La StB, tout un savoir-faire
Ancien officier du renseignement militaire en Suisse, désormais journaliste freelance, François Meylan s’intéresse aux archives de la StB, le service de renseignement de l’ancienne Tchécoslovaquie communiste, dans le cadre d’un travail sur le nationalisme et le séparatisme catalans. Séjournant à Prague cette semaine, François Meylan nous explique plus en détail la nature de son intérêt pour ces archives déclassifiées il y a déjà quelques années.
François Meylan, si vous êtes aujourd’hui ici dans les studios de RPI, c’est d’abord suite à un message que vous nous aviez envoyé il y a quelques semaines, dans lequel vous nous informiez de votre volonté de venir à Prague pour consulter les archives ouvertes de la StB, littéralement la Sécurité d’Etat, qui était le service de renseignement ou la police politique de l’ancienne Tchécoslovaquie communiste. Pour rappel, la Tchéquie, après la révolution et la chute du régime communiste en 1989, a décidé d’ouvrir les archives de son service d’espionnage, rendant ainsi accessibles à tous ceux qui le souhaitent des centaines de milliers de documents longtemps gardés top secret. Pourriez-vous donc vous expliquer ce qui vous intéresse plus particulièrement dans ces archives déclassifiées ?
« En fait, je suis tombé sur une émission il y a quelques semaines en France, qui mettait en avant le livre d’un journaliste d’investigation français, Vincent Jauvert, que vous avez d’ailleurs vous-même interviewé, et il expliquait justement le côté insolite de ces archives de la StB, donc la sécurité de l’ancienne Tchécoslovaquie. L’ouverture de ces archives dès 2008 a constitué une première, puisque c’est le seul service au monde qui a ouvert ses archives sitôt. »
« Dans son livre, Vincent Jauvert s’est focalisé sur la France, et cela a été l’occasion de voir l’excellent travail effectué - que cela plaise ou pas - par la StB à l’époque, puisqu’elle a déjoué tous les contre-feux de la DST, donc la surveillance du territoire français, pour infiltrer le milieu de la presse, des chefs de service, des gens à l’Élysée... Un travail impressionnant, donc, et ceci bien sûr en coopération avec Moscou, puisque, à l'époque, la StB était la petite sœur ou la courroie de transmission du tout puissant KGB. »
« Ce livre montre non seulement les gens qui ont été approchés, et ceux qui se sont rendus disponibles ou se sont laissés convaincre, mais ce qui a retenu plus encore mon attention, c’est l’efficacité des agents de la StB, qui étaient réputés pour la finesse de leur travail, leur intelligence, leur grande culture, alors que ceux du KGB étaient, disons, un peu plus brutaux, ou moins fins. Peut-être aussi que l’on se méfiait moins à l’époque des Tchécoslovaques que des Soviétiques. »
« C’est donc ce qui m’a amené à m’intéresser à ces archives, parce que si la StB a quadrillé et investigué en France de cette manière, on peut imaginer qu’elle a fait la même chose dans d’autres pays de l’Europe occidentale, parmi lesquels l’Espagne, donc, pour laquelle j’ai donc un focus particulier, puisque j’ai fondé il y a plus de six ans une association avec laquelle nous avons investigué sur le séparatisme en Espagne. »
On arrive là au cœur de vos recherches, ou du moins d’une partie de vos recherches, puisque si vous vous intéressez aux archives de la StB, c'est justement parce que vous vous intéressez aussi à l’histoire de l'Espagne, et plus particulièrement de la Catalogne. Néanmoins, le lien avec la StB tchécoslovaque ne semble pas évident, donc pourquoi être ici à Prague, et quel type d’informations cherchez-vous dans ces archives pour pouvoir avancer dans votre travail sur la Catalogne et l’Espagne ?
« Après m’être entretenu durant plus de six ans avec nombre de journalistes, de politiques et d’historiens en Espagne mais aussi en Europe, puisque beaucoup de choses sont organisées depuis Bruxelles et Genève, j’ai découvert là, ou plutôt je soupçonne là, une piste intéressante. Un service de renseignement, c’est comme la presse, en fait. Les agenst sont comme les journalistes. Ils doivent chercher la vérité, sauf qu’ils le font beaucoup mieux que les journalistes parce qu’ils le font sans émotion, de manière extrêmement professionnelle, sans parti-pris. Vu la discrétion des agents ou de ses intervenants, il n’y a pas cette volonté de sortir un livre, de faire un plateau de télévision ou de devenir star à la place de la star, ce qui arrive trop souvent avec les journalistes. Et puis, on ne peut pas les orienter aussi facilement. Donc, eux cherchent la vérité froide, la vérité nue. »
« La StB est donc une clé de lecture, en quelque sorte. L’ex-STB, puisqu’elle n’existe plus aujourd’hui, elle a été remplacée par le BIS, mais elle offre une clé de lecture dont on ne soupçonne encore pas les portées. Donc, j’ai fait une demande de renseignements auprès du service des archives et ils vont procéder aux recherches. Ensuite, ils m’informeront s'ils ont trouvé quelque chose de concomitant et m’expliqueront comment exploiter ces informations à distance. »
Vous avez donc déjà formulé une demande auprès des archives de la StB. Concrètement, de quoi s’agit-il ?
Suite de l’entretien à écouter.