Une nouvelle carte de paiement pour contrôler les bénéficiaires de prestations sociales
A partir de janvier prochain, une nouvelle carte de paiement destinée aux personnes assujetties au revenu minimum pourrait contraindre celles-ci à ne plus effectuer de paiements en numéraire. Le projet, étudié par le ministère du Travail et des Affaires sociales et dévoilé par le journal Hospodářské noviny, vise à empêcher les bénéficiaires d’allocations sociales d’acheter de l’alcool ou des cigarettes dans les supermarchés et à les détourner des bars. De nombreuses voix s’élèvent déjà pour critiquer le caractère « stigmatisant » de cette mesure tout autant que son infaisabilité.
« Cette carte a plusieurs fonctions. Avant tout, elle dispose d’une fonction d’identification, d’une fonction d’autorisation et enfin d’une fonction de paiement. Tous les bénéficiaires du système d’aide social obtiendront cette carte, même si la première étape concerne en priorité les bénéficiaires du revenu minimum, et l’utiliseront pour communiquer avec l’administration quant à leurs projets. Ces bénéficiaires pourront utiliser la fonction de paiement limité de la carte, mais dans le cas où leurs droits sont liés à une aide financière, ils devront l’utiliser. »
Quelques dizaines de milliers de personnes reçoivent le revenu minimum et se verront donc remettre cette carte bancaire en priorité. Par la suite, elle pourra être également délivrée à tout individu qui en fera la demande. C’est pourquoi le ministère prévoit l’édition de 800 000 cartes de crédit de ce type. Ladite carte ne fonctionnera pas dans les débits de boisson et détectera la présence ou non de cigarettes ou d’alcool lors d’achats dans les supermarchés, autorisant ou non ainsi le paiement en conséquence. De plus, il sera impossible d’utiliser un distributeur automatique pour retirer de l’argent.L’opposition et certains organismes ont dès à présent exprimé leur désapprobation face à ce projet. Ils évoquent par exemple le cas d’un individu concerné par cette carte qui vivrait dans un des nombreux villages où ni les bars ni les épiceries ne possèdent de système de paiement par carte. Une critique à laquelle le vice-ministre du Travail et des Affaires sociales répond simplement que « ces cas sont très rares », ajoutant que les dispositifs de paiement par carte « se généralisent ».
Directeur du programme pour l’intégration sociale de l’ONG Člověk v tísni (L’homme en détresse), Jan Černý considère que cette proposition est « pleine de contradictions ». Selon lui, outre le fait qu’elle déresponsabilise totalement les personnes concernées par cette carte de crédit, il s’agirait avant tout d’une affaire de « gros sous ». Les modalités de participation au projet d’une ou de plusieurs banques ne sont en effet pas claires, et c’est précisément ce point qui inquiète Jan Černý :« La façon dont va se mettre en place ce produit n’est pas vraiment claire. Il m’apparaît qu’il est nécessaire de regarder cette mesure d’un point de vue commercial. Le ministère ne cache pas qu’il vise la plus grande partie du pactole que constituent les prestations d’assurances sociales. Cela signifie donc qu’il s’en prend aux non-conformistes ou à ceux qui, soi-disant, abusent de ces droits. Je connais vraiment très peu de gens qui abusent ainsi dans le sens où on l’entend. »
La banque qui obtiendra ce nouveau marché devra faire face à un investissement de départ assez lourd mais qui pourrait s’avérer rémunérateur sur le long terme puisqu’elle récupèrera environ 1% sur chaque transaction. Václav Krása, le président du Conseil national des personnes handicapées, craint que cette mesure, envisagée également en Grande-Bretagne, en Slovaquie et en Italie, ne soit source de nouveaux conflits d’intérêt au sommet de l’Etat. Il ajoute qu’il s’agit d’une nouvelle « stigmatisation » des personnes les plus démunies. Certains, enfin, s'inquiètent de cette constitution d'un fichier regroupant toutes les personnes les plus démunies du système.