Presse : la Tchéquie et les défis liés à l’avenir de l’Europe - La fin de la période postcommuniste ? - Le vote d’une motion de censure
L’avenir de l’Europe et les défis auxquels la Tchéquie est confrontée en tant que pays de l’Europe centrale. Tel est le premier sujet traité dans cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée. Un regard ensuite sur les mentalités héritées du communisme et la chance de sortir définitivement de l’époque post-communiste. La volonté des partis d’opposition d’organiser à quelque quatre mois des prochaines élections législatives le vote d’une motion de censure.
Dans aucun autre pays membre de l’Union européenne, la Conférence sur l’avenir de l’Europe n’a suscité aussi peu d’intérêt qu’en Tchéquie. C’est ce que constate un commentaire intitulé « L’avenir de la Tchéquie est incertaine, tant qu’elle n’aura pas éclairci son appartenance au groupe de Visegrad », qui a été publié sur le site aktualne.cz. Son auteur a précisé à ce propos :
« Cette indifférence répond à la traditionnelle apathie tchèque vis-à-vis de ce qui se passe à Bruxelles. La position de la Tchéquie est alors difficile, car après des années de désintérêt pour la politique communautaire, elle peine à s’intégrer dans les débats et à défendre les intérêts nationaux. D’un autre côté, la situation est simple : pour imposer quelque chose, il faut former une coalition d’Etats qui pensent pareillement. Mais l’appartenance au groupe de Visegrad, composé de quatre pays centre-européens, ne semble pas être ce qui convient le mieux à la Tchéquie. »
Le commentateur du site aktualne.cz fait dans ce contexte part de l’ambition du Premier ministre hongrois Viktor Orbán d’aboutir à « une grande renaissance de l’Europe centrale » qui permettrait d’amoindrir efficacement l’influence de l’Allemagne et de la France. « Une telle perspective de l’Europe centrale n’est pas dans l’intérêt de la Tchéquie et de la Slovaquie », explique-t-il avant d’ajouter :
« Le chef du gouvernement hongrois profite de ce que, après ‘leur retour à l’Occident’, les pays de la région vivent une profonde crise de l’identité. Mais dans ce chaos identitaire, il y a une voie simple qui s’offre à la Tchéquie. Sans égard à l’orientation future de l’Europe, son principal but à atteindre doit être un raffermissement des liens avec la Slovaquie, ce qui permettrait de parler d’une seule voix à Bruxelles et en Europe centrale. Cette tâche s’annonce pourtant assez difficile car malgré les belles déclarations des politiciens, dans la vie réelle, les deux pays de l’ancienne fédération tchécoslovaque s’éloignent. Ils ne s’entendent pas sur une chose aussi essentielle comme la monnaie commune ou même sur les différents éléments de l’agenda bruxellois dont on ne citera que les émissions d’automobiles. »
Se débarrasser définitivement de la mentalité héritée du communisme
« Les élections législatives d’octobre offrent à la Tchéquie la chance de mettre définitivement un terme à l’ère du postcommunisme », titrait un texte de la plume d’un politologue reconnu qui a été publié dans une récente édition du quotidien Deník N et dans lequel on pouvait lire :
« Rares sont ceux qui auraient en 1989 cru que près de 32 ans après la chute du régime communiste, la société tchèque allait être encore confrontée à son héritage. En effet, les modèles de comportement, le langage et les stéréotypes mentaux auxquels la société s’est accoutumée durant les quatre décennies de la dictature communiste y ont laissé leur empreinte. Et ce en dépit de la création de mécanismes politiques démocratiques, l’établissement de l’économie de marché, l’instauration d’un Etat de droit et le renforcement de la société civique. Il est toutefois clair que le postcommunisme comme climat mental de la société ne constitue qu’un interlude menant vers une nouvelle étape. »
Le commentateur de Deník N, lui aussi, situe son observation dans le contexte de l’Europe centrale pour souligner qu’à la différence de la Pologne et de la Hongrie, la Tchéquie postcommuniste n’a jamais vraiment abandonné son intention initiale de devenir un pays politiquement et économiquement « occidental ». Et de conclure :
« Pour s’acquitter définitivement du postcommunisme, le gouvernement qui sortira vainqueur des prochaines élections législatives, sera appelé à moderniser l’Etat, tant sur le plan de la professionnalisation de l’administration d’Etat que dans le domaine de la numérisation. C’est effectivement un Etat non fonctionnel qui était un des traits marquants du postcommunisme tchèque. Si, en plus, sa politique arrive à s’intégrer mieux dans celle de l’Europe, la Tchéquie pourra éviter définitivement le danger d’un tournant vers le nationalisme populiste et anti-démocratique - ce en quoi le postcommunisme en Pologne et en Hongrie s’est transformé ».
A qui profitera le vote d’une motion de censure
Les deux coalitions de l’opposition formées par cinq partis différents entendent organiser en juin le vote d’une motion de censure contre l’actuelle coalition gouvernementale composée du mouvement ANO et du Parti social-démocrate. Les députés du parti d’extrême-droite SPD comptent se joindre au vote contre le gouvernement. Le regard des commentateurs sur cette démarche envisagée n’est pas univoque. Le quotidien économique Hospodářské noviny remarque, par exemple, que « tout en souhaitant mobiliser les électeurs, l’opposition risque de renforcer le mouvement ANO et la nouvelle concurrence ». Il explique :
« Pour certains, il s’agit d’une démarche tactique permettant d’attirer l’attention sur les fautes que le gouvernement a commises et sur le conflit d’intérêts d’Andrej Babiš. Mais le problème, c’est qu’au moment où la Tchéquie est préoccupée par le retentissement international de l’affaire de Vrbětice concernant l’explosion d’un dépôt de munition en 2014 organisée par des agents russes, l’adoption d’une motion de censure affaiblira la position du pays. D’un autre côté, elle renforcera la position du président de la République et aussi, paradoxalement, celle de Babiš, car son électorat composé notamment de personnes d’un certain âge appréhende les incertitudes ».
« A quelques mois des élections législatives, le vote d’une motion de censure ne fera marquera pas une position de principe, mais constituera un spectacle pour les électeurs ». C’est ce qu’a noté à ce sujet un commentateur du journal Deník, qui estime également que ce sont le Premier ministre Babiš, le président Miloš Zeman ou encore le populiste Tomio Okamura qui pourront en tirer profit. « Les leaders des partis d’opposition en tiennent-ils comptent ?, s’interroge-t-il.
« Le départ d’espions russes est plus important que le vote d’une motion de censure ». Tel est le titre d’un commentaire publié sur le site de l’hebdomadaire Respekt dans lequel on peut lire :
« L’opposition a le droit de prendre une telle décision, même si celle-ci dissimule des motivations préélectorales. Pourtant, il y a des moments où il faut prendre en compte des choses plus importantes, dont évidemment la sécurité du pays. En réaction à l’affaire de Vrbětice, le gouvernement a expulsé 18 agents russes, en attendant le départ d’ici la fin mai de 63 autres employés de l’ambassade russe, dont beaucoup font partie des services de renseignement russes. Or, la volonté de l’opposition de faire tomber le gouvernement va à contre-courant des intérêts sécuritaires du pays. Enlever au gouvernement la confiance avant que ces agents ne quittent le pays est risquée. En plus, cette démarche augmenterait énormément l’influence du président pro-russe Miloš Zeman. »
« Il est alors nécessaire d’observer si ce départ a effectivement lieu avant le début du mois de juin, la date prévue du vote d’une motion de censure », conclut le commentateur de Respekt.