La très critiquée carte de crédit dite « sociale » entre en service

Photo: Ministère du travail et des affaires sociales

Depuis le début du mois de juillet, 5000 personnes testent le nouveau système de cartes bancaires destinées aux bénéficiaires d’allocations sociales. Baptisée S-Karta (pour Sociální karta), celle-ci est censée limiter les fraudes et optimiser le versement des aides de l’Etat. L’introduction de cette carte s’inscrit dans la réforme des prestations sociales entrée en vigueur au début de l’année et portée par le Ministre du travail et des affaires sociales Jaromír Drábek (TOP09). Pour autant, les critiques de l’opposition, des syndicats et des associations d’handicapés fusent, pointant les aspects moraux discutables et les difficultés techniques pernicieuses d’un tel système.

Jaromír Drábek
Désormais, le Bureau du Travail versera directement toutes les prestations sociales, qu’ils s’agissent des allocations familiales, des aides au logement, des allocations aux adultes handicapés ou encore des indemnités liées au chômage, sur ces cartes de crédit, les S-Karty. Celles-ci fonctionnent comme n’importe quelle carte bancaire. On ne peut cependant y verser d’argent depuis un compte traditionnel. Le système concerne pour l’instant seulement 5000 personnes mais devraient être étendu à tous les bénéficiaires d’aides dès janvier 2013. Ce seront alors près de 80 milliard de couronnes (plus de trois milliards d’euros) qui transiteront par ces cartes bancaires chaque année. Pour le ministre Jaromír Drábek, la S-Karta permet de simplifier le système de versement des aides sociales et constitue un avantage pour tout le monde :

« Pour les clients, il s’agit d’une augmentation de l’offre et d’une amélioration du confort. Cela ne coûtera pas une couronne, ni à l’Etat, ni aux clients. C’est donc une réponse indiscutable et suffisante. »

Photo: Ministère du travail et des affaires sociales
L’Etat tchèque a en effet signé un contrat d’exploitation de ce système avec la banque Česká spořitelna. Celle-ci en prend en charge tous les coûts. Il faut dire qu’avec un marché estimé à près d’un million de clients à partir du début d’année prochaine, la banque, qui empochera un petit pourcentage sur les transactions effectuées, sera de toute évidence gagnante. Aussi, l’opposition considère que la S-Karta n’avantage en réalité que l’établissement bancaire.

Selon le Ministère du travail et des affaires sociales, ce système contribue également à lutter contre certains « abus ». Pourtant la carte n’empêche nullement son propriétaire de dépenser son argent en alcool ou dans des machines à sous, comme cela était prévu au début du projet. Aussi pour Václav Krása, le président du Conseil des personnes handicapées, l’intérêt de cette carte est nul :

« Je pense qu’il s’agit d’un non-sens complet. Tout le monde dispose aujourd’hui de son propre compte bancaire ou bien utilise la poste afin de recevoir de l’argent. Je ne vois donc pas du tout l’intérêt de cette carte. C’est simplement une nouvelle privatisation de l’espace publique. Il faudrait que la banque Česká spořitelna qui a obtenu cette commande extrêmement lucrative se donne au moins la peine d’aménager ses agences afin qu’elles soient adaptées aux personnes à mobilité réduite. »

Selon lui, environ 100 000 bénéficiaires d’allocations sociales, affaiblies par la vieillesse ou par un handicap, rencontreraient d’importantes difficultés avec cette S-Karta. Ces personnes sont en effet dans l’incapacité de se rendre à un distributeur automatique ou tout simplement de payer avec leur carte lors de leurs achats. Pour Jan Hutař, l’avocat du Conseil des personnes handicapées, le nouveau système de S-Karta introduirait donc une réelle discrimination. Ce dernier a donc saisi la justice et des mesures prévisionnelles pourraient être décidées avant la fin de semaine.