La villa Bílek : une maison ondulant comme le champ de blé
La réouverture de la villa pragoise du sculpteur František Bílek braque les feux de l’actualité sur cet artiste visionnaire qui a su donner à son oeuvre une signification symbolique. La maison que le sculpteur a fait construire non loin du château de Prague est une matérialisation de ses concepts spirituels et peut être considérée sans doute comme une de ses œuvres majeures.
C’est au terme d’une rénovation complète que se sont rouvertes, ce vendredi, les portes de cette bâtisse qui frappe le passant par l’originalité et la noblesse de ses lignes et de sa conception. Atteint de daltonisme, František Bílek ne pouvait pas se consacrer à la peinture comme il l’aurait voulu mais il a fini par s’imposer dans tous les autres arts plastiques. Né en 1872, l’artiste s’est illustré dans la sculpture, l’art graphique, les arts appliqués et même dans l’architecture. Son talent a réussi à fondre ses tendances spirituelles et sa profonde foi chrétienne avec le symbolisme et l’art nouveau pour donner un style inimitable. Ses statues monumentales, ses gravures et ses visions architecturales entrouvrent les portes du subconscient et reflètent le monde mystérieux de l’âme humaine. L’historien de l’art Jindřich Vybíral décèle les aspirations spirituelles de František Bílek aussi dans l’architecture de sa maison :
« František Bílek a été un critique du monde moderne. Il critiquait son matérialisme et son vide spirituel. Ainsi, lorsqu’il a préparé la construction de sa villa, il l’a conçue comme une démonstration, comme une mission morale. »
La façade de la maison combinant la brique et les éléments en béton exprime en quelque sorte la vie intérieure de son auteur et invite le visiteur à réfléchir sur le monde. Pour Jindřich Vybíral c’est aussi un défi, une invitation à déchiffrer la signification que l’artiste a insufflée à son œuvre :
« Cette maison est vraiment pleine de divers symboles. Déjà au premier abord, nous constatons qu’elle ne ressemble pas à une maison d’habitation ordinaire. Elle se détache d’une façon très marquante des maisons voisines. Son toit plat a été l’un des premiers toits de ce genre en Bohême et en Moravie. Si vous regardez le plan de cette construction, vous vous rendez compte qu’elle forme un fragment de cercle. Il vous sera difficile d’y trouver un angle droit, il n’y a presque pas de symétrie. »
Et Jindřich Vybíral de constater que toute cette richesse de formes correspond à la richesse de significations symboliques :
« Le motif du champ de blé est un élément important de la signification symbolique de cette construction. František Bílek a utilisé le champ de blé comme la parabole de la vie humaine, et le motif du travail sur ce champ comme la parabole de la condition humaine. »
Le motif du champ se reflète non seulement dans les éléments extérieurs comme les colonnes en forme d’épis ou de gerbes de blé. Le plan de la maison elle-même donne l’impression d’onduler et de vibrer comme un champ de blé dans le vent.
Le visiteur de la villa qui s’ouvre de nouveau au public pourra voir donc tout cela et aussi une importante collection des statues de František Bílek réunie dans son ancien atelier et une exposition sur sa vie et son oeuvre installée sous les combles de sa maison.