L’Asie centrale et l’héritage soviétique en photos
Vingt-cinq ans après la chute des démocraties populaires en Europe centrale et orientale, le Forum culturel autrichien à Prague présente une exposition de photographies de l’espace postsoviétique, centrée sur les républiques de l’Asie centrale. L’auteur des images, Christoph Grill, a voyagé dans la vaste région de l’ex-URSS entre les années 1999 et 2010. Ces photos montrent la périphérie de la périphérie, des endroits abandonnés dans des villes fantômes et d’anciennes zones industrielles. L’exposition est surréaliste à de nombreux égards, tout comme son nom : « La poésie d’un quelque part intemporel ».
« Nous nous souvenons de la chute du mur de Berlin, de la fin définitive de la guerre froide et du rideau de Fer, de la Révolution de velours en République socialiste tchécoslovaque et plus tard de tous ces événements qui ont conduit l’Union soviétique à être officiellement remplacée par une communauté de quinze Etats indépendants. »
La démarche artistique du photographe Christoph Grill s’inscrit dans la durée et dans l’espace. Douze années durant, il a fait plusieurs voyages dans les différents pays de la région et atteste à travers ses images de la similitude et de la stabilité de l’empreinte de l’Union soviétique.
« Christoph Grill est un photographe et archéologue qui habite et travaille dans la ville de Graz. Pendant douze ans, il a voyagé à travers les quinze pays de l’ex-Union soviétique, à travers les territoires ruraux les plus reculés et périphériques. Il voulait documenter la réalité de la vie des habitants après le changement de régime. »
L’empreinte de l’héritage de l’URSS transcende toutes les images. Ainsi, l’exposition invite à s’interroger sur l’histoire partagée de l’Asie centrale et à réfléchir sur la pérennité des structures soviétiques, non seulement dans les constructions spatiales, mais aussi dans les modes de gouvernement.« L’exposition des photographies dans le Forum culturel autrichien se préoccupe du changement politique dans les pays de l’ex-Union soviétique. Le titre est emprunté d’un essai d’un spécialiste autrichien de la culture, Ulrich Tragatschnig. Cet essai a été publié dans le livre qui accompagne l’exposition. Au premier regard, les photos semblent tristes et variées, mais elles sont en même temps poétiques. Elles documentent en image la similitude des situations qui se sont produites dans des contextes très différents. »
L’Union soviétique étant dissoute depuis plus de vingt ans, les vestiges de son existence sont les plus visibles dans ses périphéries, là, où l’argent manquait pour rénover les bâtiments ou tout simplement les raser. Ainsi, le paysage des républiques de l’Asie centrale est encore aujourd’hui imprégné des projets mégalomanes des constructeurs soviétiques. On y trouve un arc de triomphe au milieu de nulle part ou un HLM délabré au cœur d’une vaste plaine.
« Christoph Grill montre dans ses photos les journées ordinaires et la lutte pour la survie quotidienne des gens qui vivent dans des régions et pays où le passé et l’héritage communistes sont encore très présents. Dans les photos, on voit des moments qui semblent irréalistes, scénarisés, absurdes, on voit des hommes dans des paysages surréalistes. C’est un monde oublié du temps mais où le passé est encore présent sous la forme de bâtiments dégradants. »Les photographies reflètent le hasard du moment. L’auteur n’a pas fait de mise en scène pour retenir les moments authentiques de la vie quotidienne, lesquels paraissent justement surréalistes dans leur authenticité. Les images sont accompagnées de récits de rencontres avec des gens, comme le dit Christoph Grill, des gens abandonnés par l’histoire mais qui continuent en quelque sorte à vivre dans ses coulisses. L’exposition est à voir au Forum culturel autrichien jusqu’au 22 octobre 2014.