L’affaire des « orphelins syriens » divise la scène politique et la société tchèque
Accueillir en Tchéquie ou pas une cinquantaine d’orphelins syriens ? Une question qui a défrayé la chronique cette semaine et sur laquelle se penche également cette nouvelle revue de presse. Il y sera aussi question de l’émergence d’une nouvelle génération politique. La pauvreté en Tchéquie à la lumière de ses principales causes et la volonté des grandes villes d’encourager l’édification des logements communaux sont deux autres sujets qui y seront traités. Quelques mots enfin sur l’éducation aux médias dans les écoles secondaires.
« La proposition de la députée européenne, Michaela Šojdrová, est généralement jugée comme ‘controversée’. Pourtant, celle-ci n’implique aucune controverse sauf peut-être le rappel de l’absence d’un tel programme concernant l’accueil des orphelins en Tchéquie. D’autant plus que le nombre d’orphelins est très bas. En effet, pourquoi parler de controverse, lorsqu’il s’agit d’enfants qui ont perdu leurs parents ? Quelle menace sécuritaire ces enfants pourraient-ils représenter, tant qu’ils reçoivent les soins essentiels ? »
L’auteur d’une note publiée dans le quotidien Lidové noviny suggère que cette initiative ne serait rien d’autre qu’un jeu politique :
« Impossible de croire qu’en accueillant quelque dizaines d’orphelins, la Tchéquie pourrait subir une transformation qualitative pour devenir un pays meilleur. La Tchéquie ne va pas changer, car la majorité écrasante de sa population est contre l’accueil des migrants. Les politiciens leur ont promis qu’ils n’allaient en accueillir aucun, pourquoi ouvrir donc de tels débats... Concernant cette question, on peut reprocher à Andrej Babiš d’être dur voire cynique, mais on ne peut pas s’attendre à ce qu’il cède au chantage affectif. »
D’après ce que l’on peut lire dans un article publié sur le site aktualne.cz, le refus de la vague migratoire venant d’Afrique et du Moyen-Orient peut s’expliquer par la crainte de risques sécuritaires ou d’intégration. Mais ces craintes peuvent-elles s’appliquer aussi aux enfants syriens ? En réponse à cette question, son auteur rappelle que dans le passé, les Tchèques ont déjà fait à maintes reprises preuve d’une grande solidarité. Voilà pourquoi, il ne pense pas que la position du Premier ministre à l’égard de cette question soit majoritairement partagée par la population. L’auteur d’un texte mis en ligne sur le site de l’hebdomadaire Respekt écrit pour sa part :
« L’approche cynique à l’égard de l’accueil des personnes qui fuient un conflit ou une persécution qui domine la politique tchèque dérange une certaine partie de la société. C’est pour cette raison que ‘l’affaire des orphelins syriens’ a soulevé autant d’émotions en son sein. Pourtant, il n’y a pas de doute qu’il s’agisse d’une chose problématique et que le projet demeure pour l’instant vague. »
L’émergence d’une nouvelle génération politique
Une jeune génération entre en politique. Un constat fait par le politologue Lukáš Jelínek pour le média en ligne Deník Referendum qui se penche sur la question de savoir si ses représentants seront dotés d’assez d’érudition, d’empathie et de visions pour savoir éviter les fautes de leurs prédécesseurs. Enumérant quelques-uns des ministres qui sont trentenaires et qui ont précédemment exercé leurs fonctions ou qui les exercent actuellement, dont il cite la nouvelle ministre social-démocrate du Travail et des Affaires sociales, Jana Maláčová, il remarque :« Il faut s’habitude à cette nouvelle situation qui ne doit pas être mauvaise ou pire. La société, les façons de communication et la gestion de l’espace politique sont en train de changer. La génération politique qui émerge veille à son développement professionnel. Agés de près de trente-cinq ans, ses représentants parlent plusieurs langues, sont reconnus dans les domaines de leur expertise. Leur carrière n’est pas liée à leur engagement partial, mais à leurs capacités et connaissances. »
Le politologue considère que c’est notamment le Parti social-démocrate (ČSSD) qui peut se targuer de donner une place aux jeunes au lieu de privilégier ses membres émérites. Si, en effet, ce parti doit reprendre un nouveau souffle, c’est avec les gens qui connaissent les défis de notre époque, qui voyagent et qui trouvent leurs inspirations ailleurs.
La pauvreté en Tchéquie
La Tchéquie pauvre. Tel est le titre d’une série d’articles à travers lesquels le site aktualne.cz examine, en l’illustrant sur des cas individuels, les différents aspects de la pauvreté telle qu’elle se présente à l’heure actuelle en Tchéquie. Le tout au moment où une personne sur dix se voit touchée par la pauvreté, un grand nombre d’autres personnes en étant également menacé. Une analyse publiée à ce propos sur le site rapporte :« Il paraît que nous vivons dans un drôle de pays. En apparence, tout se passe très bien, car la Tchéquie vit depuis plusieurs années déjà une conjoncture économique et, dans son ensemble, elle ne fait pas partie des pays pauvres du monde. De même, elle est bien classée par les statistiques européennes. Toutefois, les données Eurostat ne prennent pas en compte le nombre de saisies et de procédures de désendettement qui touchent près d’un million d’habitants. Or, ce sont l’endettement et les saisies consécutives qui sont dans la majeure partie des cas à l’origine de la pauvreté, tout en étant à la fois sa conséquence. D’après les données statistiques, près d’un Tchèque sur dix, âgé de plus de 15 ans, aurait déjà reçu un avis de saisie, pendant que toutes les minutes, une nouvelle procédure de saisie se voit entamée dans le pays. Des chiffres qui n’ont pas d’équivalent à l’échelle de l’Union européenne. »
Comment se fait-il que la Tchéquie qui, après la chute du régime communiste en 1989, s’attendait à une évolution foncièrement différente, plonge dans un Etat socialement déchiré ? D’après l’auteur du texte mis en ligne sur le site aktualne.cz, c’est dans une grande mesure la faute et la faiblesse de l’Etat qui n’en a pas fait assez pour stopper le commerce avec la pauvreté dont certaines entreprises arrivent à profiter. Et de mettre dans ce contexte en relief un autre phénomène négatif : le nombre croissant de ghettos et de régions exclues.
La privatisation des logements communaux : une erreur ?
Les grandes villes en Tchéquie souffrent d’une pénurie de logements communaux, voilà pourquoi elles sont désormais prêtes à encourager leur construction. Pourtant, dans un passé assez récent, la tendance était contraire, car à partir des années 1990, les municipalités ont privatisé des centaines de milliers de logements qu’ils avaient hérités de l’Etat socialiste. L’hebdomadaire Ekonom explique pourquoi :« Selon une idée répandue à l’époque, les villes et les communes devaient se débarrasser de leurs biens immobiliers, faute de moyens pour leur maintien. Aujourd’hui, il paraît que dans certains cas, cette privatisation a été exagérée. Les prix de vente étaient également discutables, fortement inférieurs à la moyenne des prix du marché. Compte tenu de l’augmentation du prix des logements dans les grandes villes, près d’un tiers rien que durant les trois dernières années, et de celle des loyers, les villes et les communes ressentent aujourd’hui cette vaste privatisation comme une erreur. Elles n’ont en effet que peu, sinon rien, à offrir aux jeunes familles, aux retraités et aux personnes en situation sociale difficile. »
La construction de nouveaux logements, la reconstruction de biens immobiliers dans un état délabré ou le remaniement des espaces vacants. Les approches des villes sont variées. Elles s’accordent pourtant sur le fait qu’elles doivent s’occuper d’urgence de ce problème grave.
Les étudiants du cycle secondaire : les médias, connais pas
Les connaissances des étudiants du cycle secondaire concernant le domaine des médias sont très faibles. C’est ce que révèle un récent sondage effectué par la société Un monde dans les écoles. Une note publiée dans le quotidien Lidové noviny a remarqué à ce propos :« Cela n’étonne guère si l’on suit les débats sur les réseaux sociaux autour des commentaires ou analyses politiques. L’éducation aux médias qui a été introduite dans les écoles, il y a dix ans de cela, afin d’améliorer l’état de choses, ne semble pas avoir apporté les résultats souhaitables. Souvent, les étudiants ne font pas la différence entre médias publics et privés et se font assez facilement manipuler. Plus alarmant encore : une grande partie d’entre eux ont tendance à accorder du crédit aux fausses nouvelles diffusées sur Facebook ou sur différents sites d’informations alternatifs. »
Le texte publié dans Lidové noviny conclut sur le constat que le Ministère de l’Enseignement est dès lors appele à réévaluer radicalement son approche à l’égard de cette problématique.