La Tchéquie a (enfin) un gouvernement avec la confiance
La République tchèque dispose enfin d’un gouvernement avec la confiance, près de neuf mois après les législatives, une durée record dans l’histoire du jeune pays. Après 16 heures de discussions très agitées mercredi, 105 députés se sont prononcés pour la confiance à la coalition gouvernementale formée par le mouvement ANO et la social-démocratie, et soutenue par les communistes. 91 ont voté contre.
« Je suis heureux qu’après une longue période, la République tchèque dispose finalement d’un gouvernement. Il ne dépend maintenant que de nous que nous commencions à travailler à la réalisation de nos promesses vis-à-vis de nos électeurs. Le débat aujourd’hui a été dur, mais ce n’était rien de nouveau. C’est toujours comme ça pour la confiance à un gouvernement. »
Cela a quand même été particulièrement long. Entamées peu après 9h du matin par un discours du chef de l’Etat Miloš Zeman, appelant à voter pour une coalition dont il a activement contribué à la formation, les discussions se sont poursuivies toutes la journée. Les représentants des partis d’opposition, les chrétiens-démocrates, le parti ODS, le parti SPD, les Pirates, TOP 09, se sont succédés à la tribune pour exprimer leur désaccord avec ce nouveau cabinet, auquel ils reprochent surtout d’être soutenu par les communistes. Petr Gazdík, le leader du mouvement STAN, a résumé leurs arguments :
« C’est un gouvernement soutenu par les communistes pour la première fois depuis la révolution. C’est un gouvernement qui a été fondé par des intrigants. Jusqu’à aujourd’hui, l’identité de deux ministres est incertaine. On ne sait pas comment cela va évoluer. Et c’est un gouvernement dont a largement parlé Miloš Zeman ce qui a permis au Premier ministre de rendre possible que la République tchèque s’approche d’un système semi-présidentiel, ce qui est en contradiction avec notre constitution. »Quelques centaines de manifestants, accompagnés de représentants de partis d’opposition de droite, étaient dans la rue pour dénoncer ce gouvernement disposant du soutien des communistes et d’un Premier ministre, Andrej Babiš, poursuivi dans une affaire de détournement présumé de fonds européens et accusé d’avoir été un agent de la police secrète communiste StB.
En fin d’après-midi, les débats entre parlementaires, visiblement trop longs pour certains, ont viré aux invectives personnelles entre Miroslav Kalousek, chef du groupe TOP 09, et M. Babiš, le nouvel épisode d’une animosité déjà ancienne. Le premier a accusé le second de ne pas être « un homme »…« Monsieur le Premier ministre, vous faites tout ce qu’un homme ne fait pas. Vous craignez les gens qui ont une opinion différente, vous pleurnichez, vous gémissez, vous jurez sur la santé de vos enfants, vous trompez et vous geignez. La République tchèque mérite un chef de gouvernement qui porte avec lui le nom d’homme. C’est ce que vous n’êtes pas. Et c’est aussi une des raisons pour laquelle il est impossible de vous accorder la confiance. »
La réponse d’Andrej Babiš a été cinglante et violente, interrompue plusieurs fois par le président de la séance pour le rappeler à l’ordre. Pour le chef du mouvement ANO, Miroslav Kalousek, qu’il a une nouvelle fois attaqué sur sa relation supposée à la bouteille, est le « symbole de la corruption » :
« J’ai été voir les manifestants. Je ne sais pas combien Kalousek, complètement bourré, a de grammes dans le sang… Il est à nouveau torché, comme d’habitude. Voleur des voleurs ! Tu ne m’insulteras pas ! Tu ne parleras pas de mes enfants !... J’ai donc été dehors, au milieu des manifestants, et je voulais parler avec eux et je voulais leur montrer quelque chose que tout le monde doit voir : un article datant de jeudi 24 août 2006, à 15h43. Le titre : Kalousek est en faveur d’un gouvernement avec les sociaux-démocrates soutenu par les communistes ! »Des échanges qui peuvent donner une image particulière du niveau du débat politique en Tchéquie. Il n’en est pas moins vrai que ce n’est pas la première fois qu’il est question que le parti communiste, présent depuis longtemps dans de nombreuses coalitions au niveau local, soutienne un gouvernement.
Celui d’Andrej Babiš part en tout cas avec plusieurs épines dans le pied. Outre celles déjà évoquées, il y a la question de l’identité du ministre des Affaires étrangères, poste provisoirement occupé par Jan Hamáček, alors que le chef de l’Etat a refusé la nomination du candidat social-démocrate Miroslav Poche. Sans compter que la veille du vote de confiance, la ministre de la Justice Taťána Malá, mise en cause dans une affaire de plagiat, avait été contrainte de démissionner. La nouvelle coalition au pouvoir débute clairement sur les chapeaux de roues.