La Tchéquie – un pays où il fait bon vivre
Cette semaine, pratiquement tous les grands périodiques locaux ont évoqué dans leurs pages le 25ème anniversaire de la révolution de Velours, en rappelant des moments intéressants qui y sont liés, en interrogeant certains de ses protagonistes, en dressant des bilans ou en lançant à ce sujet des enquêtes. Dans un article consacré aux festivités qui se préparent à cette occasion aux Etats-Unis, son auteur explique pourquoi le grand compositeur tchèque Antonín Dvořák est très proche des Américains, tout comme l’est l’ex-président tchèque Václav Havel. Nous avons également retenu un texte qui défie les arguments de ceux qui prétendent que Havel n’aurait pas très réussi dans sa fonction présidentielle. Et un extrait, finalement, d’un article qui se présente comme une ode à la bureaucratie.
« Les gens ont une bonne raison de jubiler et de célébrer, car ce que nous avons maintenant est incomparablement meilleur à ce qu’il y avait dans le pays avant le 17 novembre 1989. »
Et deux de ses collègues, Ondřej Kundra et Jindřich Šídlo, de renchérir :
« Il est évident que la Tchéquie est un pays où il fait bon vivre, même si, parfois, au premier abord, on ne veut pas le croire et même si, ces derniers temps, nous faisons toujours cinq pas en arrière pour pouvoir en faire un en avant... La Tchéquie est un pays où il fait très bon vivre. Il faudrait seulement que son image ne soit pas altérée par ses deux présidents vieisillissants, actuel et ancien (Zeman et Klaus), liés aux années 1990 ».
Est-ce qu’ au cours des vingt-cinq dernières années, la Tchéquie, pays devenu membre de l’Union européenne et de l’OTAN et bénéficiant du programme Erasmus, a démontré être un Etat occidental, tant sur le plan culturel que politique ? A cette question, les réponses ne sont pas univoques. Tandis que pour les uns, tel n’est pas encore vraiment le cas, le chemin se présentant plus long que prévu, pour d’autres, la Tchéquie fait dans ce sens partie des meilleurs pays de l’Europe centrale. Robert Břečťan estime :
« D’un point de vue culturel et politique, nous sommes en effet un Etat occidental. Le problème, c’est que nous avons tendance à mettre cet état de choses, systématiquement, en doute. Nous adhérons à l’Union européenne, tout en nous interrogeant sur les conditions de départ de cette institution. Nous voulons acquérir des avantages, sans pourtant vouloir en subir les frais... Or, des indices clairs de notre appartenance à l’univers occidental sont absents ».
Dvořák et Havel – des liens peu communs
Antonín Dvořák et Václav Havel sont deux traditionnels « articles d’exportation tchèques », deux personnalités que l’Amérique est à même de comprendre. C’est ce que constate dans un article publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny Daniel Anýž en rapport avec la tenue à New York de la semaine intitulée « Fête de liberté, 25 ans de démocratie – Hommage à Václav Havel ». Elle débute ce dimanche, avec l’exécution de la célèbre symphonie Du Nouveau Monde de Dvořák. Une occasion pour l’auteur de l’article de réfléchir sur le lien qui attache le grand compositeur tchèque du XIXe siècle aux événements du 17 novembre 1989 et de noter :« Dvořák, aussi bien que Havel, évoque pour les Américains leurs propres idéaux. Les deux leur rappellent que l’on n’arrive que rarement à les accomplir, mais qu’il faut sans cesse s’efforcer d’y parvenir... Antonín Dvořák a été le premier à avoir su intégrer dans la musique classique des éléments de la musique affro-américaine. Le chant nostalgique Going Home que l’on joue en Amérique lors des funérailles militaires correspond au largo de sa symphonique Du Nouveau monde, pour lequel Dvořák s’était inspiré d’un negro spiritual... Pour les Américains, Dvořák reflète alors leur propre expérience. De même, Václav Havel incarne la confirmation des valeurs comme le courage personnel, la responsabilité et la liberté, ces mêmes valeurs à la base desquelles les Etats-Unis ont été bâties ».
Daniel Anýž remarque dans ce contexte que certains dénoncent en Tchéquie désormais ces notions comme pathétiques, voire obsolètes et que, dans le domaine de la politique étrangère, ils veulent privilégier le commerce aux libertés. Et de conclure:
« Le Premier ministre Bohuslav Sobotka qui sera présent à ces festivités tenues en Amérique, devrait prendre au sérieux les idéaux incarnés par Dvořák et Havel, afin de les ramener et de les mettre en pratique dans son propre pays. »
Havel – une mission présidentielle réussie
Dans un texte publié sur le site respekt.cz, Jan Macháček dresse un bref bilan de la fonction présidentielle de Václav Havel, décédé en décembre 2011. Une façon de défier les arguments de ceux qui prétendent que Havel aurait réussi en tant qu’artiste et dissident, mais moins en tant que président de la République. Tout en admettant que Havel aurait essuyé lors de son parcours présidentiel certains échecs – il n’aurait par exemple pas souhaité la partition de l’ancienne Tchécoslovaquie et il avait des réserves à l’égard de la privatisation telle qu’elle a été finalement réalisée – Macháček constate que la période présidentielle de Havel a été tout aussi réussie que ses pièces de théâtre. Il précise :« La transformation politique et économique de la majorité des pays d’Europe centrale est un immense succès. Il suffit de la comparer à celle des pays arabes, de l’Irak, de la Russie, de la Biélorussie ou de l’Ukraine... Havel a le mérite de donner naissance aux plus importants piliers de la démocratie libérale, la justice et la justice constitutionnelle. Il a édifié une cour constitutionnelle qui se présente comme une institution haute en couleurs et sûre d’elle-même, ce qui n’est pas une évidence dans cette région. Le pluralisme d’idées est un aspect que Havel a mis en valeur, aussi, pour la Banque centrale qui demeure une institution forte et indépendante même après son départ. »
L’auteur de l’article note également que Havel a engagé dans la diplomatie de nouvelles personnes et fondé la tradition d’une politique étrangère tchèque orientée vers le soutien des droits de l’homme. C’est d’ailleurs sous sa présidence que le pays a adhéré à l’OTAN et à l’Union européenne. Mais Havel possède également à son compte des victoires moins spectaculaires, comme le développement de la société civique, qui attire de plus en plus de jeunes. Enfin, Jan Macháček écrit :
« L’image globale de la période présidentielle de Havel et, finalement, aussi, de la transformation tchèque, est un grand succès. Les petites batailles perdues seront oubliées ».
La bureaucratie n’est pas toujours mauvaise
Par définition, la bureaucratie n’est pas forcément mauvaise. C’est ce que tient à souligner dans un article publié sur le site ihned.cz et intitulé l’Ode à la bureaucratie l’économiste Tomáš Sedláček. Il rappelle dans ce contexte que pour beaucoup de Tchèques, qui sont enclins à porter un regard critique sur l’Union européenne, c’est justement son côté bureaucratique qu’ils voient d’un œil négatif. Sedláček note à ce sujet :« Lorsque je demande à quelqu’un de quelle façon et combien de fois la bureaucratie européenne lui a compliqué la vie, il finit par admettre, après un moment d’hésitation, de ne pouvoir donner aucun exemple... Or, force m’est de constater qu’il existe certainement un mythe lié à la bureaucratie européenne dont on parle et que personne n’a vécu. »
Selon l’auteur de cette réflexion, une bureaucratie heureuse de concert avec la technologie accélère et facilite la vie, les affaires, les études, et élimine les barrières qui ont été indispensables encore pour la génération de nos pères. Tomáš Sedláček conclut :
« La bureaucratie peut constituer une entrave à de bonnes idées tout comme à celles qui sont mauvaises... C’est elle qui permet que notre société spécialisée tienne debout, c’est elle aussi qui la coordonne grâce à toute une légion de bureaucrates invisibles. Et si l’on admet que la bureaucratie est là pour remplacer aujourd’hui les guerres et les conflits entre voisins, on devrait quand même lui chanter une ode, ne serait-ce ce que de temps en temps. »