La Galerie de la ville de Prague fête ses 50 ans
La Galerie de la ville de Prague, deuxième plus importante après la Galerie nationale, souffle ses 50 bougies. Fondée en 1963, sa principale mission est de collectionner, restaurer et exposer les œuvres d'art tchèques depuis le XIXe jusqu'au XXIe siècle. Propriétaire d'une dizaine de salles d'exposition et de locaux historiques, la galerie a son siège dans le centre de Prague, place de la Vieille-Ville. Et c'est à deux pas d'ici, dans la maison à l'Anneau d'or – u Zlatého prstenu, rue Týnská, qu'une rétrospective intitulée « La Vie de la galerie de la capitale de Prague (50 ans) » a été inaugurée, le 24 septembre.
« L'idée de départ était de présenter les projets les plus importants et les plus reconnus réalisés au cours des 50 années écoulées. Cela signifiait pour nous de plonger dans les archives et d'y rechercher ce qui mériterait l'attention, aujourd'hui encore. Parallèlement à cela, nous avons essayé de reconstituer le curriculum vitae de la galerie, depuis les premières tentatives visant sa fondation, et de retracer toute cette histoire, du XIXe siècle à nos jours. »
C'est un grand paradoxe historique que la galerie a reçu son nom de Galerie der Hauptstadt Prag sous le Protectorat de Bohême-Moravie, sans qu'elle soit alors fondée, de iure. Le deuxième paradoxe est qu'elle a vu le jour sous le régime socialiste, en 1963, lorsque les objectifs idéologiques ont créé le besoin de contrôler l'activité artistique et culturelle par l'intermédiaire d'une structure institutionnelle fixe.Les cinquante ans d'existence de la galerie sont documentés par les projets les plus réussis de son histoire grâce auxquels la galerie a acquis une réputation dépassant le cadre de la capitale, note Magdalena Juříková :
« L'exposition « La vie de la galerie de la ville de Prague » propose 25 projets sélectionnés, ce chiffre devant symboliser la moitié des 50 ans d'histoire de la galerie. Cette histoire y revit grâce aux objets d'époque, catalogues, mobiliers et œuvres d'art que la galerie avait exposés au cours du demi-siècle écoulé. »
L'une des premières expositions organisée en 1964 et intitulée « Paris » a été consacrée aux liens artistiques entre les deux capitales. Au cours des derniers cinquante ans, de grandes rétrospectives ont été consacrées aux artistes comme Josef Mařatka, sculpteur et disciple de Rodin, Josef Váchal, peintre symboliste et mystique, Karel Malich, grande figure de la scène artistique tchèque depuis les années 1960, ou Adriena Šimotová, ordre de Chevalier des Arts et des Lettres de la République française. La galerie a également mis à l'honneur des groupes d'avant-garde dont Devětsil, Tvrdošíjní et notamment le Groupe des surréalistes tchèques parmi lesquels la femme-peintre Toyen. Les années 1980 constituent, en effet, un chapitre à part dans l'histoire de la Galerie de la ville de Prague. Si elle ne peut pas éviter des pressions idéologiques du régime communiste et une certaine soumission à ces pressions, de nombreux commissaires des expositions opposent une résistance. La galerie emprunte son chemin, indépendamment des directives du parti. Ses expositions dédiées aux artistes d'avant-guerre et ceux interdits de créer après 1968 créent l'événement dans la société. Des artistes de renom comme Joska Skalník, Stanislav Kolíbal et Adriena Šimotová collaborent dans ces années-là avec la Galerie de la ville de Prague, ainsi que le rappelle Magdalena Juříková :« Dans les années 1980, la galerie occupe une position clé sur la scène culturelle tchécoslovaque. Dans une certaine mesure, elle a échappé aux pressions idéologiques du régime totalitaire agonisant, ce qui lui a permis de réaliser une série de projets exceptionnels qu'une institution nationale n'aurait certainement pas pu se permettre. »
C'est dans les années 1980 également, qu'une exposition permanente consacrée à František Bílek a ouvert dans sa villa pragoise. Un acte de toute importance compte tenu du fait que František Bílek était un artiste mystique et symboliste et en tant que tel mal vu par le régime. Sa villa elle-aussi symboliste, de style Art-Nouveau avec des briques rouges, a été entièrement projetée par l'artiste lui-même et elle se visite aujourd'hui comme une galerie.Toujours dans les années 1980, Hana Rousová a compté parmi cinq historiens d'art qui se sont faits le plus remarquer. Et c'est à elle que la Galerie de la ville de Prague a confié l'organisation de l'exposition jubilaire. Hana Rousová n'a pas opté pour la présentation de chefs-d’œuvre comme c'est souvent le cas en pareille occasion. Sa conception était de présenter des personnes concrètes ayant influencé la marche et l'image de la galerie au cours des cinquante années écoulées :
« L'exposition est dédiée aux protagonistes de la galerie, à ses directeurs, ses historiens d'art, ses experts, et seulement après, aux œuvres d'art qui sont perçues comme le résultat de leur travail. »Un survol des 25 meilleurs projets des 50 années écoulées proposé par la Maison à l'Anneau d'or donne une idée assez précise des activités de la galerie des années 1960 à nos jours. Sous le titre « La mémoire des textes » on y expose également l'ensemble des catalogues et publications émises durant l'existence de la galerie.
L'anniversaire est aussi l'occasion de présenter plus d'une dizaine de salles d'exposition et de locaux devenus au fil du temps propriété de la galerie. Parmi eux, la Maison à la cloche de pierre, place de la Vieille-Ville : un lieu chargé d'histoire et étroitement lié à la dynastie des Luxembourg. Non loin de là-bas, la Maison à l'Anneau d'or d'origine gothique aux motifs Renaissance créé un cadre exceptionnel à l'organisation des expositions. A proximité étroite du château de Prague, c'est l'incontournable villa Bílek déjà mentionnée. Un peu plus loin du centre-ville, dans la banlieue ouest de Prague, le château baroque de Troja attire le visiteur par ses fresques et son architecture inspirée des villas romaines. Une nouvelle acquisition toute récente de la Galerie de la ville de Prague, c'est le palais Colloredo-Mansfeld situé tout près du pont Charles.
Dans l'année où elle fête un demi-siècle de son existence, la galerie dresse un bilan et s'interroge sur son avenir. Magdalena Juříková :
« La situation a beaucoup changé, après 1989. De nouvelles galeries qui ont vu le jour viennent souvent avec un programme proche du nôtre et il n'est toujours pas facile de faire face à la concurrence. Pour maintenir sa place, on peut soit chercher à se distinguer, soit collaborer avec d'autres institutions. On essaie de faire les deux et je pense que la Galerie de la ville de Prague compte aujourd'hui parmi les institutions qui introduisent un nouveau souffle dans la vie culturelle. »
L'exposition « La vie de la Galerie de la ville de Prague (50 ans) » est à voir à la Maison à l'Anneau d'or jusqu'au 5 avril prochain.