La République tchèque, « un petit pays où tous les journalistes se connaissent »

Renata Kalenska et Jindrich Sidlo, photo: CTK

Ce mardi ont été décernés à Prague, les prestigieux Prix journalistiques qui portent le nom de Ferdinand Peroutka. Ce même Ferdinand Peroutka qui a fondé, sous la Première république tchécoslovaque, le journal des intellectuels tchèques Pritomnost, et qui fut le premier rédacteur en chef de la section tchèque de Radio Europe Libre, lors de son exil new-yorkais.

Jiri Kovtun,  photo: CTK
Depuis douze années donc, l'Association Ferdinand Peroutka, dont Slavka Peroutkova, son épouse, est la présidente d'honneur, récompense ceux et celles qui se sont fait remarquer dans la profession. Et plus encore, si cette quarantaine de reporters de guerre, éditorialistes et chroniqueurs, journalistes culturels et d'investigation a été retenue par le jury, c'est parce que, tout comme chez Peroutka, leur travail journalistique ne se limite seulement pas à un simple travail. Il suppose un engagement personnel, accompagné d'une force morale.

Cette année, le Prix Ferdinand Peroutka a été attribué au journaliste, philosophe, historien, poète et traducteur Jiri Kovtun, 80 ans. Exilé depuis 1948, il a collaboré notamment à Radio Europe Libre, à La Voix de l'Amérique et à la revue Svedectvi (Témoignage), fondée par Pavel Tigrid.

Les deux autres lauréats du Prix Ferdinand Peroutka 2006 représentent la nouvelle génération de journalistes. A 35 ans, le chef des reporters du journal économique Hospodarske noviny, Jindrich Sidlo, a déjà travaillé pour tous les grands quotidiens du pays, et effectué des stages au journal londonien The Times. On l'écoute :

Renata Kalenska et Jindrich Sidlo,  photo: CTK
« Je pense que l'univers journalistique tchèque est trop jeune. Le fait que ce Prix ait été attribué à moi-même et à ma collègue Renata Kalenska en est la preuve. Ce qui manque à ce pays, ce sont des journalistes de qualité d'âge moyen - que cela nous plaise ou non, cette génération-là s'est plus ou moins compromise avec l'idéologie communiste. Il n'est pas tout à fait normal que les journalistes de mon âge reçoivent de tels prix. Quand j'étais à Londres, le plus jeune membre de la rédaction politique de Times avait 37 ans. En République tchèque, c'est à peu près l'âge d'un rédacteur en chef. Je crois que d'ici dix ans, les médias tchèques pourraient sérieusement évoluer - lorsque ces chefs auront 50 ans et quelque 20 ans de carrière professionnelle à leur actif, on aura rattrapé pas mal de choses. »

Un autre trait caractéristique des médias tchèques, c'est, d'après Jindich Sidlo, un manque d'esprit critique, de véritable débat sur la qualité et les défis des médias nationaux qui serait menée justement dans les pages des journaux, dans les émissions télé et radio. « Nous sommes un petit pays où tous les journalistes se connaissent et sont trop gentils les uns envers les autres, » constate le lauréat du Prix Ferdinand Peroutka. La « tabloïdisation » des médias tchèques, dont se plaint une partie de l'opinion publique, est-elle aussi un problème récurrent, à ses yeux ? Jindrich Sidlo :

« Je n'aime pas trop ce mot de 'tabloïdisation'. La presse est plus que jamais confrontée à la concurrence. La pression exercée sur elle par la télévision et l'Internet, par leur information en continu, est énorme. Même les journaux comme The Times ou The Daily Telegraph sont touchés par cette évolution. En plus, le marché tchèque est tellement petit... Notre journal a ce privilège non mérité de réaliser la majorité de ses ventes par abonnement. Donc il est vrai que nous, nous ne sommes pas tellement poussés à vendre le plus d'exemplaires possible sur des points de vente. Après, il faut voir quelles sont les perspectives de survie de la presse écrite en tant que telle. Personnellement, je ne lui donne pas beaucoup de chances...»

Les propos de Jindrich Sidlo, journaliste au quotidien Hospodarske noviny, connu notamment pour ses reportages sur le racisme, les droits de l'Homme et l'intolérance. Rendez-vous, très prochainement sur Radio Prague, avec Renata Kalenska, journaliste de Lidove noviny et lauréate, elle aussi, du Prix Ferdinand Peroutka.