La République tchèque ou la Tchéquie ? La polémique continue.
Cette semaine, nous avons retenu trois sujets dans les médias. D’abord, une réflexion sur le nom de la République tchèque, son auteur expliquant pourquoi il serait préférable d’utiliser l’expression Tchéquie en lieu et place de ce nom composé de deux mots. Un reportage publié dans la presse écrite a suivi les musulmans établis sur le territoire du pays, venus de l’étranger ou des Tchèques convertis à l’islam. La position de la représentation politique tchèque à l’égard des sanctions supplémentaires à l’encontre de la Russie est dénoncée par une grande partie de la presse comme trop prudente et mitigée.
La République tchèque ou la Tchéquie ? Un article publié dans la dernière édition du supplément Orientace du quotidien Lidové noviny rouvre la polémique autour de l’appellation de l’Etat tchèque, une polémique qui a été très vive notamment au lendemain de la partition de la Tchécoslovaquie, en 1993, et qui semble s’être endormie depuis. Son auteur, le géographe Zdeněk Kukal, est pourtant catégorique en indiquant en introduction :
« On ne sait pas pourquoi et pour quelle raison mystérieuse, nous tenons à ce que notre pays porte un nom de deux mots – la République tchèque. Ce nom nous porte préjudice plus que nous ne le pensons. Le temps est venu de le changer, d’autant plus qu’une solution élégante est à portée de main et promet d’apporter beaucoup de choses positives. »
Zdeněk Kukal considère que le mot ‘république’ avait sa justification en 1918, au moment de la naissance de l’Etat tchécoslovaque qui voulait prendre ses distances avec la monarchie austro-hongroise. Il l’avait aussi en 1989 lors de la chute du régime communiste, car la société de l’époque était empreinte de la volonté de renouer avec les idéaux de Masaryk de la Première République. Pour lui, la situation n’est plus la même aujourd’hui. Il précise :
« Le mot république n’est plus, depuis longtemps, un signe de liberté, de démocratie ou de progrès, comme c’était le cas à l’époque de la grande Révolution française. Or, pour des raisons historiques et pour des raisons de continuité, il est évident que certains pays garderont pour toujours le mot ‘république’ dans leur appellation officielle... D’un autre côté, s’y réfèrent aussi des pays qui, souvent, représentent des régimes suspects, antidémocratiques ou peu reconnus sur la scène internationale. Le dernier exemple flagrant est l’utilisation de l’expression ‘république’ par des séparatistes dans l’est et dans le sud de l’Ukraine pour certains territoires envahis.... »
Zdeněk Kukal souligne que la République tchèque constitue un nom maladroit et peu pratique. Et de rappeler que le nom raccourci du pays, Česko, la Tchéquie, Czechia, existe, et est d’ores et déjà couramment utilisé dans certaines langues européennes et mondiales. Il invite donc en conclusion à ne pas hésiter à l’utiliser largement, par les Tchèques eux-mêmes, et observe que les premières tentatives pour mettre en valeur cette expression sont déjà manifestes au niveau politique international.
Etre musulman en Tchéquie
Česká pozice, qui est un autre supplément de samedi du quotidien Lidové noviny, a publié pour sa part un long reportage sur les musulmans qui sont présents en République tchèque. Il réagit en quelque sorte au cas de deux élèves musulmanes d’une école en soins infirmiers expulsées l’année dernière pour avoir porté le voile en classe. Cette affaire a fait couler beaucoup d’encre, quand la médiatrice de la république, Anna Šabatová, a fait savoir qu’elle considérait, la semaine dernière, qu’il s’agissait d’une décision discriminatoire. L’auteur de l’article intitulé « Les musulmans de la place Venceslas » se déclare surpris par la grande médiatisation de la question du port du voile dans les écoles tchèques, car les musulmans ne représentent en Tchéquie qu’une communauté très modeste. Il donne à ce sujet quelques précisions :« Selon les estimations actuelles, près de vingt mille personnes vivant sur le territoire de la République tchèque seraient de confession islamique. La plupart d’entre eux sont venus d’Irak, du Yémen, de Syrie et d’Egypte, une importante vague de musulmans est arrivée, aussi, de pays de l’ex-Union soviétique. Il y a également dans le pays quelques centaines de Tchèques qui se sont convertis à l’islam. Les musulmans disposent en Tchéquie de deux mosquées, l’une se trouvant dans la ville de Brno, capitale de la Moravie du Sud, l’autre à Prague. Il existe en outre des lieux de prière, dispersés dans plusieurs villes... Selon les services de sécurité tchèque, l’islam n’est pas considéré comme un grand risque pour le pays. Ceci dit, ils admettent que l’auto-radicalisation de certains individus reste possible. »
Dans son reportage effectué notamment chez les musulmans de Prague, Přemysl Houda constate que les Tchèques convertis à l’islam sont souvent plus rigides, plus fiers, plus disposés à défendre le caractère pacifique de leur foi que leurs confrères venus de pays musulmans. « L’Etat islamique n’est islamique que par son nom, car il s’agit là de barbares anti-islamiques ». Voilà la phrase typique qu’ils aiment utiliser pour étayer leur conviction. En conclusion, le reporter écrit :
« C’est entre autres en raison du régime communiste que les musulmans en Tchéquie sont peu nombreux et que leur immigration est relativement récente. En ce moment on voit grandir leur deuxième génération. Comment sera-t-elle ? Cela dépend non seulement d’eux-mêmes, mais aussi de l’approche du milieu qui les entoure. »
Les sanctions à l’égard de la Russie – la Tchéquie demeure prudente
La République tchèque, comme nous l’avons déjà écrit ici ou là, s’est réservée le droit de ne pas adhérer à une partie des nouvelles sanctions économiques à l’encontre de la Russie, décidées samedi dernier à Bruxelles. Si la position prudente du Premier ministre Bohuslav Sobotka à l’égard du durcissement de ces sanctions supplémentaires a été dénoncée par les partis de l’opposition, le ton de la plupart des commentaires dans les médias n’a pas été moins critique. Dans un article publié sur le site echo24.cz et intitulé « Sobotka a raté l’occasion de se taire », Lenka Zlámalová a par exemple écrit :« Dans la politique internationale, les démarches de Bohuslav Sobotka semblent maladroites et confuses... Le Premier ministre met en valeur une politique pragmatique sinon populiste espérant qu’elle plaira aux électeurs et qu’elle n’agacera pas le président Miloš Zeman qui, lui, intervient dans des questions d’ordre diplomatique avec plus d’envergure et d’aplomb... Le Premier ministre tchèque aurait pu ne rien dire, car les leaders européens se sont seulement mis d’accord sur les préparatifs d’une nouvelle vague de sanctions. Donc, dans cette phase, il ne s’agissait que d’une démonstration de force et de la volonté d’intervenir en réaction aux dernières déclarations de Poutine... S’agissant des sanctions, elles seront encore discutées et les diplomates habiles auront l’occasion d’harmoniser leurs intérêts et leurs valeurs. Une diplomatie habile se traduit par sa capacité à distinguer quand il est bon de parler et quand il est bon de se taire. »
La position mitigée du Premier ministre Sobotka a été également le sujet d’un commentaire de la plume de Petr Fischer dans le quotidien économique Hospodářské noviny dans lequel il a entre autre écrit :
« Bohuslav Sobotka explique sa position par la responsabilité à l’égard de son propre pays consistant entre autres à défendre ses intérêts économiques qui pourraient être menacés par d’éventuelles sanctions supplémentaires... Même si le Premier ministre ne doit pas être forcément un ‘faucon’ et même s’il a le droit d’avoir des opinions différentes sur la politique étrangère que la majorité de ses collègues de l’Union européenne, il ne devrait pas annoncer que nous autres Tchèques nous abstiendrons de toute action. »
La Tchéquie pourrait représenter une voix modératrice au sein de l’Union européenne, une voix argumentée, sobre et réfléchie. Tout indique cependant, comme l’écrit en conclusion l’auteur du commentaire que les déclarations « chaotiques et mitigées » de Sobotka ne représentent en aucun cas une telle voix, faisant plutôt preuve d’incertitude et de la volonté de prendre prioritairement en compte les intérêts de politique intérieure.
Dans une interview pour le site ihned.cz, Petr Kratochvil, directeur de l’Institut des relations internationales, constate également que les positions de Bohuslav Sobotka concernant les sanctions à l’égard de la Russie confirment les stéréotypes relatifs à la République tchèques qui veulent que ses représentants politiques tchèques privilégient les aspects de politique locale à ceux de politique internationale.