La tournée de la chanson francophone avec une star du rap africain et un Suisse « ordinaire »

Didier Awadi

Bienvenue à l'écoute de ce magazine qui sera, cette fois-ci, très musical : rendez-vous, tout de suite, avec deux chanteurs francophones, qui étaient, fin mars, en concert à Prague : avec Didier Awadi et Michel Bühler.

Didier Awadi, le rappeur sénégalais aux origines béninoises et cap-verdiennes est venu en République tchèque avec son groupe, composé d'un Sénégalo-Malien, d'un Congolais et de quatre Suisses. Dans le cadre d'une tournée francophone, ils ont donné des concerts à Brno, Ceske Budejovice, Ostrava et, le 22 mars, c'est le théâtre Archa de Prague qui a vibré sur leurs sons hip hop.... Didier Awadi, au micro de Guillaume Narguet :

D.A.:« Pour moi, il est important de donner une image positive du continent partout où on va. Je combats cette image de misère de l'Afrique : maladies, sida, guerres, cannibalisme, etc. Des trucs qui n'existent pas. Moi, je vis à Dakar, en Afrique, et je crois beaucoup que tous ces pays africains doivent travailler ensemble pour donner une image positive d'eux-mêmes. Ce travail commence par un travail sur soi-même. Si toi, tu montres une image positive de toi et que chacun le fait, tout le continent aura une plus belle image. »

Comment le public perçoit-il vos chansons et leurs rythmes ?

D.A.:« Très bien. Ici, c'était assez nouveau pour la plupart des gens, parce que dans notre show, on peut entendre de l'Amérique comme de l'Europe et de l'Afrique, et même de la vraie brousse. On fait voyager les gens et ils nous suivent partout, dans tout ce que l'on fait dans l'évolution du show. Jusqu'à présent, le public accueille tout cela très bien et il nous donne aussi beaucoup (...) Franchement, je suis surpris de l'accueil. Les gens viennent et sont enthousiastes. Ça chante, ça danse avec nous... Bien qu'ils ne comprennent pas tout, ils sentent la vague que l'on essaie de faire passer et ils nous le rendent bien. Je suis donc très heureux d'être ici, même si je crois que c'est aussi ma nature d'être heureux. »

La brochure de présentation des Journées de la Francophonie en République tchèque vous présente comme « la figure emblématqiue du rap francophone aux percussions africaines ». Est-ce une définition qui vous convient bien ?

D.A.:« C'est vrai que les gens parlent beaucoup de figure emblématique en ce moment et c'est vrai que ça fait longtemps qu'on est dans ce truc. On a commencé en 1989 et ça fait déjà beaucoup d'années sur la route. On est un des premiers groupes africains à avoir explosé à l'international et on mélange nos racines africaines, donc je pense que c'est ce qui explique cette définition. Alors, oui, elle est juste. Elle n'est pas complète, mais elle est juste. »

Comment êtes-vous venu au rap ?

D.A.:« Je suis arrivé au rap comme un Tchèque ou un Russe est arrivé au rap... Je veux dire par la culture américaine qui se transmet par la télé, les films et les voyages - il faut savoir que les Sénégalais sont de très grands voyageurs. Donc nous avons reçu très tôt les cassettes de break dance, nous avons commencé comme danseurs... Dakar est une grande métropole où il y a des gens de tous les pays et chacun fait le choix de la culture qu'il veut adopter. Nous, c'était le rap qui nous a conquis. Depuis, on est dedans et on se sent bien... parce qu'on arrive à dire des choses. On vient de l'ancienne génération, donc c'est encore le rap originel, militant. Il nous permet de dire des choses qui font évoluer la vie et la communauté. »

L'engagement politique, mais aussi la poésie sont caractéristiques pour les chansons d'un autre invité des Journées de la francophonie en RT, du Suisse Michel Bühler. Habitué à chanter, hors de son pays, devant un public anglophone ou hispanophone, Michel Bühler n'était pas persuadé de pouvoir passer son message aux Tchèques... Ecoutez-le parler de son premier concert de cette tournée francophone, qui s'est déroulé à Plzen :

M.B.:« Ça a commencé par une grande peur de ma part, avant de monter sur scène, parce que j'avais peur que le public ne comprenne rien. Effectivement, une partie de la salle ne comprenais pas bien ou pas du tout le français, mais ils sont restés quand même et ils ont apprécié ! Je pense qu'il y a une musicalité dans notre langue et aussi une façon d'être sur scène qui fait que les gens sont heureux. La difficulté ici, c'est que la langue tchèque m'est complètement étrangère, donc je ne peux pas présenter mes chansons ou faire des plaisanteries. C'est plus difficile que dans les pays qui comprennent l'espagnol ou l'anglais. »

« Je voyage beaucoup et d'habitude, quand je dis que je suis Suisse, tout le monde me dit : 'Ah, vous êtes banquier ? Vous fabriquez du chocolat ? Des fromages ? Des montres ?' Ce que j'ai envie de leur montrer, c'est qu'il y a en Suisse des gens ordinaires, normaux. Et c'est des gens simples que j'ai envie de chanter. C'est aussi ce que je veux apporter ici. J'ai beaucoup chanté la Suisse, le pays, les villages, les montagnes... Puis, il y a quelque temps, je me suis rendu compte que le pays c'était transformé complètement ! Des village où le paysan rentre le soir avec son troupeau de vaches et va le faire boire à la fontaine, ça n'existe plus... Les villages, ce sont des villages dortoirs, qui se sont transformés, avec des centres commerciaux. Dans une de mes chansons, je chante ça. Il y en a une qui s'appelle 'Cracher sur ma télé', parce que les émissions de télévision m'énervent souvent, j'ai envie de cracher dessus... »

C'était le chanteur suisse Michel Bühler... Dans une de nos prochaines émissions, vous rencontrerez, pour changer, deux chanteuses qui ont également participé à la tournée de la chanson francophone en République tchèque : la Belge Karine Clercq et la Québécoise Fabiola Toupin.

Auteurs: Guillaume Narguet , Magdalena Segertová
mot-clé:
lancer la lecture