La République tchèque sommée par Bruxelles d’adopter la loi sur la fonction publique
Le gouvernement a interrompu pour deux semaines ses discussions sur le projet de loi sur la fonction publique. L’occasion de revenir sur le besoin urgent pour la République tchèque d’adopter une loi censée protéger les fonctionnaires de l’arbitraire des hommes politiques, mais aussi limiter la corruption. Bruxelles a donné à la République tchèque jusqu’à la fin de l’année pour l’approuver, faute de quoi elle pourra dire au revoir aux fonds européens.
La Commission européenne critique depuis un certain temps déjà l’influence des politiques tchèques sur l’administration publique. Johannes Hahn, commissaire européen pour la politique régionale, avait déjà souligné le problème de l’après-élection, où les hommes politiques remanient le personnel administratif de fond en combles, remplaçant souvent des fonctionnaires clés par leur propre personnel. Une absurdité selon lui, qui sape toute continuité au sein du corps des fonctionnaires.
Problème : si le gouvernement actuel discute bel et bien de ce projet de loi sur la fonction publique, nombre d’observateurs issus du secteur non-gouvernemental le critiquent, estimant qu’il ne change pas grand-chose à la situation actuelle. Radim Bureš, directeur de la filiale tchèque de Transparency International :« Ce projet de loi propose de nouveaux instruments positifs comme les concours de recrutement. Par contre, il ne modifie pas le système de rémunération. C’est un des gros problèmes. Il reste en l’état, avec cette possibilité de rémunérations parfois plusieurs fois supérieures au salaire de base. Mais le problème clé, c’est que le ministre ou le responsable de tel secteur aura le dernier mot pour certaines fonctions importantes, par exemple en refusant la recommandation de la commission de recrutement. »
D’autres ONG enfoncent le clou : la loi serait trop superficielle et ne dépolitiserait le secteur de la fonction publique que sur le papier. Pour Lenka Petráková de l’ONG Oživení, la loi n’institue pas la professionnalisation de la fonction publique, ce que d’aucuns appellent de leurs vœux :
« La loi ne fixe aucune limite institutionnelle entre les fonctions politiques et administratives. Donc le même système en cours à l’heure actuelle va continuer dans l’administration publique : les hommes politiques peuvent choisir d’autres politiques pour diverses fonctions et influencer ainsi les plus activités les plus anodines et les plus routinières de l’administration. »Du côté de l’opposition social-démocrate, on a déjà fait savoir qu’il était hors de question de voter pour une loi qui, selon ses représentants, est impuissante à lutter contre le problème de la corruption dans la fonction publique. Lubomír Zaorálek, vice-président de la Chambre des députés :
« Selon nous, la dernière version que nous avons eue entre les mains est impossible à rectifier. Et selon moi, il est n’est pas non plus possible de modifier la loi à la Chambre des députés. »Une des craintes des organisations non-gouvernementales est que la pression de Bruxelles ne fasse toutefois adopter une loi vide de contenu. Michal Bureš, de Transparency International :
« Il y a un débat intensif sur le sujet depuis deux ans. Cela fait deux ans que nous interpellons les autorités sur ce problème. Le cabinet n’est de toute évidence pas prêt à aller plus loin, à mettre en place un vrai système de carrière au sein de la fonction publique. Il faut pourtant dire qu’il existe déjà une loi de 2002 qu’il suffirait simplement de dépoussiérer et de faire adopter. »
En attendant, le gouvernement s’est donné quinze jours de pause dans les négociations autour de cette loi pour trouver un terrain d’entente au sein même de la coalition, fort divisée à son propos, et pour prendre en compte les remarques des ONG.