La situation de la minorité rom en Tchéquie vue par des étudiants français

Photo illustrative: Gabriela Hauptvogelová, ČRo

La République tchèque est-elle bien intégrée à l’Union européenne ? Et quels sont les freins à sa meilleure intégration ? Telles sont les deux grandes questions que se pose un groupe d’élèves de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon. Membres de l’association Cultures et identités européennes (CUID), quatre d’entre eux se trouvent actuellement en République tchèque, où ils tournent un film dans lequel il sera notamment question des problèmes liés à l’intégration de la minorité rom. De passage à Prague, Marine Bernasconi et Louise Jeancolas nous en ont dit plus sur leur projet

Les membres de l'association Cultures et identités européennes à Prague,  photo: Kristýna Maková
MB : « Nous sommes tenus dans notre école et notre association de nous rendre dans les capitales européennes de la culture. Cette année, c’était donc Mons en Belgique ou Plzeň. Et comme on ne connaît pas très bien la République tchèque et que c’est une culture différente de la nôtre, nous avons choisi Plzeň. A partir de là, nous devons faire un documentaire, et donc développer une problématique autour de la République tchèque. C’est ainsi que nous avons choisi de travailler sur les freins à l’intégration de la République tchèque dans l’Union européenne. Nous cherchons à savoir si elle se sent bien intégrée et quels sont les éléments qui peuvent coincer son intégration. Nous sommes donc partis sur la minorité rom et la politique sociale. Mais nous avons aussi deux autres parties d’abord sur l’histoire et la transition du communisme à l’UE, et une autre sur l’identité européenne que peut ressentir un Tchèque. »

-Où en êtes-vous dans l’avancement de votre projet ?

LJ : « Nous sommes actuellement en République tchèque pour dix jours, à la fois pour tourner toutes les images et commenter à mettre en place l’idée de notre documentaire. A notre retour en France, il sera temps de nous occuper du montage, la première projection étant prévue pour le 2 juin à notre école. Ensuite, différentes projections sont également prévues à Villeurbanne, la ville de notre école. Mais le film restera disponible pour tous ceux qui le souhaitent. Nous leur enverrons le lien. »

-Louise, vous vous intéressez plus particulièrement à la question de la minorité rom en République tchèque. Qu’avez-vous appris sur le sujet ?

Photo illustrative: Gabriela Hauptvogelová,  ČRo
LJ : « J’ai découvert énormément de choses. En France, ce que nous voyons des Roms, ce sont les ghettos et les bidonvilles à côté de chez nous. On n’en parle rarement et nous avons toujours plus ou moins les mêmes stéréotypes sur les Roms. Mais quand on s’intéresse au sujet, on se rend compte qu’il y a beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas aussi en République tchèque. Nous avons appris qu’il y avait un réel problème au niveau de l’éducation des enfants rom. Ils sont souvent scolarisés dans des écoles ‘spéciales’, ce qui ne leur permet pas ensuite d’accéder aux études supérieures. Nous constatons que l’intégration est vraiment très difficile. Ils recherchent une reconnaissance qu’ils ont du mal à trouver. Ils veulent partager leur culture et être reconnus par la majorité de la population tchèque en tant que personnes avec une culture et une identité qui peuvent être intéressantes et qu’il ne faut pas rejeter. C’est du moins le message que les Roms ont voulu nous faire passer. A travers notamment l’art et la musique, ils veulent être reconnus comme une culture à part entière et comme une minorité qu’il ne faut pas négliger. »

-S’agit-il, selon vous, d’un sujet difficile à traiter ? Quelles sont les réponses que vous avez obtenues ?

LJ : « Oui, c’est difficile parce que nous partons avec nos stéréotypes et nos idées. Or, il faut essayer de s’élever et de comprendre. C’est un sujet difficile parce que l’on parle de discrimination, de personnes qui sont exclues socialement, et il y a donc certaines choses qui ne se disent pas. Certaines personnes préfèrent ne pas répondre à nos questions de peur que leurs propos soient mal interprétés. »

-Avez-vous sollicité également les institutions européennes et certaines ONG internationales qui critiquent la République tchèque régulièrement pour sa politique d’intégration des Roms qui n’est pas une franche réussite ?

LJ : « Oui, nous nous sommes adressés à Amnesty International en France comme en République tchèque. Eux ont des rapports réguliers sur la situation des Roms et leur éducation. Nous avons rencontré un des responsables d’Amnesty International en République tchèque qui nous a expliqué qu’ils s’efforçaient de rencontrer des politiques et de faire des enquêtes pour pouvoir appuyer leurs arguments. Une de ces enquêtes devrait d’ailleurs bientôt sortir. »

MB : « Nous avons également rencontré une députée européenne, mais elle va plus dans le sens des solutions que des critiques. Elle a travaillé sur le projet de l’éducation des Roms, et elle dit que c’est compliqué, car il faut beaucoup de fonds pour améliorer les conditions, avoir des instituteurs qualifiés, etc. Ce n’est pas facile non plus de faire venir les enfants rom dans les écoles. Ils ont toujours peur du regard des autres et cela ne fait pas partie de leur culture de mettre leurs enfants à l’école. Il y donc plusieurs difficultés de ce type, mais il y a des objectifs qui ont été fixés par la Cour européenne des droits de l’homme et la République tchèque essaie de s’y tenir… Mais ce n’est pas évident, et c’est long comme toute réforme. »