La République tchèque confrontée à la crise de l’œuf

Ce ne sont pas encore les fêtes de Pâques, et pourtant : confrontée à la nouvelle directive européenne qui interdit depuis le début de l’année l’élevage de poules pondeuses dans des micro-cages, la République tchèque est actuellement confrontée à une pénurie d’œufs. Nombre d’éleveurs tchèques ne s’étant pas encore adaptés aux normes exigées par Bruxelles, la chute de la production locale a entraîné une flambée des prix. Ainsi, dans certains commerces, le prix de l’œuf a déjà doublé depuis le début de l’année. Mais cette situation nouvelle n’a, semble-t-il, pas que des inconvénients…

Comme dirait l’autre, tout ce qui est rare est cher. Et pas seulement un cheval bon marché. C’est aussi depuis peu le cas de l’œuf, pourtant produit de base dans l’alimentation tchèque et européenne, comme le confirme Jan Bican, agronome :

« Les œufs sont chers parce qu’il n’y en a pas ! »

Spécialisé dans le commerce et le traitement des œufs depuis une trentaine d’années, Jan Bican ne cherche donc pas midi à quatorze heures pour expliquer pourquoi dans les rayons des magasins tchèques un œuf coûte désormais parfois plus de cinq couronnes (20 centimes d’euro) :

« Je n’ai jamais connu situation semblable à celle d’aujourd’hui en trente ans de carrière… On ne peut même pas importer des œufs d’Amérique car, là-bas non plus, les poules ne vivent pas dans des cages enrichies. »

Toutefois, toujours selon Jan Bican, une spécificité tchèque devrait permettre de sortir de la crise actuelle :

« Nous sommes un pays où il est encore très courant d’élever des poules en plein air pour pouvoir ramasser leurs œufs. Sur les deux milliards d’œufs produits en République tchèque chaque année, 800 millions proviennent des élevages domestiques. Ce n’est plus le cas en Europe. Il suffit qu’il fasse beau quinze jours, que l’herbe retrouve un peu de sa verdeur à la sortie de l’hiver et les poules vont se remettre à pondre dans la cour. Il n’y aura alors plus une telle pression exercée par les supermarchés. Cela nous sauvera peut-être. »

En d’autres termes, le poulailler fait aujourd’hui encore partie du décor de la campagne tchèque. Et la pénurie actuelle des œufs semble accentuer cette tendance à un retour au « plus naturel » et à une « production maison ». Ainsi, les vendeurs d’animaux domestiques se félicitent depuis plusieurs semaines de l’augmentation de leurs ventes de poules. A certains endroits, les chiffres des ventes ont même été multipliés par deux depuis le début de l’année, comme le confirme cet éleveur de Jihlava, ville de 50 000 habitants située à une grosse centaine de kilomètres au sud de Prague. Selon lui, les retraités et les jeunes couples sont les plus gros demandeurs de poules :

« Peut-être est-ce à cause de la hausse du prix des œufs. J’ai vu récemment qu’une boîte de six se vendait 40 couronnes… Mais l’hiver étrange que nous avons eu peut aussi expliquer cette demande plus forte. Il a d’abord fait relativement chaud en décembre et en janvier puis il a fait très froid d’un seul coup en février. Les poules n’ont donc pas pondu. Maintenant, le beau temps commence à faire son retour et les maîtresses de maison se sont rendues compte que leurs poules ne pondaient pas et qu’elles avaient besoin d’œufs. »

En conséquence de quoi, la demande d’œufs en provenance directe des producteurs a elle aussi augmenté. Tous, des gros éleveurs aux petits agriculteurs en passant par les marchands de marchés, présentent des ventes en hausse. L’œuf d’une poule élevée en plein air se vend alors à partir d’environ 3 couronnes (12 centimes d’euro). Un prix certes toujours relativement élevé par rapport à ce qu’il était il y a encore peu, mais qui ne contraint quand même pas encore les Tchèques, parmi les plus gros consommateurs en Europe avec une moyenne de près de 250 œufs par an et par habitant, à se priver d’une bonne omelette lorsque l’envie les prend.