Les nouvelles restrictions à la lumière de la presse
Alors que l’épidémie ne cesse de progresser, le gouvernement a décidé de nouvelles mesures. Ces restrictions ne manquent pas de rappeler les toutes premières imposées au printemps 2020. A l’image de la population, la presse tchèque s’interroge, et c’est donc à la lumière de celle-ci, mais aussi des données que nous vous proposons un éclairage sur les débats en cours.
Jetons d’abord un regard sur les chiffres. Où étions-nous en mars dernier, et où en sommes-nous désormais, 12 mois plus tard ?
Le 1er mars 2020, la République tchèque recensait ses trois premiers cas d’infection au coronavirus. Le 22 mars, le virus faisait sa première victime, à Prague : un homme de 95 ans.
Tout au long de la première vague, la République tchèque a fait figure de bon élève. Au 1er juin 2020, selon les données de l’université John Hopkins, le virus avait fait 323 victimes, environ 3 par tranche de 100 000 habitants. A titre de comparaison, en France ce taux était, à la même date de 44. La Belgique dépassait, elle, les 82 morts par centaine de millier d’habitants.
Mais ce qui frappe dès que l’on regarde les courbes, c’est le gouffre entre la situation du printemps 2020 et l’évolution actuelle. Pour prendre l’exemple des décès, au 1er septembre 2020 – soit six mois après les premiers cas - on dénombrait 425 morts du coronavirus en République tchèque. Un nouveau semestre plus tard, la situation est méconnaissable : il y a quelques jours, la République tchèque a franchi le seuil des 20 000 décès. Cela représente un total de 190 morts pour 100 000 habitants – le même taux que la Belgique aujourd’hui.
La tendance est pour l’heure également à la hausse en ce qui concerne les cas positifs, et rappelons que derrière ces chiffres, il y a également la tension du milieu hospitalier qui est « à bout de souffle », selon une récente enquête de la Radio tchèque.
Pour faire face aux variants du coronavirus, le gouvernement a imposé le port du Respirátor – masques de type FFP2 ou équivalents. Des spécialistes mettent toutefois en garde : cela ne sera pas un instrument miracle.
« Mon masque te protège, ton masque me protège. Avec le 'respirátor', c’est différent : il est censé avant tout protéger celui qui le porte » lance aujourd’hui le quotidien Deník N dans un dossier intitulé « Le respirátor, votre nouvel outil de protection quotidien ». C’est donc un changement majeur de doctrine sanitaire, mais dans les colonnes de ce même quotidien, on rappelle que le masque ne peut-être filtrant à son plein potentiel (au-delà de 94%) que s’il est porté correctement.
Autre problématique : le prix. Si les unités les plus bon-marchés se vendent aux alentours d’une quinzaine de couronnes, le tarif peut rapidement grimper à plusieurs dizaines de couronnes tchèques – plus d’un euro. Et ce, malgré l’exonération de TVA décidée début février.
Les Tchèques seront alors sans doute tentés de réutiliser les masques, en les désinfectant. Cependant, selon Kateřina Fabiánová de l'Institut national de la santé publique, « il est nécessaire de prendre en compte le fait que l'utilisation répétée de désinfectants à base d'alcool tue les bactéries et les virus, mais réduit l'efficacité des filtres respiratoires ». Dans un sujet, la Télévision tchèque rappelle également que le « respirátor » n’est utilisable que pour une durée de huit heures. Au-delà, l’efficacité du masque est considérablement amoindrie par la quantité d’humidité absorbée – y compris en le laissant sécher.
Si les mesures ressemblent beaucoup à celles de mars dernier, l’ambiance n’est pas la même. La lassitude s’est évidemment installée, mais n’est-ce pas aussi l’unité politique du pays qui a volé en éclat ?
La presse tchèque témoigne aujourd’hui de ces débats et des multiples facettes de cette crise : si le Deník N met la question des masques en Une, le journal économique Hospodářské noviny s’interroge lui sur le télétravail. En Une du quotidien Mladá fronta Dnes rien de tout cela : un policier contrôlant une attestation surplombe le titre d’un récit tragique : « Explosion du virus : il a tué la moitié des occupants d’une maison de retraite ». Dans un long podcast, un commentateur du site d’informations Seznam Zprávy se demande si les écoles pourront rouvrir, sachant que « le plan de test censé permettre la réouverture est inachevé ». Dans un autre article du site il est possible de lire qu’une école maternelle sur cinq avait signalé des cas en Bohême centrale et dans la région de Plzeň. « Dans la région de Hradec Králové - c'est même 44% des écoles maternelles », ajoute-t-il.
Autre sujet sensible : la fermeture des entreprises et industries. Au micro de la Radio tchèque, la ministre du Travail et des Affaires sociales, Jana Maláčová (ČSSD) a déclaré vouloir « des tests obligatoires dans toutes les entreprises » et, avant que cela ne soit possible, devoir « fermer temporairement ou réduire les opérations industrielles ».
Signe de l’absence de consensus, perceptible depuis l’automne et la recrudescence du nombre de cas, le biochimiste Jan Trnka s’est dit sceptique quant à l’effet des mesures, au micro de Radiožurnál : « Les mesures prises ne sont pas les plus importantes : il aurait fallu limiter les contacts sur le lieu de travail et dans l'industrie. Sans cela, la majorité des contacts ne sont pas concernés par les mesures, et nous n’agissons que sur un petit nombre de contacts – et ce, même si à première vue l’impact sur la vie des gens est majeur ».
L’espoir réside en grande partie désormais dans la campagne de vaccination. A ce jour, près de 240 000 personnes ont reçu les deux doses nécessaires, et 173 000 autres ont reçu la première. Les médecins tchèques vaccinent environ 19 000 personnes chaque jour. Après le personnel soignant, et les plus de 80 ans, place désormais aux enseignants – qui s’inscrivent depuis samedi. Nouveau public ciblé, les plus de 70 ans qui peuvent s’inscrire depuis ce matin : ils sont 100 000 à l’avoir fait, en quelques heures.