La StB

0:00
/
0:00

En août 2007, un ancien informateur de la police secrète tchécoslovaque se portait candidat à la présidence du FMI, le Fonds Monétaire International. Mais Josef Tošovský, car il s’agit de lui, avait également été premier ministre en 1998 ! Une exposition médiatique qui a ramené l’ombre de la StB, la Sécurité intérieure du régime communiste, sur le devant de la scène.

La StB pistera, jusque dans les années 80 les dissidents mais aussi les exilés, espionnés, mis sur écoute. Plus aventureux fut le plan émis en 1981 d’organiser un attentat contre les locaux de Radio Free Europe, à Munich. Cette radio constituait un moyen de propagande très efficace pour les Américains et on a déjà vu comment le régime tchécoslovaque, durant les années 60, avait été incapable d’enrayer le flot de rock qui « pervertissait » sa chère jeunesse !

Durant les années 50, la StB développe tout ce que le KGB soviétique lui a appris : torture, utilisation de drogues pour obtenir des confessions mais aussi kidnapping. Le plus célèbre sera l’enlèvement, en Autriche, de Bohumil Laušman, un dissident social-démocrate exilé et ramené en 1953 en Tchécoslovaquie. Il décédera en prison, en 1963, dans des circonstances bien troubles...

Et puis, il y a eu aussi le James Bond tchèque, Alfred Frenzel, qui avait infiltré l’Allemagne de l’Ouest pendant les années 50. Parmi ses trophées de chasse, une copie du budget de la défense ouest-allemande ainsi que les détails sur un prototype d’avion américain. Le département technique de la StB avait équipé Frenzel en parfait espion. Ce qui ne l’empêchera pas d’être arrêté par les services secrets ouest-allemands en 1960. Il sera ensuite échangé contre quatre agents de RFA emprisonnés à l’Est.

Durant les années 70 et 80, la police secrète tchécoslovaque recentre ses activités vers l’intérieur. En effet, un mouvement d’opposition est né. Les rédacteurs de la Charte 77 prennent pourtant soin de rester strictement légalistes, par souci d’efficacité. La remise en cause du Parti n’est pas le propos, il s’agit surtout de faire respecter les droits de l’homme. Or, lors de la Conférence d’Helsinki, l’URSS s’est engagé auprès des Occidentaux à respecter les droits de l’homme contre la reconnaissance de fait du bloc soviétique. Un marché de dupe pour les Occidentaux mais qui poussera les services de secret de l’Est à respecter certaines contraintes de forme...

Les organisateurs de la Charte 77 avaient pris soin de recueillir les 240 signatures sur de simples cartes et sans laisser de copies. Mais la StB les arrête avant qu’ils n’aient pu envoyer la Charte à l’Assemblée fédérale. Entre temps, les dissidents ont eu le temps de faire diffuser le texte à l’étranger et, échec majeur pour les services secrets, la Charte sera bientôt connue à l’intérieur depuis l’extérieur. La presse occidentale en parle dès janvier 1977, dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le Corriere della Sera, The Times ou encore Le Monde.

Pas étonnant qu’au même moment, les rapports de la police secrète parlent de la Charte comme d’une « attaque crue », élaborée par des « éléments hostiles qui l’ont emporté sur les autres éléments anti-socialistes de la société ». On retrouve là la phraséologie habituelle servant à construire un ennemi ! En avril, un rapport, émanant celui-là, du Praesidium du Parti, note plus finement qu’il ne faut pas poursuivre des éléments sur la base de la signature de la Charte mais sur d’autres bases. Respect des formes...

Et puis, il y a aussi des anecdotes qui ne relèvent pas du film d’espionnage mais plutôt de la comédie ! Václav Havel raconte, dans une biographie, comment il était suivi et guetté pendant les années 70, jusque dans son chalet de campagne. Havel est bien connu pour son manque de sens de l’orientation. Un jour, il s’était perdu en forêt. Hé bien ce sera l’un des hommes chargés de le pister qui le ramènera à la maison !

Après sa liquidation en 1990, que sont devenus les agents de l’ancienne StB ? Le parcours de l’un d’entre eux, Josef Tošovský, montre que la condamnation morale des activités de surveillance a peu été suivie d’effet. On a d’ailleurs reparlé récemment de Josef Tošovský, lors d’élection à la Présidence du FMI. Josef Tošovský est né à Náchod en 1950. Après des études à la VŠE (Institut Economique de Prague), il entame, à la Banque d'Etat tchécoslovaque, une brillante carrière qui l’amènera en 1988 à la tête de la Živnostenská banka. Mais ce brillant économiste a une carrière parallèle. Il officie en effet au sein de la StB, où il est chargé de la répression et de l'élimination des dissidents. Ses activités d’espions l’emmènent un peu partout en Europe occidentale durant les années 70 et 80.

Après la Révolution de Velours et la chute du régime, Tošovský devient gouverneur de la Banque nationale tchèque. Mais début 1998, il est nommé premier ministre, suite au scandale qui a provoqué la chute du gouvernement de Václav Klaus. L’ancien informateur de la police secrète restera au poste un an !

En fait, il faudra attendre février 2007 pour voir les journaux tchèques révéler le passé d’agent secret de Tošovský. Et en août, sa candidature est présentée à la présidence du Fonds monétaire international par la Vladimir Poutine. L’ancien agent du KGB soutient la candidature de l’ancien agent du StB. Un vrai retour de guerre froide, coupé court par les Européens, au premier rang desquels les autorités tchèques, qui se désolidarisent officiellement de l’initiative russe. Tošovský, quant à lui, coule des jours tranquilles en Suisse...