 150 kilos par personne et par an. La République tchèque en produit 300 kilos par année et par personne. »