La République tchèque, un pays dont la population vieillit et tend à diminuer, malgré les statistiques

Photo: Štěpánka Budková

10 538 300 habitants : tel était le nombre d’habitants que comptait la République tchèque le 31 décembre dernier, selon les données communiquées par l’Office national des statistiques (ČSÚ) lundi. Ce total range la République tchèque aux côtés de la Belgique, de la Grèce, du Portugal et de la Hongrie : petits pays à l’échelle mondiale, moyens pays à l’échelle européenne. Surtout, après la baisse enregistrée en 2013, la population en République tchèque a de nouveau augmenté en 2014 avec près de 26 000 résidents supplémentaires. Une évolution que la République tchèque doit à un excédent naturel presque étonnant à en croire les sociologues, mais surtout à un solde migratoire positif, et ce même si le nombre d’étrangers vivant dans le pays reste très faible.

Photo: Štěpánka Budková
26 000 de plus ou de moins d’une année à une autre à l’échelle pour une population stabilisée à quelque 10,5 millions d’habitants depuis quelque temps déjà, qu’est-ce que cela représente ? Pas grand-chose a priori, mais quelques tendances quand même. La première tout d’abord : tandis que la majorité des études démographiques et sociologiques prévoient un déclin pour les deux à trois décennies à venir, il s’agit de la croissance du nombre de résidents la plus importante enregistrée en République tchèque depuis 2010.

S’il y a eu plus de naissances (près de 110 000) que de décès (105 700), la population a augmenté essentiellement grâce aux immigrés. 41 600 ressortissants étrangers, ukrainiens, slovaques et russes pour l’essentiel, se sont ainsi installés en République tchèque, soit le total le plus élevé de ces six dernières années. Seules 20 000 personnes environ, en majorité des Tchèques et des Vietnamiens, ont fait le chemin inverse et quitté le pays. Autant de chiffres auxquels observateurs et analystes ne s’attendaient pas tout à fait, comme le reconnaît Tomáš Fiala, du département de démographie de l’Ecole supérieure d’économie de Prague :

Tomáš Fiala,  photo: Archives de l'Ecole supérieure d’économie
« Nous avons d’abord été surpris par la hausse du nombre de naissances et la baisse de celui des décès. Pour ce qui est de la migration, ce sont là des chiffres plus conformes aux prévisions. Malheureusement, il ne s’agira pas d’une tendance sur le long terme. Tous les pronostics prévoient une baisse de la natalité. Il y a eu relativement peu de naissances dans notre pays dans les années 1980 et 1990, notamment par rapport à la forte génération des années 1970, et il y aura donc logiquement moins de femmes en âge de procréer dans un proche avenir, ce qui ne permettra pas à la population de se renouveler. Il y aura moins de naissances que de décès et ce déclin démographique devra être compensé par la migration. Mais même ainsi on peutdans l’ensemble s’attendre à une baisse de la population de la République tchèque. »

Avec un total de décès en 2014 le plus faible de ces six dernières années, l’âge moyen des Tchèques augmente. Il s’élève désormais à 41,7 ans et la part des personnes âgées de 65 ans et plus représente près de 18% de l’ensemble de la population. L’espérance de vie s’établit désormais à 75,2 ans pour les hommes et à 81,1 ans pour les femmes. La République tchèque est donc un pays dont la population, comme celles d’autres pays en Europe, vieillit lentement mais sûrement.

Plus étonnant est donc le fait que les femmes tchèques aient mis au monde en 2014 le plus grand nombre d’enfants de ces quatre dernières années. Il n’y a certes pas encore matière à sauter au plafond avec un indice de fécondité (1,53) toujours assez nettement inférieur au seuil de renouvellement des générations, mais c’est quand même 3 100 nouveau-nés de plus qu’en 2013. Un constat pour lequel la sociologue Jiřina Šiklová avance l’explication suivante :

Jiřina Šiklová,  photo: Jana Šustová
« Notre société, même si nous nous plaignons constamment, est une société riche et possède certaines perspectives d’avenir. Or, les gens font des enfants lorsqu’ils sentent qu’il existe un certain espoir dans la société dans laquelle ils vivent. »

En République tchèque, les familles comptant plus de deux enfants n’en restent pas moins relativement rares. Une réalité qui n’est pas nouvelle et pour laquelle les causes sont multiples et, pour l’essentiel d’entre elles, pas propres uniquement à la République tchèque. Plutôt pessimiste sur la question, Tomáš Fiala n’attend aucune évolution notable dans le futur :

« C’est la tendance qui se dessine jusqu’à présent, même si, en France par exemple, la fécondité est de deux enfants par femme. Mais les chiffres dépendent aussi de la politique de population que mène un pays, et si cette politique favorise la natalité. On envisage par exemple l'instauration de certains avantages dans le système de retraite dont pourraient disposer les parents. Il faut prendre en considération aussi l’atmosphère qui règne dans la société. Si les gens ont confiance en l’avenir, ils font plus d'enfants, et moins inversement s’ils redoutent l’évolution économique et politique. Il y a vraiment de nombreux facteurs qui peuvent influencer et entrer en ligne de compte. »

Les statistiques de 2014 sont donc quelque peu trompeuses : malgré la légère augmentation enregistrée l’année dernière, la République tchèque à moins peut-être de revoir sa politique migratoire, reste un pays dont la population tend déjà à vieillir et bientôt aussi à diminuer.