Accusé de violences sexuelles, l’ancien député Dominik Feri devant la justice

Dominik Feri

Ce mardi s’est ouvert le procès de l’ancien député tchèque Dominik Feri accusé de viol et d’une tentative de viol, des faits qu’il a toujours niés et pour lesquels, s’il est reconnu coupable, il encourt jusqu’à dix ans de prison. La police s’était saisie de l’affaire suite à la publication en mai 2021 d’une vaste enquête de deux médias tchèques qui avait recueilli le témoignage de plusieurs femmes.

En Tchéquie, où à la différence de nombreux autres pays, la libération de la parole via le mouvement  #MeToo n’a pas eu de retentissement majeur, l’affaire Dominik Feri a fait l’effet d’une bombe au printemps 2021 et le procès qui s’ouvre ce mardi est ultra-médiatisé.

Les révélations avaient commencé le 17 mai 2021. Sur Twitter, un compte anonyme s’interrogeait : « Pourquoi les agressions sexuelles de [Dominik] Feri ne sont-elles pas plus médiatisées ? » S’en était suivie une série de témoignages, que les journalistes du quotidien indépendant Deník N et du média en ligne A2larm.cz avaient recueillis et vérifiés.

Dans un article publié huit jours plus tard, plusieurs femmes, indépendamment les unes des autres, accusaient Dominik Feri de diverses agressions sexuelles, dont une de viol comme le rapportaient les deux médias. Circonstance aggravante dans son cas, l’une des victimes présumées était âgée de 17 ans au moment des faits et était donc mineure.

Les faits relatés auraient eu lieu entre 2015 et 2020, alors que l’accusé suivait des cours de droit à l’Université Charles de Prague – y compris après avoir été élu député en 2017. Les langues s’étaient alors déliées dans son entourage, certains rapportant alors que le comportement de Dominik Feri était « un secret de Polichinelle ».

Quelques heures seulement après la publication de l’enquête, Dominik Feri avait démissionné de ses fonctions de député.

Dominik Feri | Photo: TOP 09

Ancienne étoile montante du parti TOP 09, Dominik Feri avait auparavant dépoussiéré l’image de ce parti conservateur : plus jeune député de l’histoire de la République tchèque et premier métis à siéger au Parlement, il était très actif sur les réseaux sociaux et très populaire auprès des jeunes – non sans avoir recours à un marketing politique d’un genre particulier comme le relève Apolena Rychlíková, une des co-auteurs de l’enquête commune publiée en mai 2021 :

« Déjà lors des élections législatives de 2017, il était devenu le visage des jeunes et avait été un des créateurs principaux de la campagne. Il avait créé une brochure qui, du point de vue actuel, apparaît comme très sexualisée : on y compare la politique à Tinder, ce qui était un peu sa façon à lui de familiariser les jeunes avec la politique. Il y a beaucoup de comparaisons ou de sous-entendus sexuels, ou une fausse conversation avec des allusions de ce type… »

Plus dure en a été la chute du jeune influenceur sans pour autant provoquer tant de remous que cela au sein même de son parti où la ligne officielle, à l’époque, avait été davantage de remercier Dominik Feri d’avoir démissionné, que d’avoir une pensée pour les victimes. Et selon les deux journalistes responsables de l’enquête, l’actuelle présidente de la Chambre des députés Markéta Pekarová Adamová qui avait collaboré avec Dominik Feri à la campagne de 2017, n’a jamais donné suite à leurs demandes d’entretien.

Suite à ces révélations, en juin 2021, plusieurs centaines de personnes avaient marché dans Prague pour manifester contre l’insuffisance de la pénalisation des violences sexuelles et conjugales en République tchèque. La manifestation avait été organisée par le collectif Bez trestu (Sans punition) et avait rassemblé de nombreuses femmes estimant que « ce type de crime [était] encore pris à la légère » dans le pays.

Dominik Feri | Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

Ce mardi donc, Dominik Feri, qui a toujours clamé son innocence, comparaissait devant la cour du tribunal de Prague 3 : devant les journalistes qui se pressaient devant la salle d’audience l’ancien député est apparu confiant, voire arrogant selon certains commentateurs, glissant subrepticement le nom d’une des plaignantes aux micros tendus, ce qui n’a pas manqué d’être critiqué sur les réseaux sociaux.

Si les journalistes avaient recueilli davantage de témoignages, seuls trois cas de femmes se retrouvent devant la justice. Dans certains cas, pour des raisons de droit, dans d’autres parce que les femmes n’ont pas voulu s’exposer davantage comme le note Apolena Rychlíková :

Apolena Rychlíková | Photo: Jan Bartoněk,  ČRo

« Certaines femmes ne voulaient tout simplement pas le signaler, également parce qu’elles voulaient éviter ce qui s’apparente à martyre. Elles ne voulaient pas répéter sans cesse ce qui s’était passé, être la cible d’une sorte de dénigrement. Cela illustre aussi la manière dont la justice tchèque est considérée sur cette problématique des violences sexuelles. Il sera intéressant de voir si ce procès va changer les choses ou pas. Bien sûr, il faut rendre un verdict en fonction des preuves. Mais le manque de confiance des femmes existe bel et bien ici, et le dénigrement dans l’espace public y contribue aussi largement. »

L’audience du procès se déroule ces mardi et jeudi.