La République tchèque interdit la vente d’alcools forts

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« Prohibice », la prohibition, ce mot est apparu, samedi matin, en gros titres, à la une de tous les quotidiens nationaux. En effet, la veille, après avoir enregistré un premier cas d’intoxication au méthanol à Prague et après avoir détecté du méthanol dans des bouteilles d’alcool vendus dans des magasins, les autorités tchèques ont ordonné l’interdiction totale de la vente de boissons à plus de 20 degrés d’alcool. Une mesure sans précédent en République tchèque où, seules les autorités communistes avaient limité la vente d’alcool pendant les élections.

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Alors que mercredi dernier, le ministère de la Santé avait interdit la vente de spiritueux forts contenant plus de 30% d’alcool dans la rue, vendredi, il a donc élargi cette mesure en réaction à une vingtaine de décès dus, ces dix derniers jours, à l’alcool frelaté. Une quarantaine de personnes intoxiquées ont été hospitalisées depuis le début de l’affaire. Ce week-end, la photo d’un premier patient empoisonné au méthanol et qui a pu quitter l’hôpital a fait le tour du pays : originaire de la région d’Ostrava, la plus touchée de toute la République tchèque, Vladimír Lipina, 51 ans, ne sera toutefois jamais guéri, étant frappé de cécité.

Environ 49 000 perquisitions et contrôles, dans des bars, restaurants et kiosques de rue ont été réalisés par la police depuis vendredi soir, où l'interdiction de vente de boissons contenant plus de 20% d'alcool a été décrétée. Ainsi, les bouteilles de vodka, de Becherovka, de rhum et d’autres alcools forts prisées des Tchèques ont disparus des rayons de petits magasins du quartier aussi bien que des supermarchés et les spiritueux en question ne peuvent désormais plus figurer sur les cartes de boissons des bars et restaurants. Si cette interdiction n’a aucun impact sur les très nombreuses fêtes de vendange et du vin bourru, elle pose problème en Moravie, pays de la slivovice, la fameuse liqueur de prunes. Dans le petit village de Pohořelice, dans le sud de la Moravie, où s’est déroulée ce week-end une fête sportive, les spiritueux faits maison ont coulé à flot, malgré l’interdiction du ministère de la Santé.

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« Non, on ne peut pas se passer de l’eau-de-vie, même pas en jouant au foot », ont confié devant les caméras de télévision, les joyeux participants à la fête.

Il n’empêche que les règles sont strictes : le non-respect de l’interdiction, enregistré jusqu’à présent dans 65 cas, est puni d’une amande pouvant aller jusqu’à 3 millions de couronnes (123 000 euros). Plus de vingt personnes en lien avec l’affaire de l’alcool frelaté ont été inculpées par la police. Lundi matin, cette dernière a annoncé avoir arrêté, dans la ville morave de Zlín, une personne-clé dans la distribution de l’alcool coupé au méthanol.

Par ailleurs, l’affaire de celui-ci se répand dans les pays voisins. Dimanche, dix personnes, dont quatre intoxiquées au méthanol, ont été hospitalisées dans l’est de la Slovaquie suite à la consommation de la slivovice importée de République tchèque. Ce lundi, certains médias tchèques ont annoncé l’hypothèse que le méthanol toxique détecté dans l’alcool tchèque pourrait provenir du liquide antigel utilisé en Pologne. Un scénario que les autorités sanitaires polonaises ont strictement réfuté, en interdisant, dès dimanche, l'interdiction de vente sur leur territoire d'alcools forts en provenance de République tchèque.

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Selon le ministre de la Santé, Leoš Heger, l’interdiction de la vente de spiritueux pourrait bientôt être limitée à certaines régions du pays. Elle est désavantageuses non seulement pour les producteurs d’alcool, mais également pour l’Etat, comme l’explique le vice-ministre des Finances, Ladislav Minčič :

« L’interdiction de la vente d’alcools forts peut causer à l’Etat une perte de 750 millions de couronnes (31 millions d’euros, ndlr) par mois. Si la situation se poursuivait, elle serait propice à la création d’un marché noir très sophistiqué, dont les impacts sur le budget de l’Etat seraient encore plus graves. »

Or, comme le soulignent les médias tchèques, ce marché noir existe d’ores et déjà et, comme en témoigne la récente affaire, les autorités ont bien du mal à le contrôler. Elles seraient en train de préparer de nouvelles mesures législatives visant à enrayer ce phénomène.