« La République tchèque est un pays d’opéra »
Même s'il a annulé toutes ses représentations pour une durée encore indéterminée en raison de l’épidémie de coronavirus, le Théâtre national de Prague continue à se préparer pour la rentrée de septembre prochain. Au total, dix-huit premières d’opéras, ballets et pièces de théâtre seront au programme. A lui seul, l’ensemble lyrique mettra en scène huit productions dans trois bâtiments historiques – le Théâtre national, le Théâtre des Etats et l’Opéra d’Etat. Rencontre avec Per Boye Hansen, directeur artistique de l’ensemble lyrique.
La prochaine saison au Théâtre national est la première dont vous êtes en charge. Que préparez-vous pour l’ouverture de la saison 2020-2021 ?
« Tout d’abord, ce sera la première d’une nouvelle production de Carmen de Georges Bizet, parce que la production actuelle est très ancienne. Je pense que Carmen est un opéra qui appartient au répertoire. J’aimerais que le Théâtre national, connu sous le nom de Chapelle d’or, soit aussi accessible aux familles. Je sais que Carmen est souvent la première pièce à laquelle les gens assistent lorsqu’ils vont pour la première fois à l’opéra. A l’Opéra d’Etat, nous allons mettre en scène une production de Wagner, Les Maîtres chanteurs de Nuremberg. C’est le premier opéra qui y a été joué en 1888. Karl-Heinz Steffens dirigera l’orchestre, le baryton suédois John Lundgren chantera Hans Sachs. C’est une belle distribution que l’ensemble va présenter. Ce ne sont plus les maîtres de Nuremberg mais les maîtres de Prague. »Vous voulez revenir aux œuvres musicales qui étaient jouées à Prague à l'époque où Zemlinsky était directeur du Nouveau Théâtre allemand - l'Opéra d'État actuel. Quels sont les opéras que vous avez sélectionnés ?
« Dans les années à venir, nous allons présenter quelques opéras de cette période. Dans la prochaine saison, il y aura Le son lointain, de Franz Schrekers, dont la première a eu lieu à Francfort en 1912. Zemlinsky a joué cette œuvre huit ans plus tard à Prague. Elle n’a pas été jouée ici depuis. »
Don Giovanni fait partie intégrante du Théâtre des Etats, où l'opéra a été donné pour la première fois en 1787. Une nouvelle production est en préparation. Qui chantera le rôle-titre ?
« La partie principale sera chantée par Jiří Brückler, mais il y aura une doublure. La pièce sera mise en scène par le suédois Alexander Mørk Eidem. Nous avons j’ai déjà travaillé ensemble par le passé. Le chef d’orchestre sera un Italien spécialiste de la musique ancienne, qui aime bien aussi diriger Mozart. Il s’agit de Rinaldo Alessandrini. Il dirigera l'ensemble du cycle Da Ponte avec nous. Le cycle sera présenté en coproduction avec le théâtre national de Mannheim. Prague et Mannheim sont les deux villes les plus importantes pour Mozart après Salzburg et Vienne. »A quoi peut-on s’attendre dans le cadre du projet prévu « Musica non grata » ?
« J'espère qu'il y aura beaucoup de théâtre musical passionnant de l'entre-deux-guerres. Les vingt premières années de la Première République tchécoslovaque étaient pour moi un voyage de découvertes. Ce qui a été créé là est admirable. Des compositeurs tels que Schulhoff, Krása, Zemlinsky, mais aussi d'autres qui ont souffert sous le régime nazi, ont fait du théâtre musical passionnant. Après la Seconde Guerre mondiale, les modernistes ont trouvé la musique de Korngold ou de Schreker, par exemple, trop démodée. Je pense que c'était injuste. Nous aimerions ramener ces compositeurs sur le devant de la scène. Déjà à la fin de la saison en cours, nous organisons un concert de l'opéra de Zemlinsky Les vêtements font l'homme. Le cycle Musica non grata durera quatre ans. Le 27 mai, il y aura un concert d'ouverture à l'Opéra d'État. »
Vous travaillez avec la metteuse en scène tchèque Barbora Horáková sur une nouvelle production de Rigoletto. Comment est née cette collaboration ?
« J’ai connu Barbora Horáková alors qu’elle était assistante du metteur en scène Calixto Bieito. Quand je travaillais encore à Oslo, il dirigeait l'oratorio War Requiem de Benjamin Britten à l'opéra d'Oslo. Barbora Horáková était son assistante et elle a fourni un travail qui m'a impressionné. Comme le metteur en scène australien Simon Stone, qui devait mettre en scène Pelléas et Mélisande, a finalement annulé, j’ai demandé à Barbara si elle pouvait le faire. On s’est réunis tous les trois avec Simon Stone à Bâle. Barbara a accepté et elle a fait ses débuts dans l’opéra à Oslo. Entre-temps, elle a fait beaucoup de mises en scène dans d’autres pays. Je suis heureux qu’elle prépare maintenant une nouvelle production à Prague. »Vous travaillez également avec la célèbre réalisatrice et metteuse en scène tchèque Alice Nellis, qui a organisé le gala d’ouverture à l’Opéra d’Etat. Va-t-elle également travailler à une nouvelle production d’opéra ?
« Elle a principalement mis en scène les deux opéras contemporains qui ont été joués au théâtre des Etats sous le titre Mozart et les autres. J’ai beaucoup apprécié la manière dont elle a travaillé avec l’ensemble. Je l’ai donc approchée et nous nous sommes mis d’accord sur une nouvelle production de La Fiancée vendue. Je suis très curieux de voir ce qu’elle va en faire. »Récemment s’est tenu à Prague le festival Opéra 2020 qui a accueilli des ensembles d’opéra de plusieurs villes tchèques et slovaques. Avez-vous assisté aux représentations ? Et avez-vous été particulièrement impressionné par certaines productions ?
« Le projet dans son ensemble est très impressionnant. Quelque 19 ensembles différents se sont produits à Prague. J’ai assisté à quelques-unes des représentations. Malheureusement je n’ai pas pu tout voir, parce que j’étais très occupé par la réouverture de l’Opéra d’Etat et les premières. Mais ce que j’ai vu était très prometteur. D’abord, le travail fourni était très sérieux – avec des moyens plutôt modestes, il faut le dire. La République tchèque est un pays d’opéra, j’en suis convaincu. »