L'ancien député Dominik Feri condamné à trois ans de prison pour viol et tentative de viol
Au terme d’un procès très médiatisé ouvert en février dernier, l’ancien député tchèque Dominik Feri a été reconnu ce jeudi coupable de viol et de tentative de viol et condamné à trois ans de prison ferme, conformément à la réquisition du parquet. Un verdict contre lequel Dominik Feri a fait immédiatement appel. La police s’était saisie de cette affaire de violences sexuelles suite à la publication en mai 2021 d’une vaste enquête de deux médias tchèques qui avaient recueilli le témoignage de plusieurs femmes.
En Tchéquie, où à la différence de nombreux autres pays, la libération de la parole via le mouvement MeToo n’a pas eu de retentissement majeur, l’affaire Dominik Feri avait fait l’effet d’une bombe il y a deux ans, et le procès qui s’en est suivi a été ultra-médiatisé.
Une enquête journalistique, suivie d'une enquête de police
Ancienne étoile montante du parti TOP 09, Dominik Feri avait auparavant dépoussiéré l’image de ce parti conservateur : plus jeune député de l’histoire de la Tchéquie et premier métis à siéger au Parlement, il était très actif sur les réseaux sociaux et très populaire auprès des jeunes.
L’enquête de fond menée par les journalistes du quotidien indépendant Deník N et du média en ligne A2larm.cz avait révélé les témoignages de plusieurs femmes qui, indépendamment les unes des autres, accusaient Dominik Feri de diverses agressions sexuelles, dont le viol. Les faits relatés s’échelonnaient entre 2015 et 2020, alors que l’accusé suivait des cours de droit à l’Université Charles de Prague – y compris après avoir été élu député en 2017.
Les langues s’étaient alors déliées dans son entourage, certains rapportant alors que le comportement de Dominik Feri était « un secret de Polichinelle ». Quelques heures seulement après la publication de l’enquête, Dominik Feri avait démissionné de ses fonctions de député.
Dominik Feri faisait l’objet d’accusations pour trois faits, dont deux se seraient produits en mars et en novembre 2016 dans son appartement du IIIe arrondissement de Prague. Deux viols, dont dans l’un des cas, l’une des victimes présumées était âgée de 17 ans au moment des faits et était donc mineure, constituant une circonstance aggravante. Le troisième incident s’est produit en 2018, selon le parquet, lorsque l’ancien député avait invité une femme à la Chambre des députés pour un éventuel poste de stagiaire. Selon les enquêteurs, il avait essayé d’embrasser et s’était livré à des attouchements sur la jeune femme qui était parvenue à partir.
Dominik Feri a toujours clamé son innocence et nié avoir commis les violences sexuelles dont il était accusé. Au cours du procès, il avait plusieurs fois opposé aux victimes de prétendues incohérences dans leur témoignage et s’était plaint d’avoir vu sa vie professionnelle et personnelle détruite par les accusations. Devant les journalistes qui ont suivi le procès ces neuf derniers mois, l’ancien député est souvent apparu confiant, voire arrogant selon certains commentateurs.
Dans son délibéré la juge a retenu entre autres, comme facteur en sa défaveur, l’ascendance qu’en tant que jeune politicien il exerçait sur des jeunes femmes « qui l’admiraient et lui faisaient confiance ». Elle n’a pas omis de relever également que « l’attitude méprisante » de Dominik Feri au tribunal, où la cour avait pu entendre ses éclats de rire depuis la pièce voisine, au moment où les victimes délivraient leur témoignage, n’avait pas contribué à alléger son dossier. Sa condamnation à trois ans de prison ferme est assortie d’une peine financière à hauteur de plusieurs centaines de milliers de couronnes pour préjudice moral et psychologique.
Premières réactions au verdict
Une des deux journalistes à l’origine de l’enquête de 2021 n’a pas manqué de souligner sur son compte X (anciennement Twitter) qu’elle espérait que cette affaire « change la façon dont nous considérons les victimes et les survivants des violences sexuelles », et notamment dans la façon d’appréhender leurs témoignages. Elle a ainsi rappelé combien ceux des victimes avaient pu être mis en doute à l’époque.
A l’époque, la chute du jeune influenceur n’avait guère provoqué de remous au sein même de son parti où la ligne officielle avait été davantage de remercier Dominik Feri d’avoir démissionné, que d’avoir une pensée pour les victimes. Une ligne visiblement suivie par son fondateur et ex-ministre des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg, qui s’est fendu d’une critique : « aucun système judiciaire n’est totalement indépendant » selon lui, et de regret pour l’ex-espoir du parti : « Je suis désolé pour lui, » a-t-il déclaré sans un mot pour les victimes.
Si elle aurait souhaité une peine de prison plus importante, l’avocate des victimes, elle, a toutefois souligné l’importance que représentait pour ses clientes la qualification des faits reprochés soit la reconnaissance par le tribunal qu’elles ont bel et bien été victimes de viol et de tentative de viol. Une façon de dire que ce jugement pour un premier procès post-MeToo en Tchéquie a le potentiel de faire date. A noter, dans ce contexte que le 7 novembre, doit s’ouvrir le procès du psychiatre, Jan Cimický qui est accusé d’avoir violé et fait chanter plusieurs patientes entre 1980 et 2016.