L’Amant de Prague, un roman sur l’incommunicabilité amoureuse

Photo: Le Grande Ourse

L’Amant de Prague. Tel est le titre du dernier livre de la romancière française Monique Ayoun, publié aux éditions de La Grande Ourse, qui raconte l’histoire d’amour tourmentée d’une Française et d’un Tchèque exilé, au moment de la Révolution de velours. Radio Prague s’est entretenue avec Monique Ayoun qui lui a raconté la genèse de ce roman.

Monique Ayoun,  photo: YouTube
« Il y a eu un moment à Paris, où j’ai rencontré des exilés tchèques dont j’ai été très proche. La Révolution de velours a été un tel bouleversement pour eux… Je suis partie à Prague à ce moment-là et c’est ce qui m’a inspirée pour ce roman et ces personnages. »

Ce livre a quand même mis pas mal de temps à mûrir, puisque le livre sort bien des années plus tard…

« Effectivement. En fait, il n’est pas sorti tout de suite, je l’avais mis de côté. C’est récemment en rencontrant un éditeur que je l’ai proposé. Il a mis du temps à mûrir et en même temps, il était resté cinq ans dans un tiroir. »

Il y a cette histoire d’amour entre Carla, la Française, et Petr, le Tchèque. Pourquoi Prague vous a-t-elle particulièrement inspirée ? Elle semble être le troisième personnage de votre livre.

« En effet. C’est parti de Petr et la ville était en correspondance complète avec ce personnage torturé, muet. Tout ce que mon héroïne ne peut comprendre du personnage, elle le comprend par la ville, par les ruelles… Elle se retrouve à chaque fois devant un mystère : le mystère de la ville qui a, semble-t-il, pour elle, un double visage, à la fois lumineux et maudit. Elle retrouve ce même mystère avec son amant tchèque. Kafka est aussi important dans le livre. Il y a beaucoup de correspondances troublantes entre le héros tchèque et Kafka, notamment dans leur phobie de l’engagement, pour avoir été dans l’ombre d’un père étouffant, le fait de se sentir étranger partout. »

Photo: Le Grande Ourse
Rappelons que les personnages, c’est cette Française, d’origine méditerranéenne, bouillonnante, qui rencontre cet exilé, plus taiseux. Ils vivent une histoire d’amour compliquée qui va se développer à Prague. Est-ce que cette ville est une clé de compréhension de leur relation ?

« Carla comprend mieux cet homme tchèque à travers sa ville. Puisque lui ne parle pas, elle va le comprendre à travers ce qu’elle apprend de Prague. Elle tombe amoureuse de la ville, en errant dans ses rues. Mon personnage est en corrélation totale avec sa ville. Il a été exilé pendant vingt ans. Il y avait une sorte d’humiliation de cette ville qu’il a intériorisée. Mon roman, c’est l’histoire entre une femme qui aime à la folie et un homme qui se laisse aimer. Elle cherche par tous les moyens à briser son secret et sa carapace. C’est ainsi qu’elle va partir à la rencontre de Prague. Dans ses rues, elle se retrouve face au même mystère. »

Cette histoire d’amour est aussi l’histoire de la rencontre entre deux cultures…

« C’est un choc des cultures. Ils sont complètement à l’opposé. Elle est solaire, exubérante, il est introverti. Il y a une incommunicabilité entre eux qu’ils n’arrivent à dépasser que par la sexualité. C’est un roman où les relations érotiques sont fortes. Par exemple, elle est tellement exaspérée par sa passivité, par son apparente indifférence, qu’elle le domine sexuellement. Lui accepte cette domination. Il y a de beaux passages de tendresse physique, mais le lendemain, il la rejette. C’est quelqu’un qui passe de l’attirance au rejet, de l’amour à la haine. Le double visage de cet homme qui est absolument fascinant, j’ai essayé de le retranscrire aussi dans le double visage de la ville de Prague. »