La Terre, c’est chez nous : le projet Museo Mundial invite à penser le global
Depuis 2014, plusieurs installations portant sur les problématiques globales du développement durable ont été introduites dans les musées en République tchèque. Cela s’est fait dans le cadre du projet européen Museo Mundial qui relie les institutions culturelles avec les organisations non gouvernementales. Une année après son lancement, le coordinateur du projet Milan Kreuzziger a fait le point sur son déroulement.
Les installations du Museo Mundial invitent à ne pas se regarder le nombril et à réfléchir à l’échelle globale. Ainsi, la première œuvre, Pharmatopia de l’artiste Marek Schovánek, évoquait l’accès inégal aux médicaments dans le monde ainsi que le rôle que détiennent les entreprises pharmaceutiques dans le maintien de ces inégalités. Milan Kreuzziger, chercheur au Centre d’études globales à Prague et coordinateur du projet, présente d’autres installations :
« Notre institution culturelle de référence est le musée agricole à Prague. Cinq installations y ont déjà été placées. Une d’entre elles porte sur les différentes manières de consommer les aliments de base partout dans le monde. Il s’est avéré, par exemple, qu’un tiers de la population mondiale utilise le feu pour cuisiner. Nous exposons également le projet du photographe Peter Menzel qui a photographié des personnes avec la nourriture qu’ils ont consommé en une semaine. Les différences sont parlantes. Certaines familles mangent surtout des graines et des crudités, d’autres sont entourées d’emballages plastiques. »La partie tchèque de ce projet européen se distingue des autres par la coopération privilégiée avec des artistes visuels ainsi que par le fait de ne pas se limiter à un seul musée. Outre Prague, les organisateurs ont également impliqué le musée municipal d’Ústí nad Labem en Bohême du Nord. Milan Kreuzziger apprécie le dynamisme qu’affiche le musée qui ne s’apparente pas à un mausolée vide. Notre visite en fin de semaine confirme cette impression : les visiteurs ont été nombreux et de tout âge.
Les deux installations de Museo Mundial se trouvent dans les couloirs du musée. Hormis ces objectifs en termes de développement durable, le projet réussit à mettre en question ce qui peut et ce qui ne peut pas être exposé dans un musée :
« La première installation s’appelle le NEWSeum. Elle s’interroge sur la manière dont les informations sont produites et distribuées. Les médias nous véhiculent notre point de vue sur l’actualité, une perspective que nous projetons sur l’Autre. Avec l’artiste Tamara Moyzes, nous sommes partis de l’idée inverse qui était de présenter les événements en République tchèque à travers la perception des médias étrangers. Nous découvrons comment les Autres nous voient, nous expérimentons par nous-même comment c’est que d’être vus comme des ‘individus exotiques’. Puis, nous avons choisi trois nouvelles portant sur les pays en voie de développement. Cette partie met en lumière la différence du traitement médiatique d’un même événement en République tchèque et à l’étranger. Ce projet introduit au sein du musée des « événements médiatiques » qui sont intangibles, loin des objets statiques qui sont habituellement exposés. »
Veronika Richterová est l’auteur de la deuxième installation. Dans deux vitrines, elle expose ses objets d’art fabriqués à partir de déchets plastiques jetés dans les océans. Pendant son séjour au Cap-Vert, elle a appris aux habitants de ce lieu envahi par les déchets de fabriquer des objets et de les vendre aux touristes comme souvenirs. Le matériel ne leur manque pas. Un rapport paru en décembre dernier a révélé que selon les estimations les plus modestes, 269 000 tonnes de déchets plastiques flottent à la surface des mers.
Prochainement, Ústí nad Labem accueillera une troisième installation du projet Museo Mundial qui se rapporte à la tradition locale en Bohême du Nord liée à la fabrication de perles en verre. Ces perles sont vendues partout dans le monde et les indiens américains, ou certains artisans de tribus africaines, les transforment en colliers. En Russie, elles sont placées sur des icônes religieuses. Fidèles à leur intérêt pour la dimension globale des échanges, les organisateurs veulent montrer la forme finale qu’ont prises ces perles et retracer le chemin qu’elles ont parcouru.Le projet Museo Mundial se poursuit dans quatre pays européens jusqu’en 2016.