L'aïkido, une union du corps et de l'esprit

Photo: Site officiel du club Isshinkai Aikido Praha

Art martial japonais, l’aïkido est une discipline encore relativement nouvelle née dans la première moitié du XXe siècle et basée sur des techniques de défense visant à annihiler l’agressivité d’un éventuel adversaire. Il existe en République tchèque plusieurs dizaines de clubs proposant un apprentissage de cet art. Radio Prague est allée à la rencontre de Sébastien Martineau, professeur d’aïkido, qui dirige l’un d’entre eux dans la capitale tchèque.

Morihei Ueshiba
C’est dans le quartier de Letná, à quelques rues du stade du Sparta Prague, que Sébastien Martineau enseigne l’aïkido depuis deux ans. Un art martial qu’il présente ainsi :

« L’aïkido, c’est l’un des plus jeunes arts martiaux japonais. Parce qu’en fait, il a été fondé dans les années 1940, juste après la guerre, et le fondateur Morihei Ueshiba est mort en 1969. C’est dérivé de tous les autres arts martiaux japonais, donc du jiu-jitsu et ainsi de suite. C’est un art qui est défensif, cela a été appelé ‘l’art de la paix’. Le concept de l’aïkido est de ne pas répondre à la violence par la violence, mais de la neutraliser. Donc, il y a beaucoup de projections, d’immobilisations. Et c’est un art qui est très puissant, mais très doux en même temps. »

Sébastien Martineau a fait des études en Angleterre, où il a suivi les enseignements de son professeur d’aïkido Denis Burke, qui est également son oncle. Après avoir atteint un certain niveau et s’être installé à Prague, Sébastien a décidé, en 2011, de fonder sa propre école, le club Isshinkai Aikido Praha. Il raconte ce processus :

Sébastien Martineau,  photo: Site officiel du club Isshinkai Aikido Praha
« Je suis arrivé à Prague six ou huit mois avant de monter le club. Avant ça, j’ai habité pendant très longtemps en France puis en Angleterre, où j’ai fait mes études d’aïkido. A un certain moment, surtout après la deuxième ceinture noire, le maître suggère à l’étudiant de s’en aller du dojo (salle utilisée pour l’enseignement d’un art martial, ndlr) et d’aller fonder sa propre école. Etant à Prague, c’est ce que j’ai fait et nous continuons depuis. »

Les cours d’aïkido de Sébastien Martineau prennent place dans la salle d’un club de judo qui celui-ci lui prête. Il y a différents groupes d’élèves. Certains fréquentent le club depuis sa fondation. C’est le cas de Fabien, un Français vivant dans la capitale tchèque, qui explique avoir été rapidement séduit par la pratique de l’aïkido :

« Au début, j’y suis venu un petit peu par hasard, avec des amis qui m’ont proposé d’essayer. Et donc, je suis tout de suite rentré dans le ‘délire’. Cela m’apporte surtout une activité sportive, mais aussi et à la fois une activité relaxante, parce qu’on fait un petit peu de méditation : apprendre à connaître son corps, travailler sur les énergies… Et c’est une approche sportive qui permet de toucher à différents éléments. J’ai trouvé ça plutôt original et enrichissant. »

Deux composantes donc, l’une mentale et l’autre sportive, que Sébastien Martineau développe en précisant que l’aïkido n’est pas un sport :

Photo: Site officiel du club Isshinkai Aikido Praha
« C’est une spiritualité et une approche mentale. L’aïkido n’est pas un sport, c’est un art martial. Il n’y a pas de compétition. Il y a une dimension très réelle d’auto-défense et ce serait très dangereux de faire des compétitions. Par contre, beaucoup d’arts japonais qui sont devenus des sports sont aussi très biomécaniques. Donc, toute la dimension mentale – on pourrait même dire spirituelle au niveau de la méditation et de choses similaires – a été enlevée. Un des buts de l’aïkido, un des principes de base, c’est l’union du corps et de l’esprit, et ensuite, l’union avec l’adversaire qui permet de neutraliser son attaque. »

C’est justement parce que l’aïkido, à la différence d’autres arts martiaux, a gardé cet aspect mental que Marek s’est orienté vers cette discipline :

« J’avais déjà pratiqué des arts martiaux auparavant, du ju-jitsu, du judo. Et dans tous les clubs par lesquels je suis passé, on se concentrait plus sur l’aspect physique de ces activités. En rencontrant Sébastien, je me suis rendu compte que cela n’avait pas forcément de sens, c’est-à-dire que l’on s’aperçoit que différentes façons de pensée peuvent permettre de réaliser des mouvements ou des exercices différents. Autrement dit, je fais de l’aïkido, car cela me permet de m’entraîner au niveau de la tête, ce qui comporte évidemment différents aspects. »

Photo: Site officiel du club Isshinkai Aikido Praha
Sébastien Martineau part de cette approche douce et relaxante pour expliquer ce que l’aïkido, qui ne se résume pas à sa dimension d’auto-défense, apporte à ses pratiquants :

« Dans l’aïkido, nous nous servons beaucoup de la dimension de la pensée, de comment l’attaquant pense, de comment, nous, nous devons penser pour avoir le plus de ressources possible. Donc, il y a énormément d’applications hors dojo. Moi, je ne fais pas de l’aïkido parce que j’aurais peur qu’on m’attaque dans la rue. Dans nos civilisations, à notre époque, c’est quand même assez rare. Je fais de l’aïkido parce que je veux que mes relations soient plus créatives. Et l’idée de l’aïkido, c’est que quelqu’un vient avec une attaque violente et on transforme cette attaque en une relation créative, positive. Donc cela, ça s’applique à toutes les rencontres en dehors du dojo. Et donc, c’est pour cela que je le pratique. C’est l’une des choses que cela peut développer. Bien sûr, cela développe énormément la souplesse, la relaxation. C’est un art qui est très ouvert, aux femmes, aux enfants, aux personnes âgées parce que tous les exercices sont faits de façon très relax et douce. Donc, on progresse, on étend sa zone de confort lentement. »

Une zone de confort qui se développe grâce à l’entraînement. Les cours que dispense Sébastien Martineau durent une heure et demie et sont en anglais. Voici comment ils se déroulent :

Photo: Site officiel du club Isshinkai Aikido Praha
« On commence avec un échauffement durant le premier quart d’heure. Il s’agit d’exercices, des mouvements assez doux qui sont plus pour l’union du corps et de l’esprit que pour s’étirer d’une façon purement physique. Parfois, il y a une partie de méditation, de respiration. Ensuite, on rentre dans les mouvements d’aïkido eux-mêmes. Les mouvements d’aïkido sont tous des katas. C’est un exercice qu’on fait soit seul, par exemple avec un partenaire imaginaire, soit, dans l’aïkido, avec un partenaire parce qu’il y a une attaque et une défense. Plus tard, quand on est plus expérimenté, on commence à faire de la forme libre. On fait du kata pour que le corps et l’esprit prennent les bonnes habitudes. Parce qu’on voudrait, dans la vie réelle, si par malheur il arrive quelque chose, que notre corps fasse déjà quelque chose et que notre pensée rattrape après. Donc, au début, l’aïkido peut avoir un aspect dense et théâtral. Ensuite, quand on est plus expérimenté et qu’on commence les formes libres, on s’aperçoit de la puissance de la chose. »

Photo: Site officiel du club Isshinkai Aikido Praha
L’apprentissage de l’aïkido, comme dans la plupart des arts martiaux, est matérialisé par un système de grades, les dans, dont les titulaires portent la ceinture noire. Sébastien Martineau poursuit :

« Les Japonais ont apparemment inventé les ceintures de couleur parce que les Européens et les gens de l’Ouest n’avaient aucune patience. ‘Dan’, cela voulait dire ‘pas’, ‘premier pas’. En fait, la ceinture noire dans la tradition japonaise est le premier pas. Nous, on se sert des ceintures de couleur parce que cela aide les personnes à se rendre compte de leur progression. C’est très difficile de voir comment on progresse si on n’a pas un test. C’est très utile. »

Photo: Site officiel du club Isshinkai Aikido Praha
Au rythme de deux cours d’une heure et demie par semaine, il peut falloir six ans pour obtenir un premier dan. Et il y a dix paliers de la sorte en aïkido. La progression est donc relativement lente et potentiellement infinie. Sébastien Martineau :

« Comme dans beaucoup des arts japonais, c’est quelque chose où une vie humaine est trop courte pour tout apprendre. Ce qui, quelque part, est quelque chose d’intéressant. C’est une progression continue pour la vie. »

Tous les mois, Sébastien Martineau propose des cours pour débutants, souvent le dernier mardi du mois. Une fois n’est pas coutume, le prochain aura lieu le mardi 1er octobre.