La villa Portheimka

Aujourd'hui, je vous emmène dans le quartier pragois de Smichov où se trouve une maison intéressante. Reconstruite au début des années quatre-vingt-dix, cette construction, appelée la villa Portheimka, se trouve dans le voisinage immédiat de l'église Saint-Venceslas, non loin de la station de métro Andel, Ange. De nos jours, elle abrite plusieurs institutions, dont un studio de télévision, un studio de design et une galerie. Je vous propose donc de laisser les bruits de la ville dehors, d'entrer et d'écouter l'histoire de cette maison intéressante.

La villa Portheimka fut construite, dans les années 1725 - 1728, par Kilian Ignac Dientzenhofer, une des plus grandes personnalités de l'architecture baroque tchèque. Né à Prague, le 1er septembre 1689, Dientzenhofer était le fils de l'illustre constructeur baroque Krystof Dientzenhofer, auteur, entre autres, de l'église Saint-Nicolas, dans le quartier de Mala Strana. Kilian étudia au collège des Jésuites de Mala Strana pour se consacrer, plus tard, aux études de philosophie et des mathématiques, à l'Université Charles de Prague. Il entreprit une série de voyages d'études pour connaître l'oeuvre d'architectes mondiaux des plus renomés. A son retour à Prague, en 1716, il réalisa en collaboration avec son père un grand nombre de constructions, à Prague, ainsi que dans d'autres villes du Royaume de Bohême. A l'époque, son père était l'architecte tchèque le plus recherché auquel on doit, aussi, l'église Saint-Nicolas de la place de la Vieille Ville, l'église Saint-Jean-Népomucène au Château de Prague, etc. A l'âge de trente-six ans Dientzenhofer-fils décida de réaliser sa première construction profane – une maison de campagne appelée à l'époque lusthaus, la maison de plaisance, destinée uniquement aux besoins de sa famille. Finalement, la villa Dientzenhofer ne devait pas servir seulement de maison familiale, mais aussi de siège représentatif affichant l'habilité artistique de son auteur. Ainsi est née une construction qui dépassait, en beauté et en élégance, des résidences d'été ou des villas situées dans les environs de Prague.

Le projet architectonique de la villa de Smichov diffère des autres constructions du même genre. Elle fut construite près de la route Zbraslavska, à l'époque l'unique communication longeant la rive gauche de la Vltava et menant de Prague en Bavière. L'édifice tourne le dos à cette communication, et sa façade regarde vers la rivière. Initialement, la construction fut symétrique ayant été constituée d'une salle centrale de forme ovale, et de deux ailes à gauche et à droite. Le parc, qui s'étendait jusqu'à la Vltava, revêt la même composition. A l'époque, c'était un bel espace vert avec des arbres vigoureux, de hautes futaies, mais qui allait se délabrer, faute de soins, sous le régime communiste, et sert aujourd'hui de toilettes pour les chiens. Mais revenons-en à la maison. Des deux ailes ne s'est conservé, jusqu'à nos jours, que l'aile droite, car l'aile gauche devait être démolie, en 1884, pour céder la place à la construction de l'église Saint-Venceslas. Dientzenhofer fit construire, au rez-de-chaussée, une salla terrena où l'on a découvert, lors de la reconstruction, une fontaine maçonnée dont le plan elliptique est assez exceptionnel. La salla terrena abrite, aujourd'hui, le café Apostrof où l'on peut choisir parmi une soixantaine de sortes de whiskies, et où l'on peut regarder, à travers une vitre épaisse, la profondeur de la fontaine Dientzenhofer. D'après les documents historiques, Dientzenhofer avait l'habitude de travailler et de recevoir les visites, dans la salla terrena.

Montons, maintenant, au premier étage. La salle centrale du premier étage est décorée de marbre artificiel en couleur « stucco lustro », cette oeuvre étant couronnée par une fresque suggestive, réalisée par le proche collaborateur, ami et parrain des enfants de Dientzenhofer, Vaclav Vavrinec Reiner, encore une personnalité importante du baroque tchèque. La fresque, peinte sur la voûte ovale, représente une monumentale scène de Bacchanale: Bacchus, assis sur le bouc, se trouve à la tête d'un groupe de satyres et de nymphes dansant, du joueur de flûte et du petit tambour, qui se promènent à travers le pays mythique de Arcadie. Cette fresque figure parmi les oeuvres les plus réussies de Reiner. Au-dessus du manteau de la cheminée, il y a la signature de l'auteur avec l'année de l'achèvement de la fresque, 1728. Cette salle de marbre est considérée comme l'apogée de l'art baroque. Lors de la reconstruction en 1994, on a découvert, aussi, les fragments des peintures murales dans les autres pièces de la maison.

Kilian Ignac Dientzenhofer est mort le 18 décembre 1751. Faute d'argent, la famille Dientzenhofer doit quitter la villa pour la vendre. En 1815, elle passe donc entre les mains des frères Porges qui firent construire dans le parc une usine d'impression des étoffes. Ils y utilisaient, pour la première fois, la machine à vapeur, après quoi l'empereur Ferdinand V conféra aux deux frères le titre de noble. Comme ces derniers venaient de la ville d'Oporto, au Portugal, ils étaient appelés Porges von Portheim, d'où le nom de la ville Portheimka. Les Porges sont venus à Prague avec une vague de réfugiés juifs chassés de l'Espagne et du Portugal, au XIXe siècle. Les frères Porges étaient, avant tout, des hommes d'affaires, mais ils aimaient l'art aussi, dont la musique. Ils organisaient, régulièrement, des concerts dans la salle de marbre. Parmi leurs invités, il y avait, aussi, le jeune Antonin Dvorak. Le dernier propriétaire de la villa, Karel Porges s'est tué d'un coup de feu, en 1942, au moment où il avait reçu une « invitation » pour un camps de concentration. Sous le régime communiste, la villa Portheimka s'est délabrée complètement, avant d'être reconstruite, à la moitié des années quatre-vingt-dix et ouverte au public, en mai 1995.

Auteur: Astrid Hofmanová
lancer la lecture