L'aristocratie tchèque au service de la diplomatie habsbourgeoise en France

Dominique André comte de Kaunitz

Depuis le XVIIe siècle, que la diplomatie est reconnue comme une branche autonome ayant sa propre mission d'organiser des rapports et représenter un Etat lors des négociations, l'intérêt d'aristocrates tchèques au service de la monarchie autrichienne se tourne vers la France. Point étonnant, car que la tradition des rapports réciproques se soit créée déjà au XIVe siècle, par le lien entre le roi Charles IV et sa dynastie des Luxembourg.

Depuis 1526, le Royaume de Bohême fait partie de la monarchie habsbourgeoise. Des rapports plus intenses, entre cette dernière et la France, se nouent au XVIIe siècle. C'est alors, que le comte Vaclav Ferdinand, de la famille aristocratique tchèque Lobkowicz, fort orientée vers la France, devient ambassadeur de la monarchie en France. Or les années soixante-dix sont très peu favorables à une coopération avec la France du fait que la monarchie est alors du côté de la coalition anti-française.

Dominique André comte de Kaunitz
En 1668, Ferdinand Bonaventura, comte de Harrach, /1636 - 1706/ devient ambassadeur impérial en France. Son successeur est Dominique André, comte de Kaunitz, /1654 - 1705/, grand admirateur de la cour française de l'ère de Louis XIV, collectionneur d'objets d'art et bâtisseur du château de Slavkov, connu plutôt sous son appellation allemande - Austerlitz. Pour la construction du château, et d'un superbe parc qui l'entoure, Kaunitz s'inspire du siège des rois français, Versailles. Ce sera ici, au château d'Austerlitz, que Napoléon 1er signera, le 3 décembre 1805, l'armistice, après la bataille remportée sur les armées russe et autrichienne.

En 1703, Karel Arnost, comte de Wallenstein, est nommé ambassadeur de la monarchie habsbourgeoise en France. De Paris, il se rend à Lisbonne, pour y convenir le mariage du successeur avec une archiduchesse d'Autriche, mais également pour y travailler contre la France. Sur le chemin du retour, il est arrêté par des Français et emprisonné, pendant 10 mois, à Vincennes. A l'époque des hostilités entre la France et les Habsbourg, accentuées par le cardinal André Hercule de Fleury, c'est Josef Vaclav Vavrinec, prince de Liechtenstein, qui est nommé ambassadeur de Charles VI à Paris. Durant ses activités, il jouit d'un grand respect de l'empereur qui le récompense de ses services, en le décorant de l'Ordre de la Toison d'or.

Ensuite, l'ambassade des Habsbourg à Paris s'ouvre à nouveau aux Kaunitz. C'est Vaclav Antonin, comte de Kaunitz /1711 - 1794/ qui s'y installe pour 3 ans, après avoir débuté sa carrière diplomatique à Turin, puis à Bruxelles. La connaissance de la culture de la cour française se reflète dans ses activités ultérieures de ministre des Affaires étrangères, lorsqu'il fait prévaloir la politique de coopération avec la France. Bientôt, il a la pleine confiance de l'impératrice Marie-Thérèse laquelle le nomme, en 1753, chancelier d'Etat. Ses sympathies pour la France se manifestent par le soutien d'un artiste propageant le goût français à Vienne, Francesco Casanova, frère du célèbre aventurier, Giacomo. Sur la scène de théâtre de Vienne, Vaclav Antonin Kaunitz introduit des pièces classiques françaises. Sa correspondance avec Voltaire ne fait que confirmer que c'était Kaunitz qui a encouragé l'intention du philosophe de publier les pièces de Corneille. La popularité de Kaunitz ne cesse de monter. En 1764, l'impératrice anoblit son chancelier, en lui attribuant le titre de prince Kaunitz-Rietberg, transmis au fils aîné, et le majorat de Slavkov. De ce siège, sont issus d'autres diplomates - Arnost Krystof et Josef Klement, fils du chancelier.

C'est justement dans le courant du XVIIIe siècle, que naissait une Europe "française". Le français domine pratiquement toutes les cours d'Europe, y compris celle de Russie. C'est alors, que la langue tchèque s'enrichit de tout un vocabulaire diplomatique emprunté du français. Jusqu'à nos jours, on emploie des mots français, tels que ambassadeur, résident, chargé d'affaires, attaché ...

La fin de la première décennie du XIXe siècle est sous le signe de l'arrivée, à l'ambassade autrichienne en France, de Klement Vaclav Lothar Metternich, diplomate habile et expérimenté, grâce à ses missions précédentes à la Haye, à Dresde et à Berlin. A Paris, sous Talleyrand, il reste pendant 2 ans dans les fonctions d'ambassadeur. Bien que ce soit lui, l'homme d'Etat le plus réputé de l'époque, les annales historiques accentuent l'ère de Karel, prince de Schwarzenberg, au poste d'ambassadeur autrichien à Paris, ayant son siège à la Chaussée d'Antin. Les destinées de la famille Schwarzenberg seront le thème de notre prochain rendez-vous.