La sécurité, une question qui concerne l’ensemble de la société, selon le gouvernement tchèque
Le gouvernement tchèque a récemment approuvé la première stratégie de sécurité nationale du pays depuis 2015. Sans surprise, elle est largement influencée par la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Radio Prague Int. s’est entretenu avec Petr Tůma, professeur invité à l’Atlantic Council à Washington et auteur d’un nouvel article sur le sujet sur le site de l’organisation.
« Il s’agit d’un point de départ et d’une orientation contraignante pour tout ce qui est relatif à la sécurité dans le secteur public, des ministères aux municipalités. Le deuxième objectif est de faire de cette stratégie un outil de stratégie de communication (stratcom) : l’idée étant de communiquer à la population les principaux messages liés à la sécurité, car celle-ci ne concerne pas seulement les institutions gouvernementales, mais aussi la population, les civils. Enfin, cette stratégie est censée être un outil de ce type vis-à-vis de la population tchèque, mais également vis-à-vis des alliés et des adversaires de la République tchèque. »
Pourquoi le gouvernement tchèque prépare-t-il ainsi l’opinion publique à une forme d’insécurité dans le pays ? Est-ce aussi une façon de préparer le terrain pour des décisions difficiles à prendre à l’avenir ?
« Comme je l’ai déjà mentionné, la sécurité n’est plus envisagée comme l’affaire de quelques organes administratifs tels que le ministère de la Défense, le ministère de l’Intérieur ou le ministère des Affaires étrangères. Elle est désormais vue comme une question qui concerne l’ensemble de la société. A partir du moment où l’on veut se préparer à de nouvelles stratégies de sécurité, ceux qui sont directement concernés doivent être préparés. Il est intéressant de noter que la stratégie indique que les citoyens ne sont pas seulement des consommateurs de sécurité, mais aussi des créateurs. C’est pourquoi nous devons nous réveiller de notre somnambulisme sécuritaire ou géopolitique, et nous préparer à relever de nouveaux défis. »
La stratégie de sécurité nationale est bien plus explicite à l’égard de la Russie et de la Chine que ne l’était la précédente, il y a presque dix ans. Que dit-elle concrètement sur ces deux pays ?
« La Russie y est désignée comme ‘la plus grande menace directe, immédiate et durable, pour la sécurité de l’Europe et l’ordre international fondé sur des règles’. C’est une nouveauté. La précédente stratégie de sécurité nationale datant de 2015 est devenue obsolète avec l’agression russe contre l’Ukraine. C’est quelque chose que l’on trouve déjà dans différents documents stratégiques à travers l’Europe, mais là où nous allons un peu plus loin, c’est en affirmant qu’il en sera toujours ainsi : la Russie restera une menace, à moins qu’elle ne subisse une transformation radicale et profonde. »
Qu’en est-il de la Chine ?
« La Chine y est décrite comme un pays qui représente un ‘défi systémique fondamental à l’échelle mondiale et qui tente de modifier l’ordre international existant’. Ce passage est probablement un peu plus souple que ce à quoi s’attendaient certains membres de la communauté de la sécurité en Tchéquie ; il est plus proche des éléments de langage utilisés par les alliés de l’UE et de l’OTAN. »
Vous écrivez également dans votre article que l’objectif de cette conception est de promouvoir l’idée d’unité stratégique et non d’autonomie stratégique. Qu’entendez-vous par là ?
« En Europe, nous sommes conscients du fait que nous devons nous renforcer sur le plan géopolitique, que l’Europe doit devenir plus forte et capable de se défendre, le cas échant, contre les menaces provenant de notre voisinage. La question est alors de savoir comment procéder. La stratégie de sécurité nationale tchèque souligne l’importance de notre appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN, ainsi que la complémentarité de ces organismes pour notre sécurité. Toute la question est de savoir comment les équilibrer, comment les faire fonctionner ensemble. Certains pays européens militent en faveur d’une Europe plus autonome, ce qui pourrait impliquer une moindre dépendance à l’égard des États-Unis. Pour nous, en Tchéquie, et je pense que c’est la même chose pour nos partenaires d’Europe centrale et orientale, l’impression qui domine est que nous ne sommes pas au bout de nos peines et que les Américains restent au cœur de notre sécurité. Nous préférons donc ne pas parler d’autonomie stratégique. Nous préférons parler d’unité stratégique : unité au sein de l’UE et unité de part et d’autre de l’Atlantique. »