La restitution du château d'Opocno

Les restitutions des biens confisqués par les nazis ou par le régime communiste dans l'ex-Tchécoslovaquie demeurent au centre de l'attention du public tchèque et remplissent les pages de la presse tchèque. Il y a peu, le Tribunal régional de Hradec Kralove a décidé de restituer le château Renaissance d'Opocno, en Bohême de l'est, à Cristine Colloredo-Mansfeld, héritière de la famille qui avait en sa possession ce château. Voici donc l'histoire non seulement du procès de restitution qui a duré neuf ans, mais aussi celles de la famille Colloredo-Mansfeld et du château d'Opocno.

Rappelons tout d'abord qu'il y a un an, l'Etat a restitué à Cristine Colloredo-Mansfeld presque 3000 ha de forêts et de terres agricoles sur la totalité des 4600 ha qu'elle demandait, dans les monts Orlicke, 10 maisons à Opocno et 5 maisons dans la région de Rychnov nad Kneznou. La famille Colloredo-Mansfeld figure ainsi parmi les familles nobles les plus riches en Tchéquie. Elle possède aussi le château de Dobris, non loin de Prague, et des milliers de hectares de forêts près de Zbiroh.

Mme Colloredo-Mansfeld, 62 ans, a pu obtenir ses biens grâce à un amendement de la loi sur les restitutions datant de l'an 2000, amendement qui permet, entre autres, la restitution des biens confisqués par les nazis. Depuis, les descendants de la famille, Cristina et Jerôme, ont réclamé le château d'Opocno, une partie de la collection familiale d'oeuvres d'art, dont ils ont déjà 68 peintures, et la grande partie du mobilier comprenant environ 10 000 objets. De nos jours, le château, tout comme la collection, est géré par l'Institut national de protection des monuments historiques qui, suspectant le comportement de la famille pendant la guerre, s'est opposé dès le début à cette restitution.

Finalement, Mme Mansfeld a gagné le procès car le tribunal n'a pas réussi à prouver la version d'après laquelle son père avait collaboré avec les nazis et avait perdu la nationalité tchèque. Qui sont en effet les membres de la famille Colloredo-Mansfeld? Le père de Cristina, Josef Colloredo-Mansfeld, s'est vu confisquer le domaine d'Opocno par les nazis en 1942 à cause de son attitude négative à l'égard du Reich. Après la Seconde Guerre mondiale, le château est passé entre les mains de l'Etat.

Colloredo-Mansfeld ne pouvait pas en effet en obtenir la restitution, car pour les autorités tchèques il était Allemand et, en tant que tel, un individu peu sûr. Sa fille, héritière du domaine, a quitté la Tchécoslovaquie d'après-guerre à l'âge de sept ans pour s'installer au Canada. Puis elle a vécu en Autriche et en Grèce. « Mon père et moi, nous n'avions jamais envisagé de récupérer le domaine d'Opocno », dit Mme Colloredo-Mansfeld, et de poursuivre : « Pendant le régime communiste, mon père ne voulait jamais mettre les pieds sur la terre tchécoslovaque. Je sens aujourd'hui que j'ai une dette de reconnaissance à l'égard de mes ancêtres et c'est pourquoi je veux récupérer le château, ainsi qu'une partie des collections. » A part le château, Cristina Colloredo-Mansfeld a restitué aussi le parc anglais qui l'entoure, le belvédère et la maison forestière. Elle voudrait que le château demeure accessible au public et qu'il soit davantage animé par des manifestations culturelles, des expositions, des concerts, etc.


Le château Renaissance d'Opocno est l'un des châteaux les plus visités dans la région de Hradec Kralove. Il se trouve sur l'emplacement du château fort gothique dont seul un bastion cylindrique, appelé oubliettes, a été conservé jusqu'à nos jours. En 1495, le domaine d'Opocno a été acheté par la famille noble Trcek, dont Mikulas Trcka de Lipa occupait un poste important dans la cour de Georges de Podebrady. Nous devons à cette famille une reconstruction d'envergure du château grâce à laquelle il a reçu le plan rectangulaire entourant la cour intérieure. La galerie en arcades, décorée de colonnes toscanes, crée une communication entre tous les espaces du château. La façade revêt une très riche décoration sgraffite. Autour de l'an 1602, on a ajouté à l'ensemble un jeu de paume et un belvédère, dont un étage lié à l'église et au château par un couloir. Adam Erdman a été le dernier propriétaire du château de la famille Trcka. Avec son beau frère, Albrecht de Wallenstein, il a été assassiné à Cheb le 25 février 1634. Une partie des biens confisqués des deux aristocrates est passée entre les mains des organisateurs du meurtre, Rudolf Colloredo et son frère Jérôme. Après un grand incendie vers la fin du XVIIe siècle, ces derniers ont fait reconstruire le château dans le style baroque. Ils ont confié les travaux à l'architecte italien Alliprandi. Depuis, le château a une façade de couleur rouge.


Le château abrite la galerie de peintures fondée par François Gundakar Colloredo-Mansfeld à Döbling près de Vienne. En 1808, la collection, qui comptait presque 500 oeuvres d'art, a été transportée à Prague, avant d'être installée au château d'Opocno en 1895. Parmi ses chefs-d'oeuvre les plus anciens, il y a le tableau peint sur bois « Zerotin » de 1575, réalisé à la mémoire de la mort du fils de Jan Jetrich de Zerotin. Parmi les auteurs représentés dans la collection, il y a Pietro della Vecchia, Antonio Zanchi, Francesco Trevisani, des disciples de Rafael... La bibliothèque du château, dont la première mention date de 1635, est également digne d'attention. Elle compte environ 12 000 livres, dont le plus ancien est la chronique du monde Liber cronicarum, publiée par Hartman Schedel en 1493 à Nuremberg et que l'empereur Rodolphe II a offert au comte Rodolphe Colloredo. La bibliothèque abrite notamment une littérature spécialisée juridique (Codex Justinien de 1542), géographique, religieuse, philosophique, etc.

Passons maintenant dans la salle où se trouve la collection très précieuse d'armes, abritant plus de 10 000 armes allant de la période antique jusqu'au XIXe siècle. Il y a aussi des armes africaines ou indiennes dont la collection, après la disparition de celle du roi d'Espagne pendant la guerre civile, est devenue une collection unique au monde.


Avant de terminer notre visite du château d'Opocno, je vous propose encore de faire une petite promenade dans le parc anglais situé dans la vallée du ruisseau d'or (Zlaty potok). Dans le parc, vous trouvez non seulement des plantes ligneuses précieuses et un système de lacs avec des ponts et des chutes d'eau artificielles, mais aussi un pavillon chinois ou une grotte artificielle pour pèlerins. Le parc a été fondé dans les années 1806-1820 par Rodolphe Joseph Colloredo-Mansfeld.

Auteur: Astrid Hofmanová
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