La République tchèque réduit son territoire au profit de la Pologne
La République tchèque pourrait bien être un peu plus petite dans un proche avenir. Son gouvernement a annoncé récemment qu’il s’apprêtait à rendre à la Pologne, sa voisine du nord, 368 hectares de terrains. Prague entend ainsi mettre fin à un différend remontant à 1958 relatif à la délimitation de la frontière entre les deux pays.
Il est désormais loin le temps où les armées des deux pays s’affrontaient pour des intérêts précisément territoriaux dans la région de Cieszyn en Silésie. En janvier 1919, ce qui est appelé « La Guerre de sept jours » avait abouti à la signature d’un traité polono-tchécoslovaque sous la pression de la Triple Entente avant, un an plus tard, lors de la Conférence de Spa, de voir le territoire en question partager en deux. Plus tard, en 1938 jusqu’à la fin de la guerre, des revendications et intérêts divergents pour certains bouts de terre avaient également été sujet de conflits que seul le nouvel accord interétatique signé en 1958 à Varsovie pour entériner le tracé de la frontière, a résolus une bonne fois pour toutes…. Avec quand même donc ces près de 400 hectares supposés appartenir à la Pologne mais propriété de la Tchécoslovaquie, puis de la République tchèque.
Toutefois, tout en refusant l’offre de compensation financière faite par le gouvernement tchèque en 2008, la Pologne n’exerce aucune véritable pression sur Prague pour retrouver ce qui lui a autrefois appartenu. Du côté nord de la frontière, longue de près de 800 kilomètres, la population, si elle est au courant de la situation, n’est pas particulièrement pressée de voir la Pologne « s’agrandir ». Historien à la retraite de Bogatynia, petite ville d’un peu moins de 20 000 habitants située dans la voïvodie de Basse-Silésie, Zbygniew Sklarek explique pourquoi:
« Pour nous, ces terrains n’ont vraiment aucune importance. Ce ne sont que 400 hectares… 400 hectares ! Même si nous procédions à des investissements, cela ne serait pas rentable. Ces terrains que nous pourrions récupérer sont trop éloignés des localités un peu plus peuplées. »
De l’autre côté de la frontière, en revanche, les habitants sont nettement moins indifférents. Comme dans les autres communes de Bohême du Nord potentiellement menacées, à Heřmanice, tout petit village de 250 âmes qui fait face à Bogatynia, on s’inquiète de la volonté du gouvernement, à l’image du maire Vladimír Stříbrný :« Nous sommes bien conscients que les terrains qui pourraient être rendus à la Pologne sont la propriété de l’Etat, mais ce sont nos agriculteurs qui les exploitent et en sont les locataires. Ce sont eux qui ont fait en sorte que ces terres qui étaient embroussaillées après la révolution soient de nouveau cultivables. C’est vrai, cela ne concerne que deux ou trois agriculteurs, mais cela n’enlève rien au fait qu’ils reçoivent des subventions européennes pour leur exploitation avec des échéances à respecter et qu’ils sont dépendants de ces revenus. »
A Prague, le ministère de l’Intérieur, qui est chargé des affaires relatives aux frontières de l’Etat, s’efforce de rassurer les responsables des communes et régions frontalières. Porte-parole du ministère, Vladimír Řepka précise quel est l’avancement actuel des choses :
« Compte tenu du fait que cette dette territoriale et cette restitution sont une affaire très sensible, le dossier comprenant la liste des terrains a d’abord été examiné par le gouvernement sous couvert du secret. Le ministre de l’Intérieur a toutefois demandé au Premier ministre à ce que ce document soit déclassifié de façon à ce que les responsables des régions et des communes concernées puissent être informés du contenu des compensations qui ont été décidées. »
Le ministère de l’Intérieur souhaite que le document en question soit rendu public le plus tôt possible. Mais pour l’heure, le secret n’a pas encore été levé, laissant ainsi dans l’incertitude la plus complète les communes, comme le regrette le maire de Heřmanice :
« En novembre dernier, le gouvernement tchèque a remis une liste de différents terrains au gouvernement polonais que personne n’a jamais vue et n’a pu consulter. Désormais, c’est donc à la Pologne de choisir ce qui lui convient de mieux et ce qui lui sera rendu. »
Et le gouvernement tchèque serait même prêt à ajouter une quarantaine d’hectares supplémentaires en dédommagement des pertes subies. Après tout, pour vivre heureux, mieux vaut être en bons termes avec ses voisins. Et les bons comptes, c’est bien connu, font les bons amis.