La République tchèque élue au Conseil des droits de l’homme de l’ONU

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La République tchèque a été élue membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, vendredi dernier, à New York. Candidate en compagnie de la Roumanie et de la Géorgie, la République tchèque, pour laquelle le respect des droits de l’homme fait partie des priorités de la politique étrangère, a obtenu pour les trois prochaines années une des deux places du groupe de l’Europe de l’Est au sein du Conseil. Ancien ambassadeur en France, Pavel Fischer est aujourd’hui le directeur politique du ministère des Affaires étrangères. Il en a dit plus à Radio Prague sur cette élection et sur ce que seront les priorités de la République tchèque au sein de ce Conseil.

« Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies est une instance relativement récente : elle existe depuis 2006 et c’est la première fois que nous avons été élu. Nous avions déjà été membre au tirage au sort en 2006-2007, mais cette fois-ci, il s’est agi d’une vraie campagne. Si vous relisez les vraies possibilités que ce conseil possède pour intervenir, nommer des responsables voire pour montrer des injustices, des situations où les droits de l’homme sont menacés, vous vous rendez compte que malgré une certaine lourdeur administrative, c’est quand même un instrument assez efficace. »

La République tchèque a bénéficié lors du vote de 148 voix sur un total de 191, c’est un nombre relativement important. La diplomatie tchèque pouvait compter sur un nombre de 140 voix avant le vote. S’agit-il d’une reconnaissance du travail accompli par la diplomatie tchèque sur le terrain des droits de l’homme depuis plusieurs années ? On sait que le pays possède plutôt une bonne réputation en matière de défense des droits de l’homme.

« Dans la logique de la diplomatie multilatérale au sein de l’ONU, vous devez toujours vous méfier des chiffres, car les promesses, les garanties que certains pays vous donnent pour vous accompagner dans votre candidature, ne sont jamais définitives. C’est pour cela que nous avons souhaité être sûrs que nous avons le potentiel de remporter l’élection. Ainsi depuis plusieurs mois, nous avons travaillé un peu partout dans le monde pour être en position de gagner. Nous avons déployé beaucoup d’énergie pour être sûrs d’arriver en première place. Cette fois-ci nous avons vraiment réussi. C’est un beau résultat. Nous nous réjouissons de cette confiance qui nous est accordée. »

Concrètement, quelles ont été les démarches entreprises auprès des autres pays pour qu’ils vous accordent leur voix ?

« Notre ambition est de renouer avec le travail et l’engagement de notre pays en faveur des droits de l’homme. Il est intéressant de constater que les droits de l’homme et l’engagement dans leur promotion constituent une trame d’action politique de notre pays qui n’a pas vieilli depuis 1989. Ses grands moments ont été incarnés par des personnes telles que Václav Havel, Petr Pithart ou Jiří Dienstbier. C’est un engagement dans la durée qui renoue avec une certaine sensibilité qui a été cultivée et présente malgré le régime totalitaire avant 1989. Aujourd’hui, pour le Conseil des droits de l’homme, nous sommes arrivés avec des ambitions de mettre en place de telles procédures afin que ce conseil puisse être vraiment actif. Quels que soient nos idéaux, nous sommes souvent autour d’une table avec des pays qui ont une vision différente des choses et qui parfois, transgressent des conventions et se moquent des droits de l’homme dans leur universalité. Nous mettons l’accent sur la liberté religieuse, le combat contre la torture, la liberté d’expression, les droits de l’enfant ou de la société civique, et c’est ce qui nous a apporté un tel consensus. Nous nous sommes engagés à répondre à cette confiance. »

Au sein du Conseil des droits de l’homme composé de 47 pays figure un certain nombre de pays où les droits de l’homme ne font pas partie des priorités, comme Cuba, mais aussi l’Angola, la Chine ou la Russie ou récemment la Libye, qui a été suspendue. Qu’est-ce que la présence de ces pays vous inspire ?

« Il ne faut jamais fermer la porte au dialogue, c’est d’ailleurs le rôle de la diplomatie et des organisations distinctes, non-gouvernementales, qui travaillent dans ces pays et qui voient les germes d’un espoir dans la réalité quotidienne. Par exemple : dans les années 1970, il y a eu le processus d’Helsinki avec la promotion de certaines valeurs. Peu importe qu’au début que ces ambitions aient été perçues au début comme irréelles et irréalisables. Cet ensemble de valeurs a réussi à faire pencher même les dictatures les plus dures, en faveur d’une certaine ouverture que nous avons vu éclore en 1989. Je crois qu’il ne faut pas désespérer. Dans les pays que vous avez cités, voire ceux que vous n’avez pas cités et qui n’ont pas les meilleures références en matière de droits de l’homme, il ne faut pas baisser les bras pour autant : il y a toujours des situations dans lesquelles on peut agir. D’ailleurs, je vous rappelle à titre d’exemple que la Libye a été suspendue à l’unanimité au sein de ce conseil. C’est un exploit : imaginez le dilemme des pays qui eux-mêmes ne respectent pas les droits de l’homme et qui ont dû trancher s’il fallait oui ou non stopper les activités de la Libye au sein du conseil. Donc je crois que c’est un instrument, comme bien d’autres, mais qui a une potentialité intéressante. Nous sommes très heureux, comme diplomates représentant la République tchèque et la communauté européenne, de pouvoir travailler sur ce beau chantier. »

Nous avons parlé du respect des droits de l’homme. De par son expérience, son passé totalitaire, son soutien à la démocratie et à la transition démocratique à des pays ayant connu la même expérience fait partie des priorités de la politique étrangère tchèque. Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de l’application de cette politique ?

Photo: PIN
« Nous avons ici une équipe de gens qui travaillent dans une logique d’accompagnement des transformations. Ce sont des gens qui, souvent dans des régimes très difficiles d’accès, ont réussi à tisser des liens et qui travaillent, directement ou indirectement, en faveur de personnes engagées, souvent emprisonnées. On aide par exemple les familles des détenus, on parle de leur condition qui est souvent contraire aux droits de l’homme et aux principes d’un procès juste. C’est justement en rappelant les principes et les engagements internationaux du pays en question qu’on peut faire changer des choses. Nous travaillons parfois dans des conditions de quasi clandestinité dans certaines zones du monde où on ne voit pas bien depuis Bruxelles ou Prague comment les choses se passent dans l’ombre. Prenez une autorité parmi d’autres, mais qui a quand même une voix unique, je veux parler d’Aung San Suu Kyi en Birmanie : elle a remercié à plusieurs reprises la République tchèque et en particulier Václav Havel, qui accompagnent depuis de longues années son combat en faveur de la liberté politique et du respect des droits de l’homme dans son pays. Donc vous le voyez, par ce combat, vous rapprochez des gens qui partagent le même idéal, dans des situations parfois très dangereuses, où ils mettent en danger leur vie, celle de leur famille. Etre sur le terrain avec eux, à leurs côtés, c’est quelque chose de merveilleux parce que vous voyez que des paroles, des déclarations peuvent avoir un impact très réel et très direct dans la vie quotidienne des gens. »